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Libre circulation - Page 6

  • Pas de libre circulation pour les étudiants français en Belgique (2)

    Un des principes fondateurs sur lequel repose l’Union européenne est celui de la liberté de circulation des personnes. Il signifie que tous les ressortissants de l’Union doivent pouvoir voyager, séjourner, travailler, étudier dans n’importe quel pays membre. Ce qui suppose que les états ne fassent pas de discrimination entre leurs nationaux et les nationaux d’autres états, comme dispose l’article 12 du traité de la Communauté européenne.

     

     

     

    Une jurisprudence constante a précisé la portée de cette interdiction :  « Il y a violation du principe d'égalité de traitement lorsque deux catégories de personnes dont les situations juridiques et factuelles ne présentent pas de différences essentielles se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique » (Tribunal de Première Instance,  20 janvier 2004, T-195/02, Briganti / Commission, point 41). Seules, « des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l'objectif légitimement poursuivi par le droit national » peuvent justifier une différence de traitement comme l’a rappelé la Cour de justice des Communautés européennes dans une affaire qui opposait la Commission à l’Autriche (CJCE, 7/07/2005, aff.C-147/03, Commission des Communautés européennes c. République d’Autriche). Dans cet arrêt, la Cour a condamné l’Autriche pour manquement au droit communautaire en raison d’une disposition selon laquelle les étudiants titulaires de diplômes obtenus dans un autre pays membre n’étaient admis à un cursus que s'ils pouvaient  prouver qu'ils remplissaient les conditions d'accès au cursus dans le pays d’obtention de leur diplôme, ce qui concrètement, avait pour conséquence de leur rendre l’accès aux études plus difficile qu’aux étudiants autrichiens. L’Autriche, a jugé la Cour, a violé les articles 12, 149 (coopération entre les états en matière d’éducation et mobilité des étudiants) et 150 (politique communautaire de formation) du traité sur la Communauté européenne.

     

     

    Dans une autre affaire qui, cette fois, mettait aux prises la Commission européenne avec …la Belgique (déjà !), la Cour a condamné, en se fondant sur les mêmes articles,  la Belgique pour avoir imposé aux étudiants titulaires de diplômes secondaires obtenus dans d’autres états de l’Union qui souhaitaient commencer des études supérieures sur son territoire, une condition que n’avaient pas à remplir les titulaires de diplômes belges (CJCE,01/07/2004,aff.C-65/03, Commission des Communautés européennes c.Royaume de Belgique).

     

     

     

    On le remarque, ni l’Autriche ni la Belgique n’avaient imposé des mesures visant directement les non nationaux. Plus « subtilement » ( ???), elles faisaient référence à des « titulaires de diplômes étrangers », ce qui pouvait aussi viser des autrichiens ou des belges. Mais il est évident que dans la très grande majorité des cas, les titulaires de diplômes étrangers sont…des étrangers. Et voilà comment les deux pays pratiquaient en toute bonne conscience une discrimination « indirecte contraire au principe de non-discrimination en raison de la nationalité contenu à l'article 12 CE », selon les termes de la Cour dans l’arrêt concernant l’Autriche. Et la Cour d’expliquer qu’on ne la dupe pas comme cela : « le principe d’égalité de traitement…prohibe non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat » (arrêt du 01/07/2004, point 28). Pan sur le bec de la Belgique : la Cour de justice veille au grain.

     

     

     

    Conclusion: après lecture de ces arrêts, le sort du décret de madame Simonet paraît bien incertain, car il restreint l’accès à certaines filières aux étudiants « non-résidents » dont il est prévisible qu’ils sont essentiellement des non belges et dans ce cas, le décret crée bien une « forme dissimulée de discrimination » contraire au droit communautaire. En cas de recours devant les instances communautaires (Commission, et Cour de Justice des Communautés si aucun accord n’est trouvé avec la Commission) , sa durée de vie semble donc limitée, à moins que la ministre ne soit en mesure de démontrer qu’elle s’est fondée sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité, que la mesure prise se justifie par un objectif légitime (ex : d’ordre public) et qu’elle n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Ce que ni l’Autriche ni la Belgique n’ont réussi à faire dans les affaires évoquées plus haut.

     

     

     

    La Commission a été saisie d’une plainte par les persévérants étudiants français, le 29/08. Madame Simonet avait clamé haut et fort sa satisfaction  après la décision de la Cour d’arbitrage. Peut-être a-t-elle vendu la peau de l’ours un peu hâtivement.                            

    Domaguil

     
  • Pas de libre circulation pour les étudiants français en Belgique(I)

    Suite du feuilleton « la Belgique arrête l’envahisseur gaulois ».  Alléchés par les affirmations de la Commission européenne : « étudier partout en Europe c’est votre droit »,  « libre circulation dans toute l’Union » , etc…de nombreux étudiants français se sont inscrits dans les universités belges (francophones)  apparemment plus accueillantes que les françaises dans certaines filières (absence de concours d'entrée et frais d’inscriptions modiques). A tel point que c’est à une véritable invasion gauloise que se sont trouvées confrontées lesdites universités. Et là, le gouvernement de la Communauté francophone de Belgique a dit : stop, halte là, les français ne passeront pas. Et de publier un décret pour limiter le nombre d’étudiants non résidents (concrètement, le plus souvent, les étrangers, donc). Vengeance pour toutes les blagues belges qui circulent de ce côté ci de la frontière ? L’inspecteur Poirot enquête.

