Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Libre circulation - Page 2

  • Propositions de la Commission européenne pour l'espace Schengen

    Comme elle en avait reçu mandat, la Commission européenne a présenté le 16/09/2011 des propositions sur le système de suivi et d'évaluation de l’accord de Schengen et sur la clause de sauvegarde.

    Elles peuvent être résumées ainsi : pas de remise en cause unilatérale par les états de la liberté de circulation dans l’espace Schengen.

    Les propositions en question consistent à instaurer, au niveau de l'Union européenne, un système de suivi amélioré pour vérifier et assurer l'application des règles de Schengen, ainsi qu'un « mécanisme décisionnel européen plus structuré » en cas de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure. Plus précisément, le « paquet » législatif présenté le 16/09 comprend:

    - une communication intitulée : Gouvernance de Schengen - Renforcer l'espace sans contrôle aux frontières intérieures dans laquelle la Commission expose les lignes directrices de « l’approche européenne » qu’elle veut promouvoir.

    - une proposition de règlement modifiant le règlement n° 562/2006 (code frontières Schengen)  afin d'établir des règles communes relatives à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles

    - une proposition de règlement pour établir un système d’évaluation et de surveillance de l’application de l’accord de Schengen.

     

    L’objectif est de préserver un « principe constitutif de l’Union européenne » celui de la libre circulation et la possibilité de circuler à l'intérieur de l'Union sans avoir à se soumettre à des contrôles aux frontières intérieures, sachant qu’actuellement on enregistre plus d'un milliard de déplacements dans l'UE chaque année et que l'existence d'un espace sans contrôles aux frontières intérieures constitue « une condition sine qua non de la réussite du marché unique », qui implique la libre circulation des travailleurs, des marchandises et des services. Mais, l’Union et ses États membres doivent aussi pouvoir réagir rapidement et efficacement aux menaces graves pour l'ordre public et la sécurité intérieure, ce qui, à titre exceptionnel, nécessitera une fermeture temporaire de frontières internes.

    L’enjeu peut se résumer simplement : qui, des états ou des institutions européennes (et plus précisément de la Commission) va être aux commandes, c’est-à-dire apprécier les cas dans lesquels de telles mesures doivent être prises ?. Dans les propositions de la Commission européenne la réponse est claire : il faut privilégier la dimension européenne ce qui passe par des procédures décisionnelles communautaires et non intergouvernementales. Mais des états font de la résistance...Plus de détails sur le site eurogersinfo.


    Domaguil

     

  • Restrictions à la libre circulation des travailleurs en Espagne

    La liberté de circulation dans l’Union européenne n’est pas un droit absolu. Elle peut être restreinte de manière générale, pour des raisons tenant à la préservation de l’ordre public notamment, et de façon plus ponctuelle, par exemple lorsque la situation du marché du travail d’un pays justifie que celui-ci restreigne l’accès à l’emploi à des ressortissants étrangers (clause de sauvegarde). Ainsi la Commission européenne a-t-elle annoncé le 11/08/2011 qu’elle autorisait l’Espagne à restreindre l’accès des travailleurs roumains à son marché du travail jusqu’au 31 décembre 2012, « du fait de graves perturbations dans ce domaine », explique la Commission.

    On le sait la situation économique de l’Espagne n’est guère florissante : son PIB a chuté de -3,9 % entre 2008 et 2010, ce qui a eu pour conséquence un taux de chômage très important, dépassant qui dépasse 20 % depuis mai 2010. Pourquoi les travailleurs roumains sont-ils visés ? Parce que, selon l’analyse de la Commission européenne, les roumains résidant en Espagne sont fortement touchés par le chômage (30 % d’entre eux sont sans emploi) : 191 400 roumains étaient sans emploi au premier trimestre 2011 (80 100 en 2008), ce qui représente le nombre de chômeurs le plus élevé après celui des citoyens espagnols. Parallèlement, le nombre de ressortissants roumains venant travailler en Espagne est resté très important.

