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Europe - Page 13

  • Bibliothèque numérique : la tortue européenne rattrapera-t-elle le lièvre Google ?

    Entre l’Europe et Google la course de vitesse  pour mettre en ligne une bibliothèque proposant aux internautes du monde un accès aux œuvres numérisées continue.

     

     

     

    TEL (pour The European Library) est le concurrent européen du  projet de bibliothèque en ligne  lancé par Google . Il résulte d’une initiative des membres de la Conférence des bibliothécaires nationaux européens qui a bénéficié rapidement d’une aide de la Communauté européenne. L’enjeu est de préserver la diversité culturelle en évitant que le monde anglo-saxon n’impose son hégémonie sur la culture mondiale. Sur le plan du fonctionnement, TEL ne propose pas une base de données unique, mais doit permettre de faire des recherches dans les différentes collections des institutions culturelles qui en sont membres (bibliothèques, archives, musées) à partir d'un seul point d'accès multilingue, qui se présente sous la forme d'un portail internet, ce qui évite à l’internaute d'être obligé de connaître et de visiter toute une série de sites. Le projet a franchi une étape décisive avec la décision de  l’Union européenne de financer  la création d’un réseau paneuropéen de centres de numérisation afin de stimuler les initiatives de numérisation européenne.

     

     

     

    Depuis, il faut bien constater que TEL n’a pas réussi à rattraper son retard sur Google dont le projet  avance bien comme le montre l’accord, rendu public le 09/08/2006, avec l'Université de Californie pour mettre en ligne le contenu de ses bibliothèques (une centaine) qui constitue, dit-on, la collection d’ouvrages la plus importante du monde. La bibliothèque numérique européenne, elle,  se met laborieusement en place et a tout de l’usine à gaz. C’est pourquoi la Commission européenne a appelé les états à hâter le pas dans une recommandation du 25/08.

     Elle  leur demande de développer des services de numérisation à grande échelle, pour accélérer la mise en ligne du fonds de la bibliothèque numérique européenne. Deux millions d’œuvres (livres,  films, photographies,  manuscrits, et autres œuvre culturelles) devraient être mis à la disposition des internautes d’ici 2008 et au moins six millions d’ici 2010.

     

     

     

    Mais encore faut-il qu’aient été résolus au préalable un certain nombre de problèmes récurrents comme celui des droits éditoriaux,  le décompte  de ce qui a déjà été digitalisé ou encore les moyens de conserver le contenu numérique afin de garantir l'accès à long terme au contenu de la bibliothèque. Bref, il y a du pain sur la planche et l’énormité de la tâche n’est pas facilitée par la diversité des langues de la Babel européenne.

     

     

     

    Dans la fable de la Fontaine, la tortue, bien que  lente, finit par gagner la course engagée contre le lièvre. Pour l’instant, la fable ne se vérifie pas. Il est vrai que la tortue de la fable,elle, était « partie à point ». Mais tout n’est pas dit. Google rencontre des difficultés avec les éditeurs dont certains ont engagé ou menacent de le faire,  des poursuites contre lui pour numérisation sans autorisation d’ouvrages (dernier en date, le groupe la Martinière en France, en juillet dernier). La course du lièvre est semée d’embûches.

     

     

     

    Et, pour finir, si vous cherchez « le lièvre et la tortue » sur le site de la bibliothèque de Google vous n'aurez droit qu'à un petit extrait. Pour la fable complète (et le recueil entier), mieux vaut aller sur TEL et gallica! 

     

     

     

    Moralité : quand le lièvre n’est pas là, la tortue danse. Hum, je crois que j’ai fait une confusion entre fables et proverbes. Je retourne prestement sur gallica.

     

    Domaguil

              

                 

       

  • L’Union européenne veut sauver notre peau

    Après s’être attaquée aux tarifs des appels par portables, à l’étiquetage des produits solaires, la Commission européenne poursuit sa croisade pour le bien-être des acheteurs que nous sommes. L’Europe des consommateurs progresse, elle…Dans le cadre de sa politique de réponse aux  attentes de ces derniers (ce qui, au passage, permet opportunément d’éviter de poser les questions plus ambitieuses mais plus risquées, du type : où va l’Union européenne ?) la Commission met les pieds dans le plat ou, plutôt, les doigts dans le pot de crème anti rides.

     

     

     

    Dorénavant, les utilisateurs de cosmétiques devraient pouvoir être mieux informés de la composition de ces produits, et donc des effets indésirables et risques potentiels d’allergie, grâce à des accords intervenus entre la Commission, les Etats et les entreprises du secteur pour parvenir à des « lignes directrices » rendues publiques le 28 /08/2006. Il existe bien une réglementation communautaire dite de rapprochement des législations des différents états qui a posé un certain nombre de règles minimales communes sur la composition et l’étiquetage (directive 76/768 du 27 juillet 1976 sur les  produits cosmétiques) mais il faut penser que les garanties qu’elle offre aux consommateurs laissent à désirer, d’où cette initiative.

