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Humeur - Page 4

  • Aide aux plus pauvres, la Commission européenne se rebiffe

    On peut être la Commission européenne et être à ce titre la cible régulière des anti européens et des états prompts à se défausser sur elle des décisions impopulaires, on peut être contrainte à garder une réserve diplomatique et à ne pas polémiquer, et de temps et en temps, juger que trop c’est trop et qu’il y en assez d’être un défouloir à mécontents. Alors, la Commission dégaine un communiqué vachard dans lequel elle remet les pendules à l’heure.

    C’est ce qu’elle a fait hier au sujet des menaces de diminution de l’aide européenne aux plus démunis et du blocage de l’enveloppe prévue pour 2012 et 2013. Dans ce communiqué, la Commission rappelle que pour sa part, elle est favorable à la poursuite de cette aide et qu’elle s’est engagée pour le maintien du Programme européen d'aide alimentaire aux personnes les plus démunies (PEAD) de l'Union européenne.

    Le commissaire l'Agriculture et au Développement rural, Dacian Cioloş, explique: « Je me bats depuis plus d'un an pour défendre le programme alimentaire pour les plus démunis et je vais continuer. L'Union européenne doit rester un partenaire sur lequel les banques alimentaires peuvent compter. Nous ne pouvons pas faire défaut alors même que la crise économique rend ce programme encore plus nécessaire. Nous avons encore la possibilité de débloquer la situation, mais il faut aller vite. J'appelle les Etats membres qui s'opposent à notre proposition à faire preuve de responsabilité et à ne pas jouer avec la peur, pour des millions de foyers européens, de ne pas avoir accès à de la nourriture en quantité suffisante en 2012 et 2013 ». Car, et cela devrait se savoir à présent si les medias avaient mieux fait leur travail, ce n’est pas "Bruxelles" (= la vilaine Commission européenne dans "l’inconscient collectif") ou même l’ "Europe" qui bloque l’aide alimentaire mais une minorité d’états membres qui refuse de la voter. Or, cette minorité est une minorité de blocage qui empêche le Conseil de prendre une décision. La Commission qui est revenue régulièrement à la charge pour convaincre le Conseil de l’urgence à agir, est donc ulcérée de constater qu’une fois de plus, c’est sur elle que retombe le blâme du fait de la confusion entretenue par des journalistes qui se mélangent les pinceaux dans les arcanes, il est vrai peu faciles à comprendre, des institutions et des procédures européennes.

    Dans son communiqué, la Commission appelle vertement les états à prendre leurs responsabilités. Elle a raison, mais elle rêve.

    Domaguil

  • L'Union européenne et les pauvres, un roman d'aujourd'hui

     

    Horreur ! L’Union européenne devrait avoir honte : voilà qu’elle réduit drastiquement l’aide qu’elle versait aux plus démunis. C’est ce que nous apprennent les medias à grands renfort de titres nuancés « Le mauvais coup de l’Europe » (Sud-Ouest), « l’Union européenne ferme ses frigos aux plus démunis » (France 24), "Bruxelles choisit de mettre les pauvres à la diète" (l’Express) et des sites qui se contentent comme souvent de reprendre et d’amplifier la nouvelle sans chercher à en savoir plus (il y en a même un qui évoque un « génocide », vous avez bien lu, mais je ne dirai pas lequel car lui faire ne serait-ce qu’un embryon de pub me dérange). Jusqu’au présumé ministre des affaires européennes Laurent Wauquiez qui se sent obligé de réagir sur un thème européen (en général, il est sur ces questions d’une discrétion qui confine à l’inexistence) en jugeant « inacceptable » la décision de la Commission européenne «au moment où l’Europe est traversée par des crises», tandis que Rachida Dati juge que «la Commission est déconnectée de la souffrance des Européens et de leurs préoccupations».