    Si l’Espagne a largement ouvert ses portes aux travailleurs d’autres pays de l’UE et en particulier aux travailleurs des nouveaux pays membres, cette ouverture n’est donc plus de mise. Le 28 juillet 2011 les autorités espagnoles ont demandé l’activation de la clause de sauvegarde en alléguant« la situation critique en matière d’emploi et la grande complexité de l’environnement financier » avec suffisamment de preuves pour convaincre la Commission européenne pourtant habituellement peu encline à tolérer des obstacles à la libre circulation. Sans doute celle-ci a t-elle également tenu compte du fait que même en mettant en oeuvre ces restrictions, l’Espagne « demeurera… plus ouverte aux travailleurs originaires des nouveaux États membres que certains autres pays de l’UE ». Les restrictions ne s’appliquent pas auxressortissants roumains qui sont « déjà actifs » sur le marché du travail espagnol (employés ou enregistrés comme demandeurs d’emploi). La Commission européenne rappelle qu’elle « suivra de près la situation en Espagne et aura la possibilité de modifier ou de révoquer sa décision à tout moment si elle le juge opportun ».

    Domaguil

     

  • Plus besoin d'être français pour être notaire en France

    J’en avais parlé sur ce blog et sur mon site ("Pas de frontières pour les notaires" et "Accès des étrangers à la profession de notaire"): le monopole conféré aux notaires français pour exercer cette profession en France était menacé.

    Il appartient désormais au passé grâce à une décision rendue par la Cour de Justice de l’Union européenne le 24 mai 2011 (arrêts de la Cour de justice dans les affaires C-47/08, C-50/08, C-51/08, C-52/08, C-53/08, C-54/08, C-61/08 Commission / Belgique non encore publiés; communiqué de presse ). La Cour juge que les états membres ne peuvent réserver à leurs nationaux l'accès à la profession de notaire car il s’agit d’une discrimination fondée sur la nationalité interdite par le droit de l'Union européenne. Une telle discrimination ne pourrait être justifiée, selon les règles communautaires, que si les notaires participaient à l'exercice de l'autorité publique. C'était d'ailleurs l'argument avancé par la France et les autres états dont la législation était mise en cause. Selon cet argument, les activités notariales participent à l'exercice de l'autorité publique dans la mesure où le notaire, en tant qu’officier public, a pour principale fonction d'authentifier les actes juridiques. Par cette intervention, qui peut être obligatoire (par exemple, pour vendre un bien immobilier) ou facultative, le notaire constate la réunion de toutes les conditions légalement requises pour la réalisation de l'acte, ainsi que la capacité juridique et la capacité d'agir des parties. L'acte authentique jouit, en outre, d'une force probante renforcée ainsi que d'une force exécutoire. Mais l'argument n'a pas convaincu la Cour qui, tout en reconnaissant que, dans de nombreux pays et notamment la France, les notaires ont effectivement cette fonction, estime que l'activité d'authentification qui leur est confiée ne comporte pas une « participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique ».

    Un notaire espagnol ou belge pourra donc prester ses services en France, à condition, bien évidemment, de démontrer sa connaissance du droit français.

    L’arrêt de la Cour pourrait avoir des conséquences plus larges dans la mesure où il conteste le fait que l’authentification des actes soit directement et spécifiquement lié l'exercice de l'autorité publique. Il donne ainsi un argument à tous ceux qui contestent le monopole des notaires pour l’authentification des documents, et en particulier aux avocats tentés par le lucratif marché des ventes immobilières.

