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Humeur - Page 9

  • Solidarité européenne, le bal des hypocrites

    Notre perspicace Ministre déléguée aux affaires européennes, Madame Colonna, a diagnostiqué une maladie de langueur dont souffrirait  l’Union européenne.

     

    A l'occasion d'un discours discours prononcé lors de la Conférence des Ambassadeurs le 29/08/2006, elle s’inquiète, dans ce style jargonnant  dont nos gouvernants nous régalent volontiers  des « manifestations de langueur » qui s’accompagnent « d’une distanciation à l’égard du  projet européen, dont elles sont la traduction ». Et comment se manifeste cette « distanciation » ? Eh bien, déplore madame Colonna : « Nous sommes le plus souvent 25  Etats membres côte à côte, juxtaposant leurs positions et parvenant à un

    difficile compromis, plus que nous ne sommes unis dans la recherche d’un intérêt collectif ».

     

     

     

    Heureusement, la France est là pour réveiller la belle Europe endormie et elle l’a prouvé en « étant en initiative sur tous les sujets » qui ont permis de progresser dans le bon sens (?). N’épiloguons pas davantage sur ce discours dont je renvoie à la lecture les plus courageux d’entre vous. Il est tentant de s’attribuer le beau rôle et de donner des leçons aux autres. La France ne déroge pas à une habitude solidement ancrée et somme toute, abstraction faite de ce travers, le discours de madame Colonna contient quelques passages intéressants.

     

     

    Ce qui est fâcheux pourtant, c’est qu’au moment où la ministre déléguée aux affaires européennes livre cette  réflexion  sur la situation actuelle de l’Union,  un événement ôte un chouïa de crédibilité aux élans europhiles dont elle a jugé bon de la saupoudrer.

     

     

    Les lecteurs de ce blog se souviennent (peut-être) que l’Espagne a bénéficié de renforts européens pour surveiller les côtes africaines afin de dissuader les migrants clandestins de rallier les Canaries et de secourir ceux qui se retrouvent perdus en mer. Il s’agit de l’opération HERA II qui mobilise aux côtés des navires espagnols, deux navires italiens et portugais et deux avions de surveillance finlandais et italiens.

     

     

    Mais voilà que les espagnols ont l’outrecuidance de faire remarquer que cette aide est insuffisante et qu’ils ne peuvent assumer seuls la charge de surveiller une frontières extérieure de l’Union européenne prise d’assaut par ceux qui espèrent une vie meilleure, et par les passeurs et trafiquants d’êtres humains dont ils sont les proies. Et de regarder avec insistance du côté des pays qui, après s’être engagés à les aider il y a plusieurs mois, semblent à présent avoir oublié leurs promesses. Parmi ces pays il y a le voisin français qui serait bien inspiré de mettre en accord ses paroles et ses actes. Car la France plaide avec constance pour un contrôle de l’immigration et une répression de l’immigration illégale dans le cadre européen. Dès lors, il ne semble pas déraisonnable de lui demander de participer à la surveillance des frontières au lieu de laisser d’autres états se débrouiller seuls dans cette tâche à laquelle tous ont un intérêt à ce qu’elle soit bien assurée. C’est en substance le message délivré par la Commission européenne à l’ensemble des états membres de l’Union. Dans un communiqué de presse du 30/08/2006, elle apporte  son soutien à la demande de l’Espagne en rappelant que « le problème espagnol est un problème européen, comme l’est le problème maltais, grec ou italien. Certains états membres ne peuvent pas porter un fardeau excessif du seul fait de leur situation géographique. Touts les frontières extérieures de l’Union européenne doivent être protégées et tous les états membres doivent y contribuer ».

     

     

    Il est donc troublant d’entendre madame Colonna s’interroger gravement sur la capacité des états à « retrouver un esprit collectif », alors que l’Espagne appelle son voisin à l’aide au nom de la solidarité communautaire, sans succès jusqu'ici. Dans le langage courant, auquel la diplomatie est parfois étrangère, on appelle cela de l’hypocrisie .

     

    Domaguil

     
  • L'Union européenne traque les "bobards" et hoax sur l'Europe

    L’été étant propice au divertissement,  oublions un instant  l’actualité internationale dramatique  et amusons-nous… avec la Commission européenne. Je vous entend déjà : comment ???? S’amuser avec la Commission européenne ???? Encore une fausse information, bien  sûr, un canular, une carabistouille, une galéjade, une ineptie, un bobard !

