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notaires

  • Plus besoin d'être français pour être notaire en France

    J’en avais parlé sur ce blog et sur mon site ("Pas de frontières pour les notaires" et "Accès des étrangers à la profession de notaire"): le monopole conféré aux notaires français pour exercer cette profession en France était menacé.

    Il appartient désormais au passé grâce à une décision rendue par la Cour de Justice de l’Union européenne le 24 mai 2011 (arrêts de la Cour de justice dans les affaires C-47/08, C-50/08, C-51/08, C-52/08, C-53/08, C-54/08, C-61/08 Commission / Belgique non encore publiés; communiqué de presse ). La Cour juge que les états membres ne peuvent réserver à leurs nationaux l'accès à la profession de notaire car il s’agit d’une discrimination fondée sur la nationalité interdite par le droit de l'Union européenne. Une telle discrimination ne pourrait être justifiée, selon les règles communautaires, que si les notaires participaient à l'exercice de l'autorité publique. C'était d'ailleurs l'argument avancé par la France et les autres états dont la législation était mise en cause. Selon cet argument, les activités notariales participent à l'exercice de l'autorité publique dans la mesure où le notaire, en tant qu’officier public, a pour principale fonction d'authentifier les actes juridiques. Par cette intervention, qui peut être obligatoire (par exemple, pour vendre un bien immobilier) ou facultative, le notaire constate la réunion de toutes les conditions légalement requises pour la réalisation de l'acte, ainsi que la capacité juridique et la capacité d'agir des parties. L'acte authentique jouit, en outre, d'une force probante renforcée ainsi que d'une force exécutoire. Mais l'argument n'a pas convaincu la Cour qui, tout en reconnaissant que, dans de nombreux pays et notamment la France, les notaires ont effectivement cette fonction, estime que l'activité d'authentification qui leur est confiée ne comporte pas une « participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique ».

    Un notaire espagnol ou belge pourra donc prester ses services en France, à condition, bien évidemment, de démontrer sa connaissance du droit français.

    L’arrêt de la Cour pourrait avoir des conséquences plus larges dans la mesure où il conteste le fait que l’authentification des actes soit directement et spécifiquement lié l'exercice de l'autorité publique. Il donne ainsi un argument à tous ceux qui contestent le monopole des notaires pour l’authentification des documents, et en particulier aux avocats tentés par le lucratif marché des ventes immobilières.

    Domaguil

     

  • Nuages sur le monopole des notaires français

    L’étau se resserre autour des notaires français dont on a vu  qu’ils sont menacés de devoir renoncer à leur monopole au nom de la libre prestation de services. Les différents états dont les législations sont attaquées devant la Cour de Justice de l’Union européenne, justifient les restrictions d’accès à la profession de notaire par le fait que ceux-ci participent à l’exercice de l’autorité publique. C’est le cas de la France qui refuse l’accès à la profession à des ressortissants d’autres états membres pour ce motif. Un argument qui n’a pas convaincu la Commission européenne qui a introduit un recours en manquement contre la France et six autres pays membres.

    L’argument ne semble pas  non plus convaincre l’Avocat Général qui dans ses conclusions du 14/09/2010 estime qu’il serait nécessaire « non seulement de déterminer si une activité participe à l’exercice de l’autorité publique, mais également de rechercher ci-après si la mesure étatique contestée peut être justifiée, à la lumière du principe de proportionnalité, par les objectifs poursuivis… » (l’exercice d’activités participant même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité publique). La première question à se poser est donc de savoir si les notaires dans leur activité participent effectivement à l’exercice de l’autorité publique (en authentifiant les actes juridiques). La seconde est de savoir si une discrimination fondée sur la nationalité peut être justifiée compte tenu du particularisme de cette activité. L’Avocat Général ne nie pas que les notaires participent, du moins dans certains de leurs actes, à l’exercice de l’autorité publique, mais il estime qu’aucune des garanties exigées de la profession de notaire ni aucune des spécificité de cette profession « ne justifie que le statut de ses membres intègre une mesure aussi rigoureuse et sévère que la discrimination directe en raison de la nationalité en cause dans les présentes affaires » (point 140). La notion de loyauté invoquée par les états « en tant qu’expression d’engagement envers la communauté politique et de solidarité avec celle-ci ne saurait, pour autant, être considérée comme signe distinctif et exclusif, propre aux États membres en tant que tels, de sorte qu’elle exigerait nécessairement un lien de nationalité »  (point 142) remarque l’Avocat Général .

    La conclusion suit : «…une mesure qui introduit une condition de nationalité telle celle contestée par la Commission dans les présentes affaires apparaît disproportionnée dans la mesure où elle n’est pas nécessaire à la réalisation des fins poursuivies par chaque État lorsqu’il entend soustraire l’activité notariale à la liberté d’établissement » (point 146). Par conséquent,  il y a bien manquement d’Etat et la réglementation française doit être revue.

