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  • Jeux sans frontières : paris en ligne et libre prestation de services dans l’Union européenne

    Emoi dans le monde clinquant des jeux d’argent : le 15/09/2006, les dirigeants de la société de paris en ligne autrichienne Bwin sont  arrêtés à Nice. Pourquoi ? Parce qu’une plainte a été déposée contre Bwin et une enquête ouverte pour « tenue illicite de jeux de hasard, loterie illicite, publicité de loteries prohibées, prise de paris illicite sur des courses de chevaux". A l’origine de la plainte : la Française des jeux et le Pari mutuel urbain (PMU) qui ont un monopole sur les jeux de hasard en France et n’entendent pas laisser d’autres sociétés empiéter sur leurs platebandes. S’ensuit une certaine agitation médiatique, la société Bwin clamant son indignation devant des « mesures disproportionnées » (précisons  pour les âmes sensibles que les dirigeants incarcérés ont été depuis libérés sous caution) et dénonçant les Etats qui « utilisent la force

    publique pour protéger, contre l'initiative privée et en contradiction avec le droit européen, des monopoles lucratifs illégitimes ».

     

     

     

    Sans préjuger de la validité des diverses incriminations dont fait l’objet Bwin (et notamment la publicité illégale), une question générale se pose en toile de fond de cette affaire : la libre prestation de services dans l’Union européenne interdit-elle que des législations nationales réservent les jeux d’argent à quelques sociétés en situation de monopole au détriment de leurs concurrents européens ? En d’autres termes, la réaction musclée des autorités françaises est-elle le chant du cygne d’un monopole condamné ? Du coté français on affiche une sérénité quasi bouddhique, en faisant valoir que les jeux ont été exclus du champ d’application de la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur en raison de la nature particulière de cette activité.

     

     

     

    Certes. Mais il n’en reste pas moins que  la directive services n’est que le prolongement de l’article 49 du traité sur la Communauté européenne et que celui-ci est l’objet d’une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui pourrait être favorable aux thèses de la société Bwin.

     

    Sans entrer dans le détail de celle-ci (pour plus de détails voir l’article sur le site eurogersinfo), rappelons que la Cour de justice des Communautés européennes :

    1. reconnaît aux états une marge d’appréciation pour réglementer les jeux de hasard (et les paris)
    2. admet que des objectifs d’intérêt général (protection de l’ordre social et lutte contre la fraude) puissent justifier des limitations au principe de libre exercice de ces activités
    3. mais exige que les mesures restrictives prises soient conformes à ces objectifs, proportionnées (n’excédant pas ce qui est nécessaire pour les atteindre)  et non discriminatoires (applicables de la même façon aux entreprises nationales et aux entreprises d’autres états de l’Union).

    Et ces conditions ne sont pas remplies, juge la Cour, lorsque les autorités d’un Etat incitent et encouragent les consommateurs à participer aux loteries, aux jeux de hasard ou aux jeux de paris afin de faire entrer de l’argent dans les caisses du trésor public. Car ces autorités ne peuvent pas alors  invoquer l’ordre public social tenant à la nécessité de réduire les occasions de jeu pour justifier des mesures limitant la liberté d’autres prestataires communautaires de proposer des paris en ligne. De plus, ajoute la Cour, si une sanction pénale est infligée aux contrevenants, il faut examiner si cela ne constitue pas une sanction disproportionnée (CJCE, 06/11/2003, C-243/01, Gambelli e.a).

     

     

     

    Il reste donc à la société Bwin à démontrer que le monopole conféré à la Française des jeux ne poursuit aucun intérêt général tel que la protection de l’ordre social, mais vise tout simplement à préserver et augmenter sa cagnotte. Et donc qu’il s’agit d’une entrave injustifiée à la liberté de prestation des services.

     

     

    Mission impossible ? Les casinos déjà en guerre contre le monopole (une plainte a été introduite devant la Commission européenne par le Syndicat Moderne des Casinos de France (SMCF) au printemps dernier) ne semblent pas le croire. Si l’on ajoute que la Commission européenne elle-même a déjà rappelé à l’ordre sept pays, au nombre desquels  l'Allemagne,  suspectés d'entraver la libre concurrence dans le secteur des paris sportifs, et qu’elle n’entend pas en rester là (d’autres pays seraient dans sa ligne de mire),  les avocats de la Française des jeux vont devoir affûter leurs arguments.