     

     

    Eh bien, les « bobards » et autres « hoax » (selon une terminologie plus moderne), c’est la Commission qui les traque dans une réjouissante compilation des absurdités débitées sur l’Union européenne dans les medias.

     

     

    Ce qui est une façon plus ludique d’aborder le sujet réputé austère de l’Europe communautaire.

     

     

    De ce florilège ,voici quelques morceaux choisis :

     

    • Facétieux :  « Tous les éleveurs du Royaume-Uni disposent de 90 jours pour placer un jouet dans chaque porcherie faute de quoi ils s'exposent à une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à trois mois. La nouvelle réglementation de Bruxelles vise à rendre les porcs heureux et à les empêcher de se mordiller les uns les autres ». (Va-t-on pouvoir dire : vivre comme un porc en pâte ? )
    • Inquisitorial :    « L'Union européenne annonce que tout oeuf vendu dans l'Union devra bientôt porter un cachet indiquant la méthode de production, le pays d'origine, le nom du producteur et du responsable de l'emballage, la date de consommation recommandée et des informations sur la poule qui l'a pondu » . (Les œufs seraient-ils priés de présenter leur carte d’identité ?)

     

    • Dans le vent : «  En Angleterre, un village a dû retirer les balançoires situées sur son terrain de jeux parce qu'elles étaient trop hautes selon les règles européennes » (Et les anglais plus grands que les autres européens?)

     

    • Erotique : « Tout le personnel masculin des institutions européennes peut bénéficier d'un remboursement partiel des frais médicaux correspondant à six comprimés de Viagra par mois ». (Nouvelle définition de la performance à la DG gestion du personnel de la Commission ? )

     

    • Géographique : «  Une proposition émanant de Bruxelles tendrait à modifier la définition classique d'un morceau de terre entouré d'eau, en vertu de quoi nombre d'îles européennes seraient légalement considérées comme faisant partie du continent. Selon la proposition européenne, une île n'est pas une île, dès lors qu'elle compte moins de cinquante résidents permanents, est rattachée au continent par une structure rigide, en est éloignée de moins d'un kilomètre ou héberge la capitale d'un État membre ». (L'essentiel est sauf : la Corse resterait une île et le RU aussi!).

     

    • Shocking : « L'Union européenne manigance de rebaptiser quelques-uns des monuments les plus connus de Grande Bretagne, tels que la Gare de Waterloo ou encore Trafalgar Square, pour ne pas fâcher les Français ». Encore un coup des perfides mangeurs de grenouilles….

     

    • Anglophobe : « La Commission européenne va dépenser des millions d'euros pour empêcher l'anglais de devenir, de facto, la langue officielle de l'Union européenne et renforcer l'emploi du français ». (Mais de  ce côté ci de la Manche, la crainte est plutôt de voir l’anglais se substituer au français...).

     

    • Laxiste : « Interdiction des condamnations à perpétuité Les bureaucrates européens, qui fourrent leur nez partout, envisageraient d'interdire la condamnation des assassins à perpétuité… À l'ordre du jour figure l'abolition des peines à vie au sein de l'Union européenne, ce qui empêcherait nos tribunaux de prononcer des peines minimales de 15 ans ».( « Qui aime bien châtie bien » ???).
    • Pointilleux : « les dispositions de la nouvelle directive européenne sur l'information et la consultation des travailleurs pourraient contraindre les sociétés britanniques à consulter leurs salariés sur la marque de sachets de thé qu'il conviendrait d'utiliser dans les bureaux. Les chefs d'entreprise se sont d'ailleurs opposés à cette initiative ». (Et pour vous, ce sera Darjeeling ou Lapsang Souchong? )

    La quasi totalité de ces exemples est tirée de la presse anglaise dont une bonne partie mène un combat zélé et…imaginatif pour la cause eurosceptique. Mais la Commission européenne serait certainement en mesure de trouver des perles chez nous également. Je lui suggère d’ ajouter à sa liste : « La discrimination anti fumeurs est légale dans l’Union », titre emprunté à un article récent sur agoravox sur une affaire déjà évoquée ici (note du 07/ 08) et par d’autres blogs tels koztoujours et Sous Réserve(s) qui en fait une analyse détaillée.