    Avocat Général, 14/09/2010, conclusions, aff. C-47/08, C-50/08, C-51/08, C-53/08, C-54/08, C-61/08 et C-52/08, Commission / Belgique, Commission / France, Commission / Luxembourg, Commission / Autriche, Commission / Allemagne, Commission / Grèce, et Commission / Portugal

    Domaguil

     

    La Cour de Justice a suivi les conclusions de son avocat général dans son arrêt du 24 mai 2011, voir la note du même jour :

    Plus besoin d'être français pour être notaire en France


  • Avec l été fleurissent les procédures…

    Retour sur quelques affaires dont certaines ont été évoquées sur ce blog
    • La France sommée d’ouvrir les paris sportifs à la concurrence : on le savait, les règles qui réservent à la Française des jeux et le Pari mutuel urbain (PMU) un monopole sur les jeux de hasard en France ne sont pas du goût de la Commission européenne qui estime qu’elles sont un obstacle à la libre prestation des services (voir sur ce blog:  Jeux sans frontières : paris en ligne et libre prestation de servies dans l’Union européenne).  Sont en cause plus précisément les paris sportifs.  Apparemment non convaincue par les réponses de la France à sa demande d’informations, la Commission a annoncé le 27/06 qu’elle adresse un avis motivé aux autorités françaises afin qu’elles modifient la législation, sous peine de faire l’objet d’un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes.
    • La condition de nationalité des notaires jugée contraire au droit communautaire par la Commission  européenne : sept états membres, parmi lesquels la France, vont être traduits devant la Cour de justice de Communautés européennes pour violation du droit communautaire. C’est ce qu’a annoncé la Commission dans un communiqué du 27/06. Sont en cause les dispositions qui réservent aux seuls nationaux  l'accès et l’exercice de la profession de notaire. Voir sur ce blog: Libre prestation de services dans l’Union européenne pour les notaires : la fin du chacun pour soi ? )  en méconnaissance de l’article 43 du traité sur la Communauté européenne sur la liberté d’établissement. La Commission européenne réfute l’argument de la France selon lequel cette condition serait justifiée au regard de l’art. 45 du Traité qui permet des exceptions au principe de liberté d’établissement pour les activités participant à l'exercice de l'autorité publique.
    • Pollution de l’eau par les nitrates en Bretagne : en ce début d’été, les procédures pleuvent. Un problème récurrent celui de la pollution des eaux de surface bretonnes par les nitrates revient dans l’actualité. La Commission européenne a rendue publique le 27/06, sa décision de saisir pour la seconde fois la Cour européenne de justice. Le 21/03, elle avait accordé à la France un sursis de trois mois avant de saisir une nouvelle fois la Cour de justice au vu du  nouveau plan d'actions qui lui avait été proposé par les représentants français (voir la brève d’information sur le site eurogersinfo: Qualité de l’eau ). Trois mois plus tard, la Commission constate que la France a pris un certain nombre de mesures pour mettre en place le plan d'actions (par exemple, adoption d'un cadre réglementaire, procédures entamées pour la fermeture de 4 prises d'eau). Mais, remarque-t-elle, un nombre important d'exploitants n’a toujours pas souscrit les mesures agro-environnementales volontaires essentielles à la mise en oeuvre en 2007 du plan alors que la mise en place effective des mesures obligatoires doit intervenir avant le 1er janvier 2008. La Commission demandera donc à la Cour  d'imposer à la France une amende supérieure à 28 millions d'euros assortie d’une astreinte journalière de 117 882 euros.

       Domaguil 

  • Libre prestation de services dans l’Union européenne pour les notaires : la fin du chacun chez soi ?

    La proposition de directive sur les services (dite "proposition Bolkestein" à l'origine), prévoyait la libéralisation de l’activité des notaires dans toute l’Union européenne. Un lobbying judicieux de la profession eut pour conséquence de l’exclure du champ d’application de la directive.

     

     

    Qu’à cela ne tienne ! Dans un communiqué du 12/10/2006 , la Commission européenne, décidément tenace, a changé de tactique et tiré de nouvelles munitions de sa musette en annonçant la poursuite de la procédure qu’elle avait lancée pour que la condition de nationalité soit abolie, ce qui permettrait d’entrebailler la porte aux notaires ressortissants d’autres états de l’Europe.