    Hum Hum...Le premier, rappelons-le, a montré sa fibre sociale en qualifiant de « cancer »  l’assistanat dans lequel se vautreraient tous ces profiteurs du système que sont les allocataires du RSA et autres rentes mirobolantes que leur envient certainement les bénéficiaires des retraites chapeaux et autres parachutes dorés. La seconde a montré qu’elle était surtout connectée aux…premières pages des revues people.

    Il n’empêche, la nouvelle du mauvais coup « antisocial » de l’UE ne reste pas sans écho (litote) : elle a, il est vrai, un côté spectaculaire et de légende moderne (les gnomes ultralibéraux de Bruxelles contre les miséreux), qui n’est pas pour déplaire aux amateurs de sensations fortes et d’idées courtes.

    Avant que l’on érige des barricades contre cette Union européenne dont la seule raison d’exister semble être d’opprimer le bon peuple et de donner une raison de vivre aux souverainistes, xénophobes, et autres eurosceptiques, voici quelques faits pour ceux qui ne veulent pas s’en laisser conter.

    Donc, « de quoi t’est-ce que l’on accuse-t-on mon client ? » (comme avait coutume de dire le faux avocat Luis Rego dans feu le tribunal des flagrants délires).

    En décembre 1987 a été mis en place un programme européen de distribution de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies de la Communauté (PEAD ou  programme européen d'aide alimentaire aux plus démunis). Les produits agricoles en excédent et stockés étaient mis à la disposition des états qui souhaitaient les utiliser au titre de l’aide alimentaire pour les plus pauvres. Les règles de fonctionnement du PEAD ont été ensuite modifiées pour assurer la continuité de son approvisionnement : en cas de besoin, les stocks étaient complétés avec des achats sur le marché.

    Le 20/06, la Commission européenne annonce que les fonds attribués dans le cadre du PEAD représenteront un total de 113 millions d'euros en 2012, en baisse très importante puisque les années précédentes il s’élevaient à 500 millions €. Du côté des associations caritatives, la colère et la déception sont vives, on le comprend. Cette colère légitime est relayée ensuite de façon beaucoup plus intéressée par ceux qui y voient un argument de plus dans leur combat contre l’Union européenne.

    Alors, qu’en est-il ? La Commission européenne aurait donc la volonté d’affamer les pauvres?

    La décision de réduction des aides est le résultat d’un imbroglio juridique dont l’UE a le secret et qui n’aide pas vraiment à la faire comprendre par les citoyens que nous sommes.

    En décembre 2008, l’Allemagne et la Suède font un recours devant le tribunal de l’Union européenne pour lui demander l’annulation du règlement de la Commission qui fixe le montant de l’aide du PEAD pour 2009.

    Selon ces deux pays, l’aide du PEAD dans la mesure où elle ne provient plus exclusivement des excédents agricoles stockés a « perdu tout lien » avec la politique agricole commune pour devenir un instrument de politique sociale. Or, si la politique agricole commune est une compétence de l’Union européenne, la politique d'aide sociale, elle, relève de la compétence des états. Par conséquent, le règlement viole la répartition des compétences entre l’Union et les états et est donc illégal.

    Dans son arrêt du 13 avril 2011, le Tribunal donne raison à l’Allemagne et la Suède et annule les dispositions contestées du règlement (Tribunal de l’Union européenne, 13/04/2011, aff.T.576/08, Allemagne/Commission ) et c’est pourquoi la Commission européenne doit éliminer du PEAD tout ce qui n’est pas approvisionné par les excédents agricoles stockés. Et, on le voit, il s’agit des 4/5èmes de l‘aide ce qui s’explique car depuis la réforme de la PAC, les excédents agricoles sont en diminution constante.

    La Commission rappelle qu’elle avait anticipé ce problème et avait proposé en 2008 de modifier le régime du PEAD. Mais « en dépit de l'appui du Parlement européen, cette proposition est restée lettre morte, bloquée en examen au Conseil » (les états). La Commission a alors présenté une deuxième proposition « qui n’a malheureusement pas, elle non plus, franchi le cap des discussions au Conseil ». Une vérité que se gardent bien de rappeler notre supposé ministre des affaires européennes et la spécialiste de la souffrance des européens.