    Domaguil          

  • Désinformation sur l’Europe : cas pratique !

    Grande émotion ce matin dans les émissions de rmcinfos : la Commission européenne a jugé, nous apprend-on, que le fait de refuser un emploi à un fumeur n’est pas une discrimination. Et de s’interroger gravement : un employeur pourra donc désormais refuser un emploi à quelqu’un uniquement parce qu’il fume ? Mais n’est-ce pas une atteinte insupportable à la liberté ? Et de quoi se mêle la Commission européenne? Etc, etc, etc…

     

     

    C’est un peu fatigant cette habitude des medias (ou de certains d’entre eux) de déformer les informations pour polémiquer sur ce qui n’a pas lieu d’être. Et ce n’est pas très conforme à ce que l’on attend du prétendu 4ème pouvoir dans une démocratie.

     

     

    Qu’en est-il exactement de cette supposée légalité d’une discrimination à l’embauche qui s’exercerait à l’encontre des fumeurs ?

     

     

    Le 18/05/2006, une question écrite est posée à la Commission européenne par une députée européenne britannique, Mme Catherine Stihler. Elle y demande si une annonce publiée récemment en Irlande (pays qui applique une interdiction de fumer sur le lieu de travail), portant les termes «Fumeurs s’abstenir», constitue une infraction à la législation européenne de lutte contre les discriminations.

     

     

    La réponse de la Commission (en anglais), le 18/7/2006, est qu’une entreprise peut effectivement refuser d’employer une personne parce qu’elle fume sans être coupable de discrimination au regard du droit communautaire.

     

     

    Selon elle, une offre d’emploi précisant que les candidatures de fumeurs sont refusées « ne paraît pas constituer l’un des cas de discrimination prohibés » par le droit communautaire : discrimination sur la base de la race ou de l’origine ethnique, handicap, âge, orientation sexuelle, religion et croyances (voir notamment la directive 2000/43

    et la directive 2000/78 ).

     

     

    Deux remarques peuvent être faites.

     

     

    La première est qu’il s’agit ici d’une prise de position de la Commission européenne qui n’engage qu’elle et qui ne crée pas de nouveaux droits ou obligations. Seule la Cour de justice des Communautés européennes a compétence pour « dire le droit », c’est-à-dire interpréter les textes communautaires et en l’occurrence juger des cas où il y a (ou non) discrimination violant le droit communautaire. Et la Cour de justice ne s’est pas prononcée sur le cas évoqué ni sur un cas similaire.

     

     

    La seconde est que la Commission européenne ne dit pas que le refus d’embaucher un fumeur n’est pas une discrimination. Elle dit que ce n’est pas contraire au principe de non discrimination tel qu’il est défini par les textes communautaires. C’est très différent. Car la législation d’un état peut très bien compléter le droit communautaire et aller au delà du socle réglementaire qu'il a posé. Rien n’empêche un pays de prévoir dans sa législation que le refus d’embauche d’un fumeur est interdit lorsqu’il est fondé sur le simple fait qu’il fume.

     

     

    Bref, fumeurs français, inutile de vous inquiéter (sauf si vous envoyez votre cv en Irlande !).

     

     

    A noter, pour compléter le thème, que l’égalité entre les hommes et les femmes est également un principe fondamental du droit communautaire, faisant l’objet de dispositions spécifiques, et qui exclue donc les discriminations fondées sur le sexe.

     

     

    Et en conclusion, il n’est pas étonnant que l’on ait un sentiment anti européen dans l’opinion quand on voit comment des medias présentent l’information.

       

               

  • Un plan B de plus en plus hypothétique

    Surfant nonchalamment (pour cause de torpeur estivale) sur internet je tombe sur une tribune de RM Jennar dans l'Huma du 13/07/2006.

     

     

     

    Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, je précise que RM Jennar est un des "gurus" du non de gauche, proche d'Attac, chercheur à Oxfam-Solidarité Belgique et à l'URFIG (Unité de Recherche, de Formation et d'Information sur la Globalisation, "une petite structure informelle disposant de moyens financiers très limités" selon la présentation sur son site).