     

     

     

    Actuellement les fabricants ont pour seule obligation de mentionner sur l’emballage la  liste des ingrédients par ordre de poids  décroissant. Grâce aux nouvelles lignes directrices, ils vont aussi devoir fournir à tout consommateur qui leur en fera la demande écrite, par téléphone ou sur internet,  les informations  sur les effets indésirables dont ils ont connaissance, ainsi que sur  les ingrédients entrant dans la composition et sur leur quantité exprimée en pourcentage  lorsqu’il s’agit de substances jugées «dangereuses» à savoir toute substance…explosive, oxydante, aisément inflammable, toxique, nocive, corrosive ou irritante (selon la classification de la directive 67/548 sur la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances dangereuses ).  Mais pour protéger le secret professionnel, la valeur pourra être arrondie ou incluse dans une fourchette.

    Pour aider les consommateurs à trouver les coordonnées des entreprises, un répertoire public central des entreprises qui commercialisent des produits cosmétiques sur le marché de l’Union européenne a été mis en place.

     

     

     

    Les lignes directrices résultent d’un accord avec les milieux professionnels. C’est une méthode plus souple (pas forcément moins efficace)  que d’adopter un règlement ou une directive. L’idée d’une législation communautaire avait été, semble-t-il, un temps envisagée pour obliger les fabricants utilisant des composants chimiques à les déclarer. Elle a été  finalement abandonnée devant les cris d’orfraie poussés par les entreprises à l’idée de voir des procédures d’essais et de déclarations amputer leurs bénéfices. Cela ne vous rappelle rien ? Mais oui : le débat sur le projet de règlement REACH  , une des vedettes de l’actualité législative européenne de cet automne. Espérons qu’il ne sera pas remplacé par des lignes directrices ! Je plaisante, bien sûr. Quoique...

     

    Domaguil

     

     

       
  • Solidarité européenne, le bal des hypocrites

    Notre perspicace Ministre déléguée aux affaires européennes, Madame Colonna, a diagnostiqué une maladie de langueur dont souffrirait  l’Union européenne.

     

    A l'occasion d'un discours discours prononcé lors de la Conférence des Ambassadeurs le 29/08/2006, elle s’inquiète, dans ce style jargonnant  dont nos gouvernants nous régalent volontiers  des « manifestations de langueur » qui s’accompagnent « d’une distanciation à l’égard du  projet européen, dont elles sont la traduction ». Et comment se manifeste cette « distanciation » ? Eh bien, déplore madame Colonna : « Nous sommes le plus souvent 25  Etats membres côte à côte, juxtaposant leurs positions et parvenant à un

    difficile compromis, plus que nous ne sommes unis dans la recherche d’un intérêt collectif ».

     

     

     

    Heureusement, la France est là pour réveiller la belle Europe endormie et elle l’a prouvé en « étant en initiative sur tous les sujets » qui ont permis de progresser dans le bon sens (?). N’épiloguons pas davantage sur ce discours dont je renvoie à la lecture les plus courageux d’entre vous. Il est tentant de s’attribuer le beau rôle et de donner des leçons aux autres. La France ne déroge pas à une habitude solidement ancrée et somme toute, abstraction faite de ce travers, le discours de madame Colonna contient quelques passages intéressants.

     

     

    Ce qui est fâcheux pourtant, c’est qu’au moment où la ministre déléguée aux affaires européennes livre cette  réflexion  sur la situation actuelle de l’Union,  un événement ôte un chouïa de crédibilité aux élans europhiles dont elle a jugé bon de la saupoudrer.

     

     

    Les lecteurs de ce blog se souviennent (peut-être) que l’Espagne a bénéficié de renforts européens pour surveiller les côtes africaines afin de dissuader les migrants clandestins de rallier les Canaries et de secourir ceux qui se retrouvent perdus en mer. Il s’agit de l’opération HERA II qui mobilise aux côtés des navires espagnols, deux navires italiens et portugais et deux avions de surveillance finlandais et italiens.

     

     

    Mais voilà que les espagnols ont l’outrecuidance de faire remarquer que cette aide est insuffisante et qu’ils ne peuvent assumer seuls la charge de surveiller une frontières extérieure de l’Union européenne prise d’assaut par ceux qui espèrent une vie meilleure, et par les passeurs et trafiquants d’êtres humains dont ils sont les proies. Et de regarder avec insistance du côté des pays qui, après s’être engagés à les aider il y a plusieurs mois, semblent à présent avoir oublié leurs promesses. Parmi ces pays il y a le voisin français qui serait bien inspiré de mettre en accord ses paroles et ses actes. Car la France plaide avec constance pour un contrôle de l’immigration et une répression de l’immigration illégale dans le cadre européen. Dès lors, il ne semble pas déraisonnable de lui demander de participer à la surveillance des frontières au lieu de laisser d’autres états se débrouiller seuls dans cette tâche à laquelle tous ont un intérêt à ce qu’elle soit bien assurée. C’est en substance le message délivré par la Commission européenne à l’ensemble des états membres de l’Union. Dans un communiqué de presse du 30/08/2006, elle apporte  son soutien à la demande de l’Espagne en rappelant que « le problème espagnol est un problème européen, comme l’est le problème maltais, grec ou italien. Certains états membres ne peuvent pas porter un fardeau excessif du seul fait de leur situation géographique. Touts les frontières extérieures de l’Union européenne doivent être protégées et tous les états membres doivent y contribuer ».

