Plaidoyer européen de Nicolas Sarkozy devant les eurodéputés
Le 13/11/2007, le Président de la République française, Nicolas Sarkozy faisait un discours devant le Parlement européen. Ce fut l’occasion de renouveler un engagement européen dont il faut bien dire qu’il s’était manifesté plutôt discrètement par le passé et d’esquisser les grandes lignes de ce que sera le programme de la Présidence française de l’Union européenne.
Une entrée en matière a rappelé avec lyrisme le rêve de paix qui a présidé à la construction européenne qui ne se réduit pas à une machine « à procédures et à règles » mais est « une exigence morale, politique et spirituelle » qui « se fera avec les peuples ou …ne se fera pas ». Le non au traité constitutionnel, selon Nicolas Sarkozy, résultait précisément d'une déception « des millions d’hommes et de femmes en Europe qui s’étaient mis à désespérer de l’Europe parce qu’ils avaient le sentiment qu’elle ne les protégeait plus, qu’elle était devenue indifférente aux difficultés de leur vie, qu’elle ne s’adressait plus à eux ».
Puis est venue une véritable profession de foi dans l’Europe politique et, de façon plutôt inattendue, une critique claire de la règle de l’unanimité comme procédure de décision, « système qui permet à quelques uns d’imposer leur loi à tous les autres…certitude qu’on ne décidera jamais rien de grand, d’audacieux, qu’on ne prendra jamais aucun risque…impuissance ». Et de conclure par ce constat qui fera chaud au cœur des fédéralistes : « Avec l'unanimité, on s'aligne sur celui qui veut le moins d'Europe ».
" Victoire politique de l’Europe sur elle-même" , le traité modificatif que le Chef de l’Etat français s’obstine à appeler traité simplifié (il est vrai qu'il a fait beaucoup pour le succès de cette appellation) est le signe d’un « ressaisissement » et d’une remise en marche de la construction européenne. Mais s’il permet à l’Union européenne « d’agir et de décider », il ne résout pas la question de ce qu’elle veut être et de ce qu’elle peut apporter. D’où l’idée d’un Comité des sages pour poser la question de l’avenir de l’Union.
Car l’Union européenne se trouve confrontée à de grands défis : crise identitaire et revendication de protection, lutte contre le réchauffement climatique, régulation du capitalisme financier, nécessité d'une politique d'immigration commune.
Comment concilier l’appartenance nationale et l’appartenance européenne ? Comment faire que l’Europe protège les identités nationales qui sont une de ses richesses ? Le grand marché européen ne peut répondre à ces questions, pas plus qu’il ne peut donner aux citoyens le sentiment de protection inhérent à la vie en démocratie. La réponse passe par une promotion de la dimension politique et culturelle de l’Europe, trop longtemps oubliées au profit de l’Europe économique et financière. Mais pour que l'Europe retrouve la confiance des peuples, sans quoi elle ne pourra progresser sur la voie de l'intégration politique, elle doit leur assurer cette protection qu'attendent les citoyens, ce qui implique de restaurer la préférence communautaire dans les relations économiques avec le reste du monde.
Ainsi le libéral (au plan interne) Nicolas Sarkozy plaide-t-il pour la "protection" au plan communautaire, seule échelle à laquelle elle puisse être efficacement assurée dans un monde mondialisé. Protection et non protectionnisme, se défend le Chef de l'etat français : il s'agit tout simplement que l'Europe décide de "réclamer la réciprocité" vis-à-vis de partenaires mondiaux qui, eux, n'hésitent pas à protéger leurs économies. Quant à la concurrence, "l’Europe ne peut pas être seule au monde à en faire une religion". C'est pourquoi, insiste Nicolas Sarkozy, le "traité simplifié" en fait un "moyen et non une fin". Enfin, si l'Europe a fait le choix de l'économie de marché et du capitalisme, "ce choix n’implique pas le laissez-faire absolu et la dérive d’un capitalisme financier qui fait la part belle aux spéculateurs et aux rentiers plutôt qu’aux entrepreneurs et aux travailleurs". L'Europe doit "jouer un rôle dans la nécessaire moralisation du capitalisme financier".
Refondation de la politique agricole commune après 2013, fiscalité écologique, énergies renouvelables, sont les autres thèmes que Nicolas Sarkozy veut voir abordés. Deux dossiers seront privilégiés: celui de la défense et celui de l'immigration. Sur la défense, la question est posée : « comment l’Europe pourrait-elle être indépendante, comment pourrait-elle avoir une influence politique dans le monde, comment pourrait-elle être un facteur de paix et d’équilibre si elle n’était pas capable d’assurer elle-même sa défense ? ». Et la réponse est tout aussi évidente : « cette solidarité (n.d.r : des peuples européens) elle doit s’exprimer dans la défense ». Tout comme dans la politique de l’immigration, autre priorité de Nicolas Sarkozy qui veut renforcer cette politique commune.
Le 13 novembre 2007, devant les eurodéputés, Sarkozy l’Américain comme on l’a souvent appelé avait fait place à Sarkozy l’Européen. "Affaire à suivre" …