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terrorisme

  • Affaire Swift, le juge Bruguière rend son rapport

    En juin 2006 éclatait le scandale SWIFT. On  découvrait que l'administration nord américaine avait de fort mauvaises manières et, peu respectueuse de la confidentialité des données personnelles, avait contraint la société Swift à lui fournir des données financières  personnelles sur les clients européens des banques qui utilisent ses services, dans le cadre du « programme de traque du financement du terrorisme » (TFTP).

    A la suite du tollé provoqué par cette découverte, l'Union européenne avait du négocier avec les Etats-Unis un accord pour déterminer les conditions de communication des données bancaires et, au terme des discussions, les Etats-Unis s'étaient engagés en juin 2007 sur des contrôles et des sauvegardes à appliquer au traitement, à l'utilisation et à la diffusion des données concernées par le programme (publiés ensuite au Journal Officiel de l'Union Européenne). Les autorités américaines concernées (le Département du Trésor) s'engageaient à utiliser les données SWIFT obtenues sur injonction exclusivement à des fins de lutte contre le terrorisme, à ne pas conserver les données au-delà de délais déterminés dans les circonstances appropriées, et à procéder régulièrement à des contrôles afin d'identifier et d'effacer toute donnée qui ne serait pas nécessaire pour lutter contre le terrorisme. Les engagements confirmaient aussi que la limitation stricte aux fins contre-terroristes devait s'appliquer également aux informations en provenance de SWIFT échangées avec d'autres agences américaines ou avec des pays tiers. Enfin, ils  prévoyaient la désignation d'une « personnalité éminente européenne » chargée de contrôler  la mise en oeuvre des engagements des autorités américaines  en ce qui concerne la protection des données personnelles en provenance de l'Union européenne.

    Et c'est ainsi que le juge français Jean-Louis Bruguière, connu pour son expérience des affaires de terrorisme, a été choisi en mars 2008.

    La Commission européenne vient de rendre public, le 17/02/2009,  le premier rapport annuel établi par le juge. Il confirme que les procédures appliquées par le département du Trésor respectent les engagements pris en 2007 et  permettent de garantir la protection des données personnelles. Il préconise aussi des recommandations destinées à assurer la pérennité et le renforcement de ces mesures.

    Domaguil

  • 13 pays de lUnion incriminés dans un rapport sur les activités secrètes de la CIA en Europe

    En novembre 2005, divers medias titraient sur l’existence de centres de détention clandestins de la CIA en Europe de l’Est où auraient été incarcérés des terroristes réels ou présumés tels par les autorités américaines. Devant le scandale provoqué par ces révélations, des enquêtes étaient ouvertes tant au niveau national que dans le cadre du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, par l’intermédiaire, pour cette dernière, du Parlement européen.

     

     

    Le 18 janvier 2006, celui-ci décidait de créer une commission pour enquêter sur l’aide qu’auraient apporté certains pays européens à la CIA pour transporter et détenir illégalement des prisonniers. Faute de base juridique pour créer une commission d’enquête proprement dite, la commission mise en place était une commission temporaire aux pouvoirs plus restreints (elle pouvait « inviter », mais ne pouvait pas « obliger », les représentants des États membres à se présenter à ses auditions).

     

     

    Le mandat de la commission était donc de rassembler et d’analyser les informations nécessaires pour déterminer:

    • si la CIA, d'autres agents américains ou services de renseignement d'autres pays tiers avaient procédé à des  enlèvements, à des « remises extraordinaires », à la détention dans des sites secrets, à la mise au secret, à la torture, ou à d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants à l'égard de prisonniers sur le territoire de l'Union européenne, pays adhérents et candidats compris, ou avaient utilisé ce territoire à ces fins, par exemple par des survols de l'espace aérien;
    • si ces opérations pouvaient être considérées comme une violation de l'article 6 du traité sur l'Union européenne et des articles des différents textes internationaux (Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en particulier) qui prohibent la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
    • si des citoyens de l'Union européenne ou des pays  candidats comptaient parmi les personnes impliquées dans les enlèvements et autres faits incriminés ou parmi celles qui en auraient été victimes;
    • si des états membres, des fonctionnaires publics, des personnes chargées d'une mission officielle ou des  institutions de l'Union européenne avaient été, que ce soit par action ou par omission, impliqués dans des actes de privation illégale de liberté de personnes, y compris à leur enlèvement, à leur remise, à leur transfert, à leur détention ou à leur torture, ou avaient été complices de tels actes.

    Une fois les informations collectées, la commission devait soumettre au Parlement des recommandations sur les conséquences  politiques, juridiques et administratives à tirer du résultat de l’enquête sur le plan européen et sur celui des  relations de l'Union européenne avec des pays tiers.

     

     

    Le résultat d’une année d’investigation est un rapport présenté aujourd’hui par le rapporteur de la commission,  le député italien socialiste Claudio Fava, et qui sera soumis au vote du Parlement européen le 14 février.