     

     

    En France, comme dans d’autres pays européens, la profession de notaire est réservée aux nationaux. Le motif invoqué est que cette activité relève de l’exercice de l’autorité publique. En France, par exemple, les notaires ont la compétence de donner force exécutoire  à certains actes ce qui permet de faire l’économie d’une décision de justice pour en obtenir l’application en cas de difficulté. Ainsi le bailleur en possession d’un contrat de location établi devant notaire pourra directement mettre en œuvre des procédures d’exécution pour contraindre le locataire à respecter ses obligations, sans avoir au préalable à se faire autoriser par un juge. Cette participation des notaires au service public de la justice justifierait une exception au principe de la liberté d’établissement prévue à l’article 43 du traité et au principe communautaire de non discrimination en fonction de la nationalité qui implique que les citoyens d’un autre pays de l’Union aient les mêmes droits et obligations que les nationaux.

     

     

    L’argument est réfuté par la Commission qui objecte que selon la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes, la participation à l’exercice de l’autorité publique doit être  « directe et spécifique » pour que l’exception soit applicable. Ce qui n’est pas le cas du notaire d’après la Commission, celui-ci ne pouvant imposer de décision contre la volonté d'une des parties qu'il conseille : « En d'autres termes, il ne tranche pas et n'exerce donc pas d'actes d'autorité au nom de l'Etat », estime-t-elle. Exit donc l’argument tiré de la participation à l’autorité publique. Quant à celui de la compétence (la profession de notaire nécessiterait un « haut niveau de qualification »), la Commission le balaie d’un revers de main en rappelant que la directive  89/48 sur le système général de reconnaissance des diplômes (que les états sont sensés avoir transposé depuis belle lurette) permet de vérifier par le test d’aptitude ou le stage la maîtrise des connaissances nécessaires en droit national. Pas d’excuse donc, pour maintenir une condition de nationalité.

     

     

    Bien que la Commission s’empresse de préciser que la suppression de la condition de nationalité n’implique pas la modification du statut des notaires et ne remet pas en cause  la compétence des Etats de réglementer la profession, la pierre dans le jardin à la française des notaires a fait réagir cette communauté d'ordinaire discrète. Dans un communiqué du 12/10, le Conseil des notariats de l’UE  apostrophe  vertement la Commission européenne  Il rappelle que dans de nombreux pays, les notaires  sont des officiers publics qui « contribuent par la délivrance des actes authentiques et leur fonction de magistrats de l’amiable au bon fonctionnement de la Justice ». L’argument de la Commission selon lequel les notaires n’exercent « pas d’actes d’autorité au nom de l’Etat » est « inacceptable » car il ne prend en compte que leur activité de conseil et « omet ainsi l’essentiel, à savoir l’exercice par les notaires du service public de l’authenticité dans 19 des 25 pays de l’Union ». Enfin, dernière remarque acide : « Les notariats de l’Union rappellent que la détermination des conditions dans lesquelles s’exerce leur délégation de puissance publique, et les effets des actes qu’ils rédigent, ne relèvent pas de la Commission, mais de la souveraineté des Etats membres. Ils s’en remettent donc aux décisions de leurs Etats en la matière ».

     

     

    Voilà la Commission prévenue : les notaires ont mis les charriots en cercle.

     

     

    Réflexe corporatiste ? Quel vilain soupçon !

     

     

    Tout de même…la position des notaires, français en particulier, semble effectivement très protectionniste, preuve en est le "forcing" auquel ils se sont livrés pour faire exclure de la libéralisation leur profession dans son ensemble et non pas seulement les activités qui correspondent à leur mission d’intérêt général. D’autre part,  le dossier va être plus difficile à plaider à présent qu’un pays comme l’Espagne dans lequel les notaires, sauf erreur de ma part, ont peu ou prou les mêmes attributions que leurs voisins français, n’impose plus la condition de nationalité (comme l’Italie et le Portugal qui y ont également renoncé récemment).

     

     

    Sur le fond, l’argument de l’exercice d’actes d’autorité au nom de l’Etat doit être examiné à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. L’arrêt Reyners  21/06/1974, aff.2/74, Reyners c.Etat belge)  précise que la dérogation au principe de liberté d’établissement ne peut profiter à une profession entière à moins que les activités que ses activités soient étroitement liées de telle manière que la libéralisation aurait pour effet d’imposer à l’État l’obligation d’admettre l’exercice, même occasionnel, par des non nationaux, de fonctions relevant de l’autorité publique. Autrement dit, les restrictions à la liberté d’établissement ne peuvent être invoquées que pour des activités et non pour une profession dans son ensemble. S’il est possible de détacher les activités contribuant à l’exercice de l’autorité publique de celles qui n’ont pas ce caractère (conseil juridique), la condition de nationalité ne peut être imposée pour les secondes.

    La Commission européenne ne semblant pas décidée à faire marche arrière, une procédure se profile à l’horizon si la France ne répond pas de manière satisfaisante (c’est-à-dire convaincante) à l’injonction de la Commission (appelée « avis motivé »). Le délai est de deux mois, après quoi la Cour de Justice des Communautés européennes pourrait être saisie pour manquement de la France à son obligation de respecter le droit communautaire.

    Domaguil