     

     

     

    Quant à la juriste que je suis, elle dit merci à nos voisins de lui fournir de quoi alimenter ce blog. Car si l’on se penche un instant sur cette histoire belge, force est de constater qu’elle pose quelques problèmes au regard du droit communautaire . Je rappelle pour ceux qui l’auraient oublié, notamment au Gouvernement belge, que la Belgique fait partie de l’Union européenne, et depuis 1957 encore. Mais apparemment en Belgique comme en France, et plus généralement dans les états membres à des degrés divers,  il arrive que les dirigeants fassent preuve de distraction à ce sujet. Jusqu’à ce que la Commission européenne et la Cour de Justice, en bonnes « mères fouettardes », tapent sur les doigts des étourdis qui, tout penauds, doivent remettre leurs législations d’équerre.

     

     

    Mais pourquoi la Communauté francophone belge se ferait-elle taper sur les doigts me direz-vous ? N’est-elle pas libre d’accueillir qui elle veut dans ses établissements supérieurs ? Eh bien non, si cela se traduit par une discrimination à l’encontre d’autres ressortissants de l’Union européenne. Sauf à avoir de bonnes raisons pour cela…

     

     

     

    Rappel des faits. Constatant que certaines filières d’enseignement supérieur telles que médecine, vétérinaire et kinésithérapie, sont littéralement prises d’assaut par les étudiants étrangers (français principalement) qui les occupent dans des proportions allant parfois jusqu’à 86%,  la ministre de l'enseignement supérieur de la Communauté francophone, Madame Simonet, présente en février une proposition pour limiter à 30% le nombre d’étudiants étrangers dans ces filières. Applaudissements des uns au nom de la défense des droits des résidents belges, cris des autres au nom de la défense de la mobilité et de la liberté de circulation. Pour le gouvernement, il ne s’agit pas de protectionnisme mais d’éviter une pénurie de spécialistes dans certaines professions (les diplômés français préfèrent exercer en France, les ingrats) (1). Passons sur les autres hypothèses avancées pour expliquer le coup de grisou  (et, par exemple, le fait que les belges en ont assez de payer pour les étudiants français), ce n’est pas l’objet de cette note.

     

     

     

    Le décret du 16 juin 2006 juin 2006  instaurant des quotas d’étudiants non-résidents a été attaqué par des étudiants français (et des enseignants) qui ont formé un recours en annulation assorti d’une demande de suspension devant la Cour d’arbitrage belge (cour constitutionnelle).

     

     

     

    La demande de suspension a été rejetée le 29/08, ce qui permet au décret d’entrer immédiatement en application. La sélection des étudiants non-résidents admis à étudier en Belgique se fera…par tirage au sort devant huissier, dans la limite du quota de 30% fixé par le décret.

     

     

    Mais la question de la légalité de celui-ci n’a pas été tranchée, puisque la demande en annulation n’a pas encore été examinée, la Cour s’étant simplement prononcée sur l’opportunité de suspendre ou non l’application du décret en attendant la décision au fond sur sa légalité.

     

     

     

    Or, le décret n’est pas sans défauts de ce point de vue, semble-t-il.

    (la suite demain: le billet étant trop long, je l'ai sectionné)

     

    Domaguil

     

     

    1-Grâce au principe de reconnaissance mutuelle des diplômes entre les différents états de l’Union européenne

     

     

     

     

     

  • Accord au Conseil sur la proposition de directive sur les services

    Le 29/05/2006, le Conseil est parvenu à un accord sur la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur telle qu’elle a été modifiée par la Commission européenne pour tenir compte des amendements du Parlement européen. Les modifications apportées par les états sont peu nombreuses. La Belgique et la Lituanie se sont abstenues. Le texte a été généralement bien accueilli mais des voix se font entendre pour dénoncer certaines zones d'ombre qui subsistent.

  • Libre circulation et séjour plus faciles pour les européens

    Adoptée en avril  2004, la directive 2004/38 sur la libre circulation et le droit de séjour des citoyens de l'Union européenne et des membres de leur famille, devait être transposée  par les états au plus tard le  30 avril 2006.
     

    Appliquant le credo en vogue à Bruxelles (simplification tous azimuts de la législation communautaire) , la directive regroupe en un texte unique les textes antérieurs  (9 directives et 1 règlement) ainsi que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes consacrée à ce thème.

     

    Ce qui devrait en faciliter la compréhension et l'application.
     

    Elle modifie également les règles antérieures en rendant plus facile l’exercice du droit de séjour :

    • le droit au regroupement familial des citoyens de l'Union est étendu aux partenaires enregistrés (ex: liés par un pacs en France), sous certaines conditions;
    • les membres de la famille se voient reconnaitre un droit de séjour autonome en cas de décès du citoyen de l'Union ou de dissolution du mariage ou du partenariat enregistré;
    • les formalités administratives sont réduites:   il n’y a pas d’obligation d’obtenir une carte de séjour. Cependant,  l’obligation de se faire enregistrer auprès  des autorités compétentes   peut être maintenue par les états de même que celle de prouver que les conditions de séjour sont remplies ( exercice d’une activité, salariée ou non, ou, si ce n’est pas le cas, justification de ressources suffisantes et d'une assurance maladie complète);
    • un droit de séjour permanent à l'issue d'une période de cinq ans de résidence dans l'état membre d'accueil est reconnu: ce droit ne sera alors plus soumis à aucune des conditions qui viennent d’être rappelées et il  garantira une égalité de traitement totale des citoyens de l'Union européenne avec les ressortissants nationaux;
    • la protection contre l'expulsion des citoyens de l'Union européenne et des membres de leur famille qui ont acquis un droit de séjour permanent est mieux assurée, et  la possibilité d'expulser les citoyens de l'Union ayant résidé dans un état membre au cours des dix années précédentes ou qui sont mineurs est limitée: seules pourront être autorisées les expulsions pour des  motifs impérieux de sécurité publique.

    En France, cette directive doit être transposée par la loi sur l’immigration et l’intégration actuellement en discussion au Parlement.