    Alors, la Commission pouvait-elle passer outre un jugement du tribunal de l’Union européenne ? Difficile de l’encourager à s’asseoir sur une décision de justice ! Pouvait-elle faire appel ? Oui. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? Sans doute parce qu’elle sait que le jugement serait confirmé par la Cour de Justice.

    Je ne sais ce que vous en pensez, lecteur, mais moi, je vois plusieurs enseignements dans cette affaire :

    Le premier est que l’on ne s’aperçoit de ce que fait de positif l’Union Européenne qu’au moment où ce bienfait disparaît: à méditer, non ?

    Le second est que l’on évoque la responsabilité de la Commission alors que ce sont les états qui ont provoqué le problème en refusant de donner les moyens de pérenniser l’action du PEAD pour le mettre à l’abri d’une censure par le juge communautaire (tout comme les états refusent en ce moment de donner à l’UE le budget dont elle a besoin pour continuer ses politiques structurelles tout en permettant que l’on critique son impuissance)

    Le troisième est qu’il faut savoir ce que l’on veut : ceux qui poussent des cris déchirants dès que l’on propose de renforcer les compétences de l’UE s’offusquent à présent qu’elle réduise son aide aux plus pauvres,  alors qu’elle y est obligée parce que des états ont fait constater en justice que ce n’était pas de sa compétence. Ces souverainistes devraient être ravis du jugement du tribunal et applaudir haut et fort la décision de la Commission. Pourquoi ne le font-ils pas ? Serait-ce par démagogie, pour être populaires en se posant comme défenseurs des démunis ? A moins tout simplement qu’ils ne soient incohérents et d’une ignorance crasse de la façon dont fonctionne l’UE.

    Domaguil

     

  • Idées reçues

    Deux exemples récents montrent à quel point les préjugés peuvent être néfastes pour  l'intérêt commun et être instrumentalisés par les gouvernants. Ce phénomène bien connu au niveau national se retrouve à celui de l'Union européenne. Dans les deux cas, c’est un membre emblématique de l’UE, l’ Allemagne dont les autorités se laissent aller à « ragoter » en utilisant des clichés, par myopie et ignorance, et/ou pour complaire à leur opinion publique (ou à l’idée qu’elles s’en font).

    Prenons l’affaire de la bactérie Eceh: le 22 mai, l'Allemagne informe la Commission européenne à travers le "Système d'alerte précoce et de réaction" pour les maladies transmissibles (EWRS) de la propagation d’une  bactérie, la E.coli enterohémorragique (Eceh) suspectée d'avoir causé la mort de quatre personnes en Allemagne. Dans un premier temps, les autorités sanitaires de Hambourg (région touchée) identifient les concombres espagnols comme étant les vecteurs de la bactérie. Le "Système d'alerte rapide pour les denrées alimentaires et aliments pour animaux" (RASFF) est activé. Les ventes de concombres (pas seulement espagnols) s’effondrent et toute la filière fruits et légumes est touchée pendant que les hôpitaux de Hambourg se remplissent. Quelques jours plus tard, les concombres espagnols sont mis hors de cause, comme les salades un temps soupçonnées…

