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  • Parlons Europe avec la France suite et fin

    (Suite des billets des 26 et 27/03)

     

    F (elle prend un ton solennel)- Je suis la patrie des pères fondateurs de l’Union : Jean Monnet, Robert Schumann. J’ai donné de grands européens qui ont beaucoup apporté à la construction communautaire : Jacques Delors, François Mitterrand, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal…

    I- Euh, pour les deux derniers, vous êtes sûre ?

    F- Non, à vrai dire, j’ai un doute. Donc, je disais…qui encore. Ah oui : Charles de Gaulle, Valery Giscard d’Estaing, les mousquetaires…

    I- D’Artagnan et les autres ?

    F- Non. Intermarché. Ils sont partout en Espagne, vous avez vu. C’est formidable.

    I (un peu accablé)- Si vous voulez. Et quel autre apport de la France à l’Union européenne ?

    F- Ben, on paye

    I-Oui, mais ça c’est normal. Tous les états contribuent au budget de l’Union. Les plus riches un peu plus que les autres : c’est la solidarité européenne.

    I-Mais on paye beaucoup pour des pays qui ne s’intéressent à l’Europe que pour les subventions, des assistés : la Pologne,  l’Espagne, le Portugal, la Lit….hum…bref…on est contributeurs nets en somme.

    I-Après avoir largement bénéficié des aides européennes pendant des décennies ! Il est assez normal que vous fassiez à votre tour les efforts que l’on a fait pour vous à travers la PAC.

    En 2005, la différence entre votre contribution  au budget et les dépenses dont vous bénéficiez donne un solde négatif de 2883 millions d’euros. Ce qui, rapporté au revenu national brut représente 0,17% et qui comparé avec les 288,5 milliards d’euros de dépenses de votre budget permet de relativiser l’idée de contribution nette au budget de l’Union !

    F-Jeune homme je n’aime pas beaucoup ce ton de donneur de leçons. Je vous rappelle que vous parlez …

    I-à un membre fondateur de l’Union européenne, je sais, oui. 

    F-Hein ?

    I-Rien rien. Et vos projets pour l’Union ?

    F-J’en ai plein les cartons ! La France est un laboratoire d’idées ! D’abord, je veux la solidarité européenne et que le Royaume-Uni arrête de nous bassiner avec sa contribution et son juste retour

    I-Pourtant le Royaume-Uni a accepté de revoir sa contribution à la hausse en renonçant à une part de son rabais. Vous n’avez pas fait le même effort sur la PAC et vous avez refusé d’augmenter le budget de l’Union . Du coup, ce sont les pays les plus pauvres qui ont du faire un geste …

    F-Ecoutez, vous, chacun sa spécialité. La mienne c’est de donner des leçons aux autres, pas de les appliquer. Je continue sur mes propositions. Je veux l’Europe politique, une politique extérieure commune, la lutte contre le dumping social et fiscal ce qui implique d’harmoniser nos législations .

    I-Donc, l’abandon de la règle du vote à l’unanimité sur ces questions ?

    F-Ca ne va pas, non ? Je ne vais tout de même pas renoncer à mon droit de veto pour que les autres en profitent pour m’imposer une harmonisation par le bas et détruire ce modèle social que le monde nous envie.

    I (abattu)- Encore des idées ?

    F- Oui. je veux la coopération intergouvernementale qui respecte pleinement la souveraineté des nations.

    I-Comme l’ONU ? Mais ce n’est pas le système communautaire, cela. La coopération intergouvernementale c’est le risque de  paralysie décisionnelle puisqu’on décide à l’unanimité.

    F-Vous êtes pénible. Laissez moi finir de vous expliquer. Je veux la coopération intergouvernementale dans un cadre intégré et supranational.

     I-(de plus en plus abattu)- Mais c’est du charabia. Cela n’a aucun sens. On ne peut pas avoir à la fois l’intergouvernemental et la supranationalité : c’est antinomique. Ou alors dans des domaines différents. Mais cela existe déjà : c’est la construction en piliers de l’Union européenne.

    F-Non, dans le même domaine.

    I (consterné)- C’est impossible !

    F- Jeune homme, impossible n’est pas français.