    Domaguil

     

  • La Commission européenne s'attaque aux aides fiscales françaises à l'investissement immobilier

     

    Pour favoriser la construction de logements neufs les dispositifs fiscaux (niches) se sont succédé ces dernières années en France (amortissement Périssol, amortissement Besson, amortissement de Robien, amortissement Borloo et aujourd’hui dispositif Scellier…). Les investissements dans l'immobilier résidentiel neuf bénéficient d'un amortissement accéléré, ou de réductions d’impôt avec les résultats que l’on connaît : alléchés par l’avantage fiscal, des particuliers ont acheté sur plans des logements destinés à la location sans trop se soucier de leur localisation, de la situation du marché locatif, et autres « broutilles » qui pourtant auraient mérité un examen approfondi compte tenu de l’importance de l’investissement car acheter un logement ce n’est pas la même chose, on en conviendra, qu’acheter un écran plat…Aujourd’hui les logements vides se sont multipliés dans les villes moyennes tandis que Paris et d’autres grandes villes sont confrontés à une pénurie de logements, et des investisseurs (dés)abusés se rendent compte qu’il n’est pas possible de trouver des locataires et qu’ils vont peut-être perdre le bénéfice de la défiscalisation faute de pouvoir mettre leur bien en location.

    Et voilà que la Commission européenne s’en mêle en demandant des comptes à l’état français car elle estime que les dispositions fiscales appliquées  sont incompatibles avec la libre circulation des capitaux, dans la mesure où elles bénéficient aux achats de logements situés en France…mais pas aux investissements similaires à l'étranger, ce qui est logique du point de vue français (relancer le logement en France) mais pas du point de vue européen puisqu’un contribuable français qui investit dans le logement locatif dans un autre État de l’Union européenne ne peut bénéficier des avantages fiscaux, ce qui dissuade  les contribuables résidents d'investir dans des biens immobiliers situés à l'étranger, d’après la Commission européenne.

    Saisie par un investisseur français mécontent de ne pouvoir bénéficier des avantages fiscaux parce que le bien acheté n’était pas en France, la Commission européenne a annoncé, le 16/02/2011, l’envoi d’un avis motivé à la France. Il s’agit de la deuxième phase de la procédure d'infraction qui peut conduire, si la France maintient sa législation ou n’arrive pas à convaincre la Commission de son bien fondé, à la saisine de la Cour de Justice de l’Union européenne.

    Première bizarrerie de l’action de la Commission : elle concerne des dispositifs qui sont éteints: Périssol, de Robien, Borloo. Ces régimes  produisent toujours leurs effets sur les investissements réalisés lorsqu’ils étaient encore en vigueur, mais un acheteur qui acquiert un bien immobilier aujourd’hui ne peut en bénéficier.Deuxième bizarrerie : elle ne vise pas le dernier dispositif en date, qui, lui, est en cours : le dispositif Scellier créé par la loi de finances rectificative pour 2008. Celui-ci permet une réduction d'impôt qui peut représenter aujourd’hui jusqu'à 34% du coût de revient de l'investissement lorsque celui-ci a un caractère social.

    Question affolante pour les acheteurs: vont-ils devoir rembourser les avantages fiscaux obtenus? Non, pas du point de vue de Bruxelles qui s’intéresse seulement à la modification des dispositifs pour les rendre compatibles avec le droit communautaire. En revanche, les promoteurs ont quelques soucis à se faire sur la pérennisation des incitations sous leur forme actuelle et donc sur la possibilité de vendre des logements grâce à ces hochets fiscaux. Et pour le comprendre il faut rappeler l’argumentation juridique qui soustend l’action de la Commission européenne.