     

     

     

    Bref, un éminent membre de la mouvance qui se dit altermondialiste (terme plus politiquement correct qu'antimondialiste) et qui a mené une campagne active pour le vote non au référendum sur le traité constitutionnel. A cette circonstance, M.Jennar a  doctement disserté à moultes reprises sur les inqualifiables tares du traité, dont en vertu de son statut de spécialiste (sa biographie indique qu’il est docteur en science politique), il paraissait parfaitement  en mesure de livrer une analyse exempte d'erreurs (à défaut d'être objective). Du moins pouvait-on le penser à lire ses jugements péremptoires  sur le fonctionnement  de l'Union européenne.

     

     

     

    Hélas, trois fois hélas, voila que RM Jennar reconnaît aujourd'hui découvrir "une réalité" qu'il ne percevait pas "avec la même intensité" auparavant. La réalité étant que, contrairement à, ce qu’il croyait (ou faisait semblant de croire) lorsqu’il appelait à l’union des peuples contre la dérive ultralibérale de l’Europe, le non de gauche français est loin de faire des émules et qu’en fait il existe une majorité pro libérale dans l’instance démocratiquement élue :  le Parlement européen (pour le Conseil et la Commission , il s’en doutait quand même un peu) !

     

     

     

    Bref, M.Jennar vient de découvrir la variante européenne du fil à couper le beurre. Et donc, voilà M.Jennar brûlant ce qu’il avait adoré et renonçant à l’idée pourtant ardemment défendue naguère par les leaders du non pour présenter une alternative au refus du traité, de confier à un parlement constituant européen le soin de rédiger la constitution de l’Europe. « Même si j’observe une compréhension grandissante dans plusieurs pays d’Europe pour la démarche qui a inspiré le « non » de gauche français au TCE », affirme R.M. Jennar (sans dire sur quoi il fonde cette «observation »), « je n’ai pas du tout le sentiment que, dans trois ans, pourrait émerger du scrutin européen une majorité favorable à une Europe européenne, attachée à réaliser une alternative politique, économique, sociale et écologique au système que nous subissons ». Conclusion : il est urgent de rien faire et surtout il ne faut pas demander de parlement constituant, car ce serait « suicidaire » affirme R.M.Jennar. En attendant, les partisans du non de gauche pro européens sont invités à attendre un grand soir toujours plus hypothétique et un plan B toujours plus lointain.

     

     

     

    C’est exactement le scénario que redoutaient les pro européens qui avaient appelé à voter oui : la paralysie et le maintien des traités actuels sans les garde fous du Traité constitutionnel. Il n’était pas nécessaire d’être grand clerc pour le comprendre. Mais, en revanche, il fallait connaître la situation réelle en Europe et être honnête.

     

     

     

    Il se trouvera sans doute de bonnes âmes pour dire qu’on a le droit de changer d’avis et que R.M.Jennar a l’honnêteté de reconnaître qu’il s’est trompé, à l’instar d’Etienne Chouard qui refaisait son argumentation au fur et à mesure que l’on lui en démontrait l’absurdité, comme Pénélope défaisant la nuit ce qu’elle avait tissé le jour.

     

     

     

    Sauf que… des gens les ont crus et que l’on commence seulement à entrevoir les conséquences calamiteuses de cette croyance.

     

     

     

    Or, ou M.Jennar savait ce qu’il fait mine de découvrir aujourd’hui ou il ne le savait pas. Dans le premier cas, il a contribué à la désinformation en faisant miroiter une réorientation de l’Europe à la suite du « choc salutaire » que devait  provoquer le rejet du traité, dans le second cas il a disserté sur des questions qu’il ne maîtrisait pas en laissant croire qu’il en était spécialiste. Cela ne s’appelle-t-il pas se moquer des gens ? Car en leur affirmant qu’il y avait forcément un plan B après le non (autre que la simple continuation des règles existantes) on les a dissuadés de se poser la question suivante : vaut-il mieux maintenir les traités européens actuels ou les remplacer par le traité constitutionnel ?

     

     

     

    Quant à moi, j’envisage de consacrer mon prochain article aux moeurs des bonobos. Je n’y connais rien. Mais est-ce vraiment un problème ?