     

    Domaguil

     

     

     

    -Chiffres du budget Europe

     

    -Dette de l'Etat 

     

    -Budget français

     
  • Parlons Europe avec la France, suite

    (Suite du billet du 26/03)

     

     

    I- Donc, vous n’approuvez pas l’élargissement .

    F- Il faut comprendre. Il n’y a pas assez de gâteau pour tout le monde. Toutes ces bouches à nourrir, ça coûte cher.

    I-15 euros par habitant et par an de 2004 à 2006. 75 euros par habitant et par an  entre 2007 et 2013.

    F- Ouh que c’est cher !

    I –Ce n’est pas si cher payer  pour  s’assurer de la stabilité des pays aux frontières de l’Union et  s’ouvrir de nouveaux marchés. Cela dit, si vous voulez, on peut comparer à une dépense qui, elle, ne rapporte strictement rien et se fait à fonds perdus : les intérêts de votre dette publique : 666 euros par an et par habitant en 2005.

    F (fâchée)- Je ne vois pas le rapport.

    I-A mon avis, les contribuables le voient, eux.

    F- Bon et si on revenait à l’Europe.

    I- Si on vous demande ce que l’Union européenne fait pour vous, qu’est ce que vous répondez ?

    F- Entre nous (elle baisse la voix), je ne voudrais pas favoriser un sentiment eurosceptique, mais l’Union ne m’a rien apporté.

    I- Et la Politique Agricole Commune ? Et les aides des fonds structurels qui ont financé le développement de vos régions, les entreprises, les ponts, les routes financées par le FEDER ?

    F- Ah non, là vous confondez ! C’est en Espagne, ça. Je l’ai vu . Il y a des panneaux partout sur les routes qui indiquent que c’est le machin là…

    I- Le FEDER ?

    F- Oui, le bidule qui a financé.

    I- C’est parce que l’Espagne a mis les panneaux pour informer le public de l’aide de l’Europe. Vous, vous avez pris les subventions et vous avez fait croire que c’est vous qui aviez tout payé.

    F- J’ai fait ça moi ? Remarquez, ce n’est pas impossible. J’ai trouvé une astuce assez pratique : quand tout va bien, je dis que c’est grâce à moi. Quand il y a un problème, je dis que c’est la faute de l’Europe. Et ça marche.

    I- Pas très fair play ni très pro européen comme procédé.

    F- Jeune homme, je ne vous permets pas ce persiflage. Je vous rappelle que vous parlez à un membre fondateur de l’Union .

    I- Dans ce cas, vous devriez pouvoir me répondre : qu’a fait de plus l’Union européenne pour vous ?

    F (vexée) – Puisque vous êtes si malin, dites-le vous-même !

    I-Voyons , eh bien, par exemple, pour parler des seules implications sur la vie quotidienne des gens :  possibilité de voyager partout dans l’Union, d’étudier et  de s’installer à égalité de droits avec les nationaux, maintien et totalisation des droits à la sécurité sociale même si on a cotisé dans différents pays, indemnisation du surbooking,  développement des compagnies aériennes  low coast, normes de qualité de l’eau (par exemple  taux de nitrates, de plomb),  et de l’air (par ex. limitation des émissions de CO2), protection de la santé et de la sécurité au travail (comme la protection contre l’amiante, les agents chimiques, le bruit), réglementation des substances chimiques, aides à la formation, échanges d’étudiants , reconnaissance  de diplômes et des qualifications professionnelles, aides au reclassement des chômeurs, aides aux PME, lutte contre les discriminations, égalité entre les hommes et les femmes par exemple dans l’accès à l’emploi , soutien aux énergies renouvelables (20% en 2020), préservation de la biodiversité (natura 2000), protection des consommateurs (crédit à la consommation, clauses abusives dans les contrats, multi propriété ou trime share, vente à distance,…) , soutien au cinéma européen , éco label, comité d’entreprise européen, protection des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, lutte contre les monopoles, etc, etc…

    F (impressionnée) – Ah quand même….Je n’aurais pas cru, vous voyez. Mais moi de mon côté j’ai beaucoup fait pour l’Union européenne.