    Le principe de précaution est, on le voit, dévoyé dans une sorte de panique relevant du sauve qui peut. C’est bien parce que les autorités du Land de Hambourg ont des comptes à rendre à leur population dont elles sont garantes de la santé qu’elles ont lancé cette alerte. Jusque là rien à redire. Mais dans l’urgence, les autorités accusent sans preuves, les medias relaient sans distance ni esprit critique et l’affaire tourne à la catastrophe pour les producteurs espagnols dont les produits injustement mis en cause sont à présent boudés par les consommateurs. Le résultat on le connaît : l’origine de la bactérie n’est toujours pas connue avec certitude à l’heure actuelle mais on présume à présent qu’elle a son origine en Allemagne, vraisemblablement dans la région de Hambourg , le secteur des fruits et légumes espagnols est en déconfiture et l’UE va peut-être devoir payer des indemnités à l’Espagne car l’Allemagne estime que c’est au budget de l’UE de compenser les pertes subies par les producteurs espagnols et non à celui des  autorités de Hambourg (un raisonnement que l’on peut admettre puisque le marché est intégré et que chaque pays est comptable des faits de l’autre mais à condition que les pays donnent à l’UE les moyens financiers d’assumer les conséquences de leurs bêtises).

    On a relevé ici ou là avec raison je pense que si le communiqué des autorités de Hambourg a eu tant d’impact, c’est qu’il reposait sur un a priori plus ou moins tacite, celui que les pays du sud de l’Europe sont laxistes en matière d’hygiène et de sécurité alimentaire, moins avancés et moins scrupuleux que leurs partenaires du Nord. Et c’est bien parce qu’elles mêmes avaient ces préjugés que les autorités de Hambourg n’ont semble-t-il pas envisagé que leurs propres produits ou leurs propres procédures sanitaires puissent être en cause. Le concombre espagnol a donc focalisé ces préjugés et dans une réaction en chaîne qui était pourtant prévisible, c’est toute la filière fruits et légumes espagnole, mais aussi française, italienne, belge…qui subit les conséquences de la précipitation à communiquer des dirigeants de Hambourg. Hors de l’UE, l’équité est rétablie, puisque ce sont toutes les productions européennes qui font l’objet d’un embargo en Russie et que les Etats-Unis soumettent à un contrôle renforcé les productions allemandes et espagnoles. Eux ne font pas la distinction entre Europe du Nord et Europe du Sud…

    Le phénomène du dénigrement du voisin n’est pas spécifique à l’Union européenne. Les préjugés existent bel et bien à l’intérieur des frontières nationales. En France, les bretons, les corses, les auvergnats, les marseillais, les parisiens sont l’objet de représentations et d’appréciations pas forcément flatteuses. En Espagne demandez aux castillans ce qu’ils pensent des catalans…Aux Etats-Unis, les bostoniens se moquent des « ploucs » texans et en Allemagne, la Bavière a longtemps servi (sert) de repoussoir aux progressistes de Rhénanie…En somme, on est toujours le « black », « l’arabe », le «sous développé» de quelqu’un. Ce n’est déjà pas un comportement glorieux de la part des particuliers que nous sommes mais c’est en revanche inadmissible lorsque ce sont des dirigeants politiques qui jouent sur ces ressorts (avec, à l’extrême, les diatribes des partis xénophobes dont l’exclusion et le rejet de l’autre sont le fond de commerce).

    J’en viens au second « dérapage » commis cette fois par la Chancelière allemande elle-même  On le sait, le sauvetage de la Grèce par les deniers européens a fait grincer les dents de bien des contribuables allemands, mécontents de devoir payer pour le train de vie jugé dispendieux et irresponsable des « pays du club méditerranée » également désignés par l’acronyme peu flatteur de « pigs » (Portugal, Italy, Greece, Spain) .