     

     

    Tout comme son homologue du Conseil de l’Europe qui dans un document rendu public le 07/06/2006 incriminait 14 pays membres du Conseil de l’Europe pour des violations des droits des personnes, le rapport de M. Fava conclut que plusieurs états de l’Union européenne connaissaient les agissements de la CIA et y ont prêté assistance à différents degrés (le moindre étant la passivité) : Italie, Royaume-Uni, Allemagne, Suède, Autriche, Espagne, Portugal, Irlande, Grèce, Chypre, Danemark, Pologne, Roumanie.

     

     

    Le rapport relève que 1245 vols exploités par la CIA ont survolé l’espace aérien européen ou fait escale entre 2001 et 2005, grâce à un relâchement du contrôle des états sur leur espace aérien. Ces vols ont permis selon le rapport les « restitutions extraordinaires », autrement dit des enlèvements et des transferts d’un pays à l’autre pour subir des interrogatoires, le tout en violation de la légalité et notamment de la protection des droits. Ainsi, le rapport cite des escales d'avions exploités par la CIA dans des aéroports allemands, espagnols ou polonais,  « qui, dans de nombreux cas, provenaient de ou se dirigeaient vers des pays liés à des circuits de restitutions extraordinaires ou de transferts de détenus », certains des vols ayant Guantanamo pour destination. Le rapport met également en cause l’utilisation des bases militaires américaines comme centres de détention temporaire grâce là encore à l’absence de contrôle des pays sur le territoire duquel se trouvent ces bases. Dans la majorité des cas rapportés dans les diverses auditions réalisées, l’utilisation de la torture et du secret sont allégués.

    Les conclusions du rapport reposent sur 130 auditions, des déplacements en ancienne République yougoslave de Macédoine, aux États-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Roumanie, en Pologne et au Portugal, et l’obtention de documents quelquefois confidentiels (par exemple, des enregistrements de la réunion transatlantique informelle entre l'Union européenne et les ministres des affaires étrangères de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), à laquelle a assisté la secrétaire d'État américaine, Condoleezza Rice, le 7 décembre 2005, confirmant que les états membres avaient connaissance du programme de "restitutions extraordinaires" et des prisons secrètes). Elles sont largement concordantes avec celles du rapport du Conseil de l’Europe. Ce qui incite à conclure à la fiabilité des informations. Le fait que de nombreux états incriminés ont refusé de répondre à la commission pousse également dans ce sens, comme l’exprime le rapporteur lui-même: « l’absence avérée de réponses concrètes aux questions des victimes, des ONG, des medias et des parlementaires a seulement renforcé la crédibilité d’allégations déjà étayées par ailleurs ». Et, au passage, le rapport administre une véritable volée de bois vert à certaines autorités nationales (la Pologne étant particulièrement mise en cause pour son « manque de coopération » ce qui vise aussi bien le gouvernement que…le parlement), au conseil de l’Union européenne et à Javier Solana le Haut représentant pour la PESC (politique étrangère  et de sécurité commune).

     

     

    Enfin, le rapport formule un certain nombre de recommandations. Dans chaque pays, les parlements nationaux devraient à leur tour engager des enquêtes indépendantes et les états devraient se doter de lois efficaces pour contrôler l'activité des services secrets de pays tiers sur leur territoire. Au niveau de l’Union, la commission des libertés civiles du Parlement européen devrait à présent se saisir du dossier pour recommander, si nécessaire, des sanctions sur la base de l’article 7 du traité de l’Union européenne à l’encontre des états ayant violé les droits fondamentaux reconnus par l’Union. Le rapport demande également la fermeture de Guantanamo... Si justifiées soient-elles, ces recommandations ont un grave défaut: elles n’ont évidemment aucune valeur contraignante. Il reste l’intérêt de porter sur la place publique une question fondamentale que beaucoup de gouvernements  auraient certainement préféré tenir secrète. Peut-être cela les incitera-t-il à tirer les leçons de cette triste péripétie de la lutte contre le terrorisme voulue par Washington et à méditer ces lignes tirées du rapport de Dick Marty pour le Conseil de l’Europe : « Si les Etats du Vieux Continent ont fait face à ces menaces (ndr : terroristes)  en se fondant essentiellement sur les institutions et l’ordre juridique en place, les Etats-Unis semblent avoir fait un choix fondamentalement différent : estimant que ni les instruments classiques de la justice, ni ceux qui sont prévus par le droit de la guerre n’étaient à même de contrer efficacement les formes nouvelles du terrorisme international, ils ont décidé de recourir à de nouveaux concepts juridiques… Cette conception juridique est totalement étrangère à la tradition et à la sensibilité européenne et est manifestement contraire à la Convention européenne des droits de l’homme ainsi qu’à la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’ancien adage de Cicéron, inter arma silent leges, semble avoir gangrené même des organismes internationaux, pourtant censés assurer la primauté du droit et l’équité de la justice. Il est franchement inquiétant de devoir constater que le Conseil de Sécurité de l’ONU sacrifie les principes essentiels en matière de droits fondamentaux au nom de la lutte contre le terrorisme ».

     

    Franchement inquiétant, effectivement.

     

    Domaguil