     

    Domaguil

     

     

     

  • Bibliothèque numérique : la tortue européenne rattrapera-t-elle le lièvre Google ?

    Entre l’Europe et Google la course de vitesse  pour mettre en ligne une bibliothèque proposant aux internautes du monde un accès aux œuvres numérisées continue.

     

     

     

    TEL (pour The European Library) est le concurrent européen du  projet de bibliothèque en ligne  lancé par Google . Il résulte d’une initiative des membres de la Conférence des bibliothécaires nationaux européens qui a bénéficié rapidement d’une aide de la Communauté européenne. L’enjeu est de préserver la diversité culturelle en évitant que le monde anglo-saxon n’impose son hégémonie sur la culture mondiale. Sur le plan du fonctionnement, TEL ne propose pas une base de données unique, mais doit permettre de faire des recherches dans les différentes collections des institutions culturelles qui en sont membres (bibliothèques, archives, musées) à partir d'un seul point d'accès multilingue, qui se présente sous la forme d'un portail internet, ce qui évite à l’internaute d'être obligé de connaître et de visiter toute une série de sites. Le projet a franchi une étape décisive avec la décision de  l’Union européenne de financer  la création d’un réseau paneuropéen de centres de numérisation afin de stimuler les initiatives de numérisation européenne.

     

     

     

    Depuis, il faut bien constater que TEL n’a pas réussi à rattraper son retard sur Google dont le projet  avance bien comme le montre l’accord, rendu public le 09/08/2006, avec l'Université de Californie pour mettre en ligne le contenu de ses bibliothèques (une centaine) qui constitue, dit-on, la collection d’ouvrages la plus importante du monde. La bibliothèque numérique européenne, elle,  se met laborieusement en place et a tout de l’usine à gaz. C’est pourquoi la Commission européenne a appelé les états à hâter le pas dans une recommandation du 25/08.

     Elle  leur demande de développer des services de numérisation à grande échelle, pour accélérer la mise en ligne du fonds de la bibliothèque numérique européenne. Deux millions d’œuvres (livres,  films, photographies,  manuscrits, et autres œuvre culturelles) devraient être mis à la disposition des internautes d’ici 2008 et au moins six millions d’ici 2010.

     

     

     

    Mais encore faut-il qu’aient été résolus au préalable un certain nombre de problèmes récurrents comme celui des droits éditoriaux,  le décompte  de ce qui a déjà été digitalisé ou encore les moyens de conserver le contenu numérique afin de garantir l'accès à long terme au contenu de la bibliothèque. Bref, il y a du pain sur la planche et l’énormité de la tâche n’est pas facilitée par la diversité des langues de la Babel européenne.

     

     

     

    Dans la fable de la Fontaine, la tortue, bien que  lente, finit par gagner la course engagée contre le lièvre. Pour l’instant, la fable ne se vérifie pas. Il est vrai que la tortue de la fable,elle, était « partie à point ». Mais tout n’est pas dit. Google rencontre des difficultés avec les éditeurs dont certains ont engagé ou menacent de le faire,  des poursuites contre lui pour numérisation sans autorisation d’ouvrages (dernier en date, le groupe la Martinière en France, en juillet dernier). La course du lièvre est semée d’embûches.

     

     

     

    Et, pour finir, si vous cherchez « le lièvre et la tortue » sur le site de la bibliothèque de Google vous n'aurez droit qu'à un petit extrait. Pour la fable complète (et le recueil entier), mieux vaut aller sur TEL et gallica! 

     

     

     

    Moralité : quand le lièvre n’est pas là, la tortue danse. Hum, je crois que j’ai fait une confusion entre fables et proverbes. Je retourne prestement sur gallica.

     

    Domaguil

              

                 

       

  • Libre circulation des détenus dans l’Union européenne

    Mais oui, c’est une boutade et non une incitation à l’évasion!

     

     

    Je fais ici référence à une proposition de la Commission européenne, présentée le 29/08/2006, dans laquelle elle prévoit d’appliquer le principe de reconnaissance mutuelle des procédures de détention provisoire en vigueur dans les différents états membres de l’Union européenne.