    Sans doute pour les amadouer et donner des gages à ceux qui veulent plus de « vertu » budgétaire européenne, un jour récent où elle aurait pu être mieux inspirée, Angela Merkel déclare gravement : «Nous ne pouvons pas avoir une monnaie commune et certains avoir plein de vacances et d'autres très peu. A la longue, cela ne va pas». Les eurosceptiques boivent du petit lait tant les eurosceptiques de toutes nationalités sont près à dire et entendre n’importe quoi du moment que cela va à l’encontre de l’Union européenne qu’ils exècrent. Et comme souvent, ce qui est présenté comme une évidence est…un gros préjugé. Car, les études démontrent que les allemands travaillent moins que d’autres, notamment, o surprise (pour certains) dans certains pays du sud de l’Union. Il suffit de consulter les statistiques d’Eurostat. Une étude récente de Natixis consacrée à ce sujet le rappelle opportunément. Elle fait apparaître qu’en 2010, les allemands en activité ont travaillé 1.390 heures en moyenne, contre 1.654 pour les espagnols, ou 2.119 pour les grecs. La même étude révèle que les allemands partent à la retraite à 62,2 ans en moyenne, plus tôt qu’en Espagne (62,3 ans) ou au Portugal (62,6 ans). Les résultats économiques des pays du sud moins bons que ceux de l’Allemagne, on le sait bien, ne seraient donc pas liés au fait qu’ils ont la culture de la sieste et des vacances, mais à la moindre spécialisation dans l’industrie de pointe, à un moindre investissement dans l’innovation et à l’existence d’une main d’œuvre moins qualifiée.

    Il serait temps de ne pas se tromper de diagnostic et de proposer des solutions qui se tiennent au lieu d’assener des « évidences » qui sont autant de préjugés. Mais les dirigeants des pays européens en sont-ils capables?


    Domaguil

     

  • En parler...quand même

    Faut-il parler de l’affaire Strauss-Kahn sur ce blog ? A priori non puisque cela n’a pas vraiment de rapport avec le droit communautaire. Mais, comme beaucoup de gens, je lis la presse, je regarde la télévision, j’écoute la radio et je surfe sur internet. Oui, tout cela (je vis dangereusement ;-) ). C’est dire si depuis dimanche, je navigue dans un océan de rumeurs, de vraies fausses infos, de scoops éventés, de théories complotistes fumeuses et d’accusations sans appel de DSK tout aussi fumeuses. Et la moutarde me monte au nez. Vraiment.

     

    Moi qui ne connais pas DSK, qui n’appartiens à aucun parti ou sphère d’initiés journalistique ou autres, je n’ai aucun scoop à délivrer : si vous cherchez cela, lecteur, passez votre chemin. Mais en tant qu’usager(e) des medias et d’internet, j’ai quelques remarques à faire.

     

    Le première est que l’on a bien le droit, il me semble, de faire remarquer que pour le moment on sait peu de choses avec certitude et que l’histoire d’un DSK sortant nu de sa douche pour s’attaquer illico à la femme de ménage entrée dans sa chambre est assez curieuse. Dire que l’événement est tout de même assez difficile à croire (difficile, pas impossible) devrait être possible sans être tout de suite soupçonné(e) de n’avoir aucune compassion pour la victime présumée, et d’être insensible aux souffrances de la classe laborieuse (car j’ai lu des commentaires qui transformaient cette agression sexuelle alléguée en épisode de la lutte des classes...).

     

    Deuxième remarque : si les faits sont vrais, cette histoire révèle qu’il s’agit d’un homme ayant une pathologie, d’un homme esclave de ses pulsions, non ?

    Et cela ne s’est jamais su avant ?

    Au lieu de cela, on nous amusait avec des histoires de ryad, de porsche et de costumes coûteux. J’admire le sens des priorités de la presse d’investigation !

    Certains articles ou livres avaient bien évoqué un « problème » de DSK avec les femmes : par exemple, l’expert en conduite libidineuse strausskahnienne (avec Mélenchon ça ne marche pas) qu’est devenu Jean Quatremer que l’on voit partout expliquer comment en 2007 il avait soulevé la question ce qui lui aurait valu des remontrances – modérées, on n’est pas chez les sauvages – de certains de ses confrères au motif qu’il avait franchi la ligne jaune en évoquant la vie privée d’un homme public. Jean Quatremer y revient d’ailleurs dans son dernier billet sur l’affaire Strauss Kahn. Et cela me rend assez ronchon de lire ce billet et les commentaires qu’il a suscités. Car d’ordinaire, j’apprécie beaucoup le blog de Jean Quatremer. Mais là, j’ai le sentiment de me balader dans Gala ou Voici, ce qui me donne l’impression de m’être égarée.