     

     

    Il est donc troublant d’entendre madame Colonna s’interroger gravement sur la capacité des états à « retrouver un esprit collectif », alors que l’Espagne appelle son voisin à l’aide au nom de la solidarité communautaire, sans succès jusqu'ici. Dans le langage courant, auquel la diplomatie est parfois étrangère, on appelle cela de l’hypocrisie .

     

    Domaguil

     
  • HERA II , des patrouilles aux portes de l’Union européenne

    Comme toute spécialité, le droit communautaire se dérobe au non initié en se dissimulant  derrière un jargon de nature à décourager les plus motivés des chercheurs d'information. Perdus dans les acronymes, sigles et expressions hermétiques comme "abstention constructive", "comitologie", "Coreu ou correspondance européenne" (1), etc...(la charité m'interdit d'aller plus loin),  la tentation est grande de jeter l'éponge et, pour les plus désespérés, d'aller derechef rédiger une nouvelle constitution européenne.

     

    Prenons, par exemple, l'expression  HERA II, d'actualité récente. A priori, elle évoque la revêche moitié du grand Zeus, du moins si l'on est amateur de mythologie grecque, de peplums ou élève de  6ème. Une petite recherche sur internet enrichit nos connaissances, en nous apprenant qu'HERA II est le nom d'un temple de Poséidon à Paestum en Italie, et celui...d'un accélérateur de particules, un "collisionneur électron-proton".

     

    Il faut persévérer pour apprendre qu'il s'agit aussi d'une opération décidée par Frontex, l'Agence européenne « pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne » (ouf). Cet organisme, créé par un règlement européen du 26/10/2004 coordonne l’action des différentes administrations nationales chargées du contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne pour empêcher autant que faire se peut que celles-ci ne soient des passoires. Son rôle va de la réalisation d’ « analyses de risques »  à la formation de garde-frontières  en passant par la mise en place d’opérations de surveillance.

     

    Et voila comment a été lancée l’opération HERA II, le 11 août. Il s’agit de  patrouilles longeant les côtes africaines (le long des eaux territoriales de Mauritanie et du Cap-Vert) pour arrêter les migrations vers les  îles Canaries. Deux navires italien et portugais, ainsi que deux avions italien et finlandais viennent en appui aux deux bateaux et deux hélicoptères espagnols qui surveillent déjà la zone. L’opération HERA II devrait durer entre 7 et 9 semaines, et bénéficie d’un financement de 3,2 millions d'euros.

     

    Pour le Commissaire européen chargé des questions de justice et d’immigration, Franco Frattini, le lancement d'HERA II  est un « moment historique pour la politique européenne d’immigration et d’expression tangible de la solidarité entre états membres ». Mais voilà,  la traque des immigrants clandestins a assez mauvaise presse, et l’opinion est partagée entre inquiétude devant l’immigration illégale et mauvaise conscience devant la détresse qu’elle exprime. Du coup, la communication sur cette politique européenne, qui est des seules à progresser actuellement, reflète cette dualité embarrassante. D’un coté est mise en avant la nécessité de lutter contre l’immigration clandestine et  le trafic d’êtres humains qui l’accompagne. De l’autre l’Union européenne  se défend  de vouloir construire une « Europe forteresse » et argumente sur le caractère « humanitaire » des patrouilles qui permettent d’éviter que des immigrants sur des embarcations de fortune ne disparaissent  en mer. Mais le succès de la politique européenne dépend aussi de la coopération des états d’origine des migrants, et c’est pourquoi la politique d’immigration cumule mesures répressives de l’immigration clandestine, encadrement de l’immigration légale, aide et partenariat avec les pays tiers.

     

    Le samedi 19 août, une embarcation transportant des immigrants clandestins a chaviré au large de la Sicile. Selon les premières nouvelles de la matinée, dix personnes avaient été retrouvées noyées , 70 avaient été sauvées et une quarantaine étaient encore recherchées. D’autres HERA II vont être lancées. Une est déjà annoncée pour bientôt. Elle s’appellera Jason. Il n’y aura pas de toison d’or en récompense. Seuls des rafiots transportant la misère humaine.

     

    Domaguil

     

     

    1-Abstention constructive : procédure qui prévoit, dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), qu'une abstention d'un État membre lors du vote au sein du Conseil ne fasse pas obstacle à l'unanimité.

    Comitologie : la Commission est chargée d’exécuter la législation européenne. A cette  fin elle est assistée d’un comité dont les interventions et le rôle plus ou moins importants sont réglées par la procédure dite de « comitologie ».

    Le COREU (CORrespondance EUropéenne) est un réseau de communication de l'Union européenne entre les États membres et la Commission pour la coopération dans les domaines de la politique étrangère. Il facilite une prise de décision rapide en cas de crise.