Le Conseil européen réuni à Bruxelles les 8 et 9 mars, est parvenu à un accord sur les thèmes prioritaires qui figuraient au menu des discussions: la protection du climat, la politique énergétique et la stratégie de Lisbonne.
Une avancée « historique » sur la protection climatique
Dans le cadre du thème de la protection du climat et la politique énergétique, il était prévu de d’adopter un paquet intégré de mesures. Outre la protection du climat, ce plan d’action devait inclure les relations énergétiques extérieures ainsi que le marché intérieur, la concurrence et la protection de l’environnement. Concernant la protection du climat, trois questions en particulier étaient au menu . Deux d’entre elles sont des objectifs réalisables à moyen terme : la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici 2020 dans toute l’Union européenne (voire jusqu’à 30% si tous les pays industrialisés font de même) et l’augmentation à 20% de la part des énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse) qui représentent 6,5% aujourd’hui . Le troisième objectif, les économies d’énergie, est le plus rapide à mettre en oeuvre.
Le compromis n’a pas été facile à trouver entre pro et anti nucléaire. Les premiers, menés par l’Allemagne et les pays du nord de l’Europe communautaire, voulaient fixer des objectifs contraignants pour amener les industriels à investir dans des équipements tournés vers les énergies renouvelables. Les seconds, la France et de nombreux pays de l’Est, voulaient la reconnaissance de la contribution du nucléaire, qui produit peu d’émissions de CO2, et s’opposaient à des objectifs contraignants en mettant en avant les coûts sociaux ou économiques qui en résulteraient, selon eux.
En définitive, l’Allemagne et ses alliés sur cette question ont obtenu le ralliement des autres pays, et notamment leur approbation de l’objectif de 20% d’énergies renouvelables à l’horizon 2020 sans inclusion du nucléaire dans cette catégorie. En contrepartie, les « pro nucléaires » ont obtenu que le rôle que peut jouer l'énergie nucléaire pour réduire les émission s de gaz à effet de serre et pour aider l'Europe à réduire sa dépendance énergétique soit mentionné dans les conclusions du Conseil européen.
L’objectif de 20% d’énergies renouvelables sera atteint selon une approche différenciée, la répartition des charges entre les états membres devant être négociée ultérieurement, en tenant compte des spécificités nationales, ce qui promet certainement encore quelques belles passes d’armes (la Commission européenne devrait présenter des propositions concrètes au cours du troisième trimestre 2007).
La Présidence allemande ne boude pas son plaisir cependant et évoque sur son site « un accord historique sur la protection climatique ». Cette opinion est partagée par diverses organisations écologistes. Le WWF, par exemple, se réjouit des engagements pris lors du Conseil et « salue » également « le revirement français sur les énergies renouvelables ». Moins élogieux pour la France, le vice Président du groupe des Verts au Parlement européen, commente en ces termes les résultats du Conseil européen dans un communiqué du 9 : « Le Sommet a confirmé que les énergies renouvelables restent la première technologie pour combattre les changements climatiques et que, contrairement au message de Jacques Chirac qui voulait faire du nucléaire une énergie renouvelable, cette approche n’est pas été suivie par ses homologues européens et notamment par la Chancelière allemande Angela Merkel. Je me félicite que cette approche immorale visant à mettre sur un pied d’égalité le nucléaire et les énergies renouvelables ait été rejetée par le Conseil européen ». Satisfecit donc des défenseurs de l’environnement, sauf en ce qui concerne les économies d’énergie pour lesquelles le Conseil européen souligne « la nécessité d’économiser 20 % de la consommation énergétique de l'Union européenne par rapport aux projections pour l'année 2020 », mais sans en faire un objectif contraignant.
La stratégie de Lisbonne ne doit pas oublier l'objectif social
Deuxième dossier examiné par le Conseil : la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi. Dans ce cadre, l’accent était mis sur le parachèvement du marché intérieur, la simplification de la législation et la réduction des charges administratives . La Commission européenne a prévu de réduire, d’ici 2011, de 25 % les charges administratives des entreprises, ce qui représente, selon ses estimations, un potentiel de croissance économique supplémentaire de 1,5 % environ.
Quant à la promotion de l’emploi et du modèle social européen, on restait encore à la veille du Sommet dans un flou bien peu artistique, faute d’entente sur le contenu de cette notion à géométrie variable selon les pays. La bonne surprise est donc de voir le Conseil européen, après avoir rappelé de façon prévisible la nécessité d’achever le marché unique, se lancer de manière plus inattendue dans un plaidoyer pour une Europe sociale: « Le Conseil européen réaffirme la nécessité de renforcer la cohésion économique et sociale au sein de l'Union et souligne le rôle clé joué par les partenaires sociaux. Il insiste sur l'importance de la dimension sociale de l'Union européenne. À cet égard, il rappelle les dispositions sociales du traité, notamment l'importance qu'il attache à la promotion de l'emploi ainsi qu'à l'amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès. Il souligne que les objectifs sociaux communs des États membres devraient être mieux pris en compte dans le programme de Lisbonne afin que les citoyens de l'Union continuent de soutenir l'intégration européenne ». La référence à « l’égalisation » évoque étonnamment cette bonne vieille notion d’harmonisation que l’on croyait jetée aux oubliettes. Et lorsque le Conseil parle « d’égalisation dans le progrès », il est difficile de ne pas penser à «l’ harmonisation par le haut » chère à la France qui permettrait d’établir un socle de droits sociaux communs.
Et le traité constitutionnel dans tout cela ?
Et le traité constitutionnel, me direz-vous, peut-être, où en est-il question ? Eh bien, nulle part. Il va falloir patienter encore et attendre la déclaration politique commune à l’occasion de l’anniversaire des 50 ans du traité de Rome, le 25 mars et dont un projet a été présenté aux états par l’Allemagne lors du Sommet.
Un « scoop » tout de même : il semble de plus en plus probable que les termes de « Constitution » ou de « traité constitutionnel », décidément trop connotés, sont en passe d’être abandonnés. Si le choix des mots a un sens, l’Europe fédérale attendra donc.
De plus, des points de désaccord persistent sur la rédaction de la déclaration: une mention des valeurs chrétiennes (la Pologne est pour, la France la refuse), un « hommage appuyé » à l'euro (voulu par la Commission mais pas par la Grande-Bretagne) , la référence à des élargissements à venir (là encore la Commission y est favorable, mais la France se montre réticente). Il reste donc du pain sur la planche pour les rédacteurs de la déclaration qui devrait être, dans l'idéal, un texte politique porteur d'un message d'avenir. D’où une certaine inquiétude devant ces divergences. Ce n’est pas la cacophonie, nous dit pourtant la Présidence allemande. On n’est pas obligé de la croire…
Domaguil