     

    Car finalement de quoi parle-t-on au juste ? DSK était-il un gros dragueur, insistant à la limite du supportable, ou a-t-il contraint des femmes à des faveurs sexuelles, a-t-il abusé de sa position pour se livrer à du harcèlement, a-t-il agressé, a-t-il tenté d’agresser ? On croit rêver, mais le fait est là : tous les litres d’encre virtuelle déversées depuis dimanche (pour ne prendre que cette date de départ) conduisent à une seule réponse : on n’en sait rien. Tout est rumeurs, bruits de couloir, confidences susurrées entre gens du sérail et rapportées avec un savant mélange de précision et d’allusion (pour échapper à des poursuites).  Et c’est sur cette base pour le moins instable que l’on voudrait nous faire croire qu’il aurait fallu que toute la presse ait le « courage » de Jean Quatremer (je rapporte l’appréciation de certains de ses fans énamourés). Je ne suis pas du tout d’accord. Car :

    -ou DSK a eu une conduite criminelle et c’était un devoir des medias de nous en informer. Prenons l’exemple de l’écrivaine qui dit avoir subi une tentative de viol de la part de DSK en 2002 et qui aurait renoncé à porter plainte sous la pression de sa mère ( !). Elle en a parlé publiquement. Pourquoi les medias n’ont-ils pas enquêté à l’époque?

    -ou tout ceci n’est que cancans sur un homme porté sur le sexe, ce qui en soi n’a rien de répréhensible et est strictement son problème et celui de ses proches et partenaires. Dans cette dernière hypothèse, les medias font bien de ne pas céder aux pratiques anglo-saxones et de respecter la vie privée des personnes publiques dans la mesure où celles-ci ne l’instrumentalisent pas. 

     

    Autre remarque : chaque jour, chaque heure, nous avons droit à de nouvelles révélations dont on ne sait pas toujours très bien d’où elles proviennent. Faut-il rappeler que pour le moment, seul le procureur et la police s’expriment ? Du fait des particularités des procédures judiciaires aux Etats-Unis, la défense (DSK et ses avocats) n’a pas encore accès aux charges qui pèsent contre elle. Elle ne les connaîtra que si le grand jury décide que DSK doit être jugé. Difficile dans ces conditions de présenter une défense. D’autant qu’à l’heure actuelle on peut supposer que les avocats sont occupés à enquêter pour réunir les preuves qui pourraient disculper leur client, si elles existent. Par conséquent, la seule chose dont nous puissions être - à peu près - sûrs à cette heure est que toutes les informations distillées s’insèrent dans une stratégie de communication et que dans celle-ci par la force des choses, l’accusation a une longueur d’avance.

     

    Dernière remarque : on s’est beaucoup ému de voir un DSK menotté et pas vraiment à son avantage livré en pâture aux medias. Mais non, ce n’était pas un traitement spécial qui lui a été réservé parce que le proc n’aime pas sa tête, parce qu’il est français, parce qu’il est directeur du FMI et que les américains ne l’ont jamais accepté…et que sais-je encore. Non, il a eu droit à un tel traitement parce que c’est ainsi que cela se passe aux Etats-Unis. Que ceux qui ne l’ont pas lu se plongent dans le roman de Tom Wolfe, « le bûcher des vanités », et ils verront que la façon dont on procède avec DSK rappelle beaucoup les déboires du trader WASP qui en est le héros. Et ce n’est pas de bon augure pour DSK…

     

    Enfin, vous l’aurez peut-être compris : je n’aime pas la chasse et encore moins la chasse à l’homme. Sur ce, à bientôt pour un retour aux questions européennes.

    Domaguil