    I- Quoi par exemple ?

     

     (à suivre) 

     

    Domaguil

     
  • Parlons Europe avec la France

    La Déclaration de Berlin  et le 50 ème anniversaire du traité de Rome ont été largement repris dans les medias (quant à moi, j’avais fait une note sur les préparatifs et les enjeux il y a quelques jours : ceux qui le veulent la trouveront ici sur ce blog ).

     

    Pour changer un peu d’optique, je me suis amusée à faire un commentaire décalé et de mauvaise foi. J’ai imaginé que la France était interviewée sur ses relations avec l’Union européenne. Les propos que je lui prête sont une compilation de commentaires entendus ici ou là de la part de gens différents. Bien entendu, c’est une caricature. Bien entendu….

     

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    Interviewer- Bonjour, France. Merci de répondre à nos questions sur l’Europe communautaire et avant tout, aujourd’hui, jour des 50 ans du Traité de Rome, je suppose que vous souhaitez un bon anniversaire à l’Union européenne ?

    France- Absolument ! Et je lui souhaite encore de nombreuses années de vie, car l’Europe est notre horizon, notre avenir, notre Graal, notre port d’attache dans les remous de la mondialisation, notre alpha et notre omega. J’aime l’Europe. Je suis une européenne fervente (je vous rappelle que je suis membre fondateur). J’aime son drapeau. J’aime son hymne. Vous voulez que je vous le chante ?

    I- Euh, non merci. Quelle fougue ! Pourtant, l’Europe et vous êtes un peu en froid depuis mai 2005, non ?

    F- Ce n’est qu’une péripétie qui sera vite oubliée lorsque cette constitution illisible, anti démocratique et mal fichue sera passée à la trappe définitivement.

    I- Mais la Constitution c ‘était votre idée. C’est vous qui aviez insisté auprès des autres pays membres  pour que l’Europe en ait  une.

    F- Oui ? Ah oui, c’est vrai. Bon…disons que c’est mon surmoi qui a fait des siennes. Mon moi était beaucoup plus réservé et mon ça pas du tout d’accord. C’était compliqué.

    I- En effet.

    F- Il y a toujours une explication psychanalytique, vous voyez.

    I- Et l’élargissement, c’est votre ça, votre moi ou votre surmoi qui est contre ?

    F- Jeune homme, je sens une ironie déplacée dans votre question. Un peu de respect : je vous rappelle que vous parlez à un membre fondateur de l’Union. L’élargissement a été une erreur. On a voulu aller trop vite, sans approfondir au préalable. A 15 ça allait encore. On avait des valeurs communes. Mais maintenant c’est la pétaudière. On a voulu élargir à l’est je vous demande un peu pourquoi…

    I- Parce que c’était une promesse faite aux anciennes démocraties populaires après la chute du mur de Berlin.

    F- Eh bien ce jour-là on aurait mieux fait d’aller à la pêche. A qui le tour de rentrer maintenant hein ? Pourquoi pas la Lituanie tant qu’on y est !

    I- La Lituanie est déjà dans l’Union européenne.

    F- Quoi ????? Non, mais je rêve ! Mais c’est pas possible (excusez-moi j’en oublie ma syntaxe). Mais pourquoi l’a-t-on  laissée entrer ? Franchement, vous savez où ça se trouve la Lituanie? On s’en fout des Lituaniens. Vous en connaissez des Lituaniens, vous ?

    I- Je suis Lituanien.

    F-……

     

    (à suivre)

     

    Domaguil

     

  • Union européenne et privatisation des établissements publics

    Dans des notes précédentes (voir le thème : Concurrence/ Service public),  j’expliquais comment certaines aides d’Etat  accordées à des entreprises ou des organismes publics peuvent être incompatibles avec les règles du droit communautaire de la concurrence et supprimées. Faut-il en conclure, comme on l’entend souvent, que le droit communautaire suppose la libéralisation tous azimuts et le démantèlement du secteur public auquel nous sommes en France très attachés ? Mardi 13, France inter consacrait l’émission matinale « service public » à la libéralisation de la Poste. Si les intervenants ont précisé à plusieurs reprises que libéralisation et privatisation étaient des notions différentes, les appels de certains auditeurs montraient que la confusion est encore réelle sur cette question et sur les responsabilités respectives des états et de l’Union européenne.