    La Cour de justice de l’Union européenne a jugé dans une affaire similaire (C-35/08, Busley, du 15 octobre 2009), que ce type de traitement fiscal discriminatoire était contraire aux règles de l'UE relatives à la libre circulation des capitaux. Dans cette affaire, la conformité au droit communautaire d’une réglementation fiscale allemande était en cause : cette réglementation permettait, notamment, au propriétaire d’un bien immobilier acquis ou construit durant une période déterminée et mis en location ensuite, de pratiquer des déductions pour amortissement diminuant d’autant les revenus locatifs imposables. Mais le bénéfice de cette mesure était conditionné au fait que le bien soit situé en Allemagne, ce que la Cour de Justice de l’Union européenne a considéré être une violation de l’article 56 du traité de la Communauté européenne (actuel article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne - TFUE).  La Cour remarque en effet « que la situation fiscale d’une personne physique, résidant et intégralement assujettie en Allemagne, qui dispose, comme les requérants au principal, d’un bien immeuble dans un autre État membre est moins favorable qu’elle ne le serait si ce bien était situé en Allemagne » (considérant 26) et que « ce désavantage fiscal est susceptible de dissuader une telle personne tant de procéder à un investissement dans un bien immeuble situé dans un autre État membre que de conserver un tel bien dont elle est propriétaire » (considérant 27). Cette restriction pouvait-elle se justifier par des raisons d’intérêt général, liées à l’ordre public comme le permet le Traité ?  Le Gouvernement allemand défendait sa position en soulignant  que l’objectif de la réglementation litigieuse était d’inciter la construction de logements à usage locatif afin de satisfaire aux besoins de tels logements de la population allemande, et que cet objectif avait un caractère sociopolitique et constituait une raison impérieuse d’intérêt général. La Cour rejette l’argument en observant que la réglementation litigieuse « au lieu de cibler des endroits où la pénurie de tels logements serait particulièrement marquée…fait abstraction…des besoins différents d’une région à l’autre en Allemagne » et que, de plus « toute catégorie de logement à usage locatif, du plus simple au plus luxueux, peut faire l’objet d’un amortissement dégressif » . Dans ces conditions, conclue la Cour, « il ne saurait être présumé que les investisseurs privés, motivés notamment par des considérations financières, satisfassent à l’objectif prétendument sociopolitique de cette disposition ».

    On le voit, le précédent Busley constitue un sérieux argument pour la Commission européenne. Certes les dispositifs incriminés comportent des critères sociaux, par exemple en imposant des plafonds de loyers, ou encore en imposant la location à des ménages dont les ressources n’excèdent pas un certain montant. Mais, ces conditions ne s’appliquent pas toujours : dans le cadre du dispositif Scellier, par exemple, le plafond de ressources du locataire n’est exigé que pour bénéficier de la réduction d’impôt maximale. D’autre part, le caractère social de ces avantages fiscaux est contesté car, s’agissant des investisseurs, on remarque que ceux qui en profitent sont majoritairement des ménages déjà aisés. Quant au respect du critère de la localisation des investissements, il est également sujet à discussion. Les conditions d’attribution des avantages fiscaux ont peu à peu été aménagées pour tenir compte de zones supposées homogènes au regard de l’offre de logements. Mais ce zonage est contesté car il ne tiendrait pas compte de situations locales très diverses . Dès lors, si la demande de la Commission n’est pas de nature à inquiéter en France pour le moment, ce n’est pas pour des raisons de bien fondé juridique mais parce qu’elle  ne concerne que des dispositifs obsolètes. En revanche, la situation sera toute autre si  les mesures Scellier qui sont les continuatrices des dispositifs antérieurs se trouvent dans le collimateur de Bruxelles (la Commission a annoncé qu’elle était en train d’en étudier les dispositions). Comme on l’a vu, elle ne sont pas exemptes de failles au regard des règles communautaires et de la jurisprudence Busley. Leur pérennité ou leur reconduction (le dispositif doit disparaître en principe fin 2012) pourrait donc être menacée.

    Plus largement, c’est le mécanisme des incitations fiscales à l’investissement immobilier qui pourrait être mis à mal en dissuadant le gouvernement de donner un successeur au dispositif Scellier. Il y serait d’autant moins enclin qu’en cette période d’économies budgétaires, l’action de la Commission européenne lui donne un argument pour supprimer une niche fiscale. 

    Domaguil