     

     

    Si elle est adoptée par le Conseil, cette proposition de décision permettrait que les citoyens européens soupçonnés d’avoir commis des délits mineurs dans un autre état membre puissent regagner leur pays d’origine au lieu d’être détenus dans le premier. Actuellement, les personnes soupçonnées d’avoir commis un délit dans un pays autre que le leur sont souvent incarcérées à titre préventif de crainte qu’elles ne s’enfuient. Elles sont ainsi plus sévèrement traitées que les nationaux suspectés de délits similaires. Ce qui est abusif, contraire au principe de présomption d’innocence et…d’un point de vue plus pratique, alimente la  surpopulation des prisons et l’inflation des coûts associés (la juste prise en compte des droits des individus n’empêchant pas les préoccupations plus matérielles ! ). Le texte proposé par la Commission prévoit que le suspect d’un délit mineur pourrait se voir appliquer les règles en vigueur dans son pays . Ce qui lui permettrait de retourner chez lui en liberté surveillée par exemple avec obligation de se présenter régulièrement à la police et interdiction de voyager, en attendant son procès.

     

     

    D’après la Commission, environ 8000 détenus (sur les 10 000 détenus dans un autre pays membre sur une année) pourraient bénéficier de cette mesure qui devra, pour être adoptée, obtenir l’accord de tous les états puisqu’il s’agit d’une matière pénale relevant du troisième pilier de l’Union européenne dans lequel la règle de vote au Conseil est l’unanimité. Nul doute qu’ils seront sensibles aux arguments (à tous les arguments) rappelés plus haut.

    Domaguil

     

  • L’Union européenne veut sauver notre peau

    Après s’être attaquée aux tarifs des appels par portables, à l’étiquetage des produits solaires, la Commission européenne poursuit sa croisade pour le bien-être des acheteurs que nous sommes. L’Europe des consommateurs progresse, elle…Dans le cadre de sa politique de réponse aux  attentes de ces derniers (ce qui, au passage, permet opportunément d’éviter de poser les questions plus ambitieuses mais plus risquées, du type : où va l’Union européenne ?) la Commission met les pieds dans le plat ou, plutôt, les doigts dans le pot de crème anti rides.

     

     

     

    Dorénavant, les utilisateurs de cosmétiques devraient pouvoir être mieux informés de la composition de ces produits, et donc des effets indésirables et risques potentiels d’allergie, grâce à des accords intervenus entre la Commission, les Etats et les entreprises du secteur pour parvenir à des « lignes directrices » rendues publiques le 28 /08/2006. Il existe bien une réglementation communautaire dite de rapprochement des législations des différents états qui a posé un certain nombre de règles minimales communes sur la composition et l’étiquetage (directive 76/768 du 27 juillet 1976 sur les  produits cosmétiques) mais il faut penser que les garanties qu’elle offre aux consommateurs laissent à désirer, d’où cette initiative.

     

     

     

    Actuellement les fabricants ont pour seule obligation de mentionner sur l’emballage la  liste des ingrédients par ordre de poids  décroissant. Grâce aux nouvelles lignes directrices, ils vont aussi devoir fournir à tout consommateur qui leur en fera la demande écrite, par téléphone ou sur internet,  les informations  sur les effets indésirables dont ils ont connaissance, ainsi que sur  les ingrédients entrant dans la composition et sur leur quantité exprimée en pourcentage  lorsqu’il s’agit de substances jugées «dangereuses» à savoir toute substance…explosive, oxydante, aisément inflammable, toxique, nocive, corrosive ou irritante (selon la classification de la directive 67/548 sur la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances dangereuses ).  Mais pour protéger le secret professionnel, la valeur pourra être arrondie ou incluse dans une fourchette.

    Pour aider les consommateurs à trouver les coordonnées des entreprises, un répertoire public central des entreprises qui commercialisent des produits cosmétiques sur le marché de l’Union européenne a été mis en place.

     

     

     

    Les lignes directrices résultent d’un accord avec les milieux professionnels. C’est une méthode plus souple (pas forcément moins efficace)  que d’adopter un règlement ou une directive. L’idée d’une législation communautaire avait été, semble-t-il, un temps envisagée pour obliger les fabricants utilisant des composants chimiques à les déclarer. Elle a été  finalement abandonnée devant les cris d’orfraie poussés par les entreprises à l’idée de voir des procédures d’essais et de déclarations amputer leurs bénéfices. Cela ne vous rappelle rien ? Mais oui : le débat sur le projet de règlement REACH  , une des vedettes de l’actualité législative européenne de cet automne. Espérons qu’il ne sera pas remplacé par des lignes directrices ! Je plaisante, bien sûr. Quoique...

     

    Domaguil