     

    Pour tenter de comprendre, retour donc sur une affaire emblématique et exemplaire, celle de la transformation du statut d’EDF d’EPIC en société anonyme détenue majoritairement par l’Etat. Les arguments mis en avant par le Gouvernement pour justifier ce changement de statut sont assez révélateurs des divergences  entre les autorités françaises et la Commission européenne, divergences souvent entretenues par opportunisme politique.  Selon le Gouvernement, le changement juridique de statut d’EDF était inévitable pour satisfaire aux « exigences » de Bruxelles (pour reprendre une formule éculée) car, la garantie illimitée étant intrinsèquement liée au statut d’EPIC, demander sa suppression comme le faisait la Commission, équivalait à demander la fin de ce statut.

     

     

    Le problème, c’est que le commissaire européen alors chargé de la concurrence, M.Monti, bien placé pour savoir de quoi il parlait en sa qualité de gardien des tables de la loi européenne, avait une toute autre analyse. Ainsi qu’il l’expliquait aux députés français le 10 juin 2003, l’octroi d’une garantie de l’Etat ne posait pas de problèmes de principe, puisque seul était en cause son caractère illimité. Interrogé sur la nécessité de changer le statut alléguée par le gouvernement, M.Monti se livrait à une petite leçon de droit communautaire en soulignant que le statut public ou privé des entreprises est une question qui relève de la compétence du législateur national et non du droit communautaire : « L'article 295 du Traité C.E. » disait-il «  précise clairement que le Traité ne préjuge en rien du régime de la propriété des entreprises dans les Etats membres. Il n'appartient donc pas à la Commission de demander la privatisation des entreprises ou, inversement, leur nationalisation. La décision de privatiser une entreprise relève de la seule responsabilité des Etats membres ». Un an plus tard, il tenait devant les sénateurs, cette fois, des propos encore plus explicites : « la transformation du statut d'EDF, telle qu'elle est prévue par le projet de loi, va au-delà des exigences de la Commission européenne et [qu'] elle répond au libre choix du gouvernement français. Bien évidemment, la Commission européenne ne critique pas ce choix. Mais il faut être conscient qu'elle ne l'impose pas non plus ». Et pour preuve, il rappelait que la suppression en 2002 de la garantie dont bénéficiaient des banques publiques allemandes n’avait pas conduit à modifier leur statut public.

     

    Conclusion qui s’impose à la lecture de ces propos : invoquer la suppression de la garantie illimitée pour justifier une transformation d’EDF en société anonyme relevait au minimum d’une confusion, au pire d’une manipulation du Gouvernement français pressé de faire endosser à l’Union européenne la responsabilité d’un choix qu’il n’assumait pas. La CGT, hostile à ce choix,  ne s’y était pas trompée. Dans une déclaration du 21 juin 2004, son secrétaire général Bernard Thibaut se fondait sur les propos du commissaire Monti pour proposer  une solution « euro compatible »  qui permettait également à EDF et GDF de conserver leur statut d’établissements publics : il suffisait qu’ils rémunèrent l’Etat en contrepartie de la garantie qu’il  leur accordait de manière à ce qu’il n’y ait plus de distorsion de concurrence.

    On le sait, une autre conception a prévalu.

    Mais quelles que soient les raisons qui ont motivé le changement de forme juridique, manifestement, elles avaient en définitive peu à voir avec le droit communautaire qui avait joué  le rôle d’un écran de fumée. C’est ainsi que le cas EDF est devenu exemplaire de la confusion entretenue sur la portée  des décisions de l’Union européenne dans notre vie quotidienne. Parions que ce n’est pas le dernier, ce qui nous ramène au débat actuel sur la Poste. Et, une fois n’est pas coutume je renverrai à un média, à savoir l’émission citée au début de la note qui traitait plutôt bien du sujet: France inter, Service public, émission du 13 mars,   « Les Services Publics en Europe…Faut-il s’inspirer de nos voisins ? : la Poste ».

    Domaguil