Faut-il parler de l’affaire Strauss-Kahn sur ce blog ? A priori non puisque cela n’a pas vraiment de rapport avec le droit communautaire. Mais, comme beaucoup de gens, je lis la presse, je regarde la télévision, j’écoute la radio et je surfe sur internet. Oui, tout cela (je vis dangereusement ;-) ). C’est dire si depuis dimanche, je navigue dans un océan de rumeurs, de vraies fausses infos, de scoops éventés, de théories complotistes fumeuses et d’accusations sans appel de DSK tout aussi fumeuses. Et la moutarde me monte au nez. Vraiment.
Moi qui ne connais pas DSK, qui n’appartiens à aucun parti ou sphère d’initiés journalistique ou autres, je n’ai aucun scoop à délivrer : si vous cherchez cela, lecteur, passez votre chemin. Mais en tant qu’usager(e) des medias et d’internet, j’ai quelques remarques à faire.
Le première est que l’on a bien le droit, il me semble, de faire remarquer que pour le moment on sait peu de choses avec certitude et que l’histoire d’un DSK sortant nu de sa douche pour s’attaquer illico à la femme de ménage entrée dans sa chambre est assez curieuse. Dire que l’événement est tout de même assez difficile à croire (difficile, pas impossible) devrait être possible sans être tout de suite soupçonné(e) de n’avoir aucune compassion pour la victime présumée, et d’être insensible aux souffrances de la classe laborieuse (car j’ai lu des commentaires qui transformaient cette agression sexuelle alléguée en épisode de la lutte des classes...).
Deuxième remarque : si les faits sont vrais, cette histoire révèle qu’il s’agit d’un homme ayant une pathologie, d’un homme esclave de ses pulsions, non ?
Et cela ne s’est jamais su avant ?
Au lieu de cela, on nous amusait avec des histoires de ryad, de porsche et de costumes coûteux. J’admire le sens des priorités de la presse d’investigation !
Certains articles ou livres avaient bien évoqué un « problème » de DSK avec les femmes : par exemple, l’expert en conduite libidineuse strausskahnienne (avec Mélenchon ça ne marche pas) qu’est devenu Jean Quatremer que l’on voit partout expliquer comment en 2007 il avait soulevé la question ce qui lui aurait valu des remontrances – modérées, on n’est pas chez les sauvages – de certains de ses confrères au motif qu’il avait franchi la ligne jaune en évoquant la vie privée d’un homme public. Jean Quatremer y revient d’ailleurs dans son dernier billet sur l’affaire Strauss Kahn. Et cela me rend assez ronchon de lire ce billet et les commentaires qu’il a suscités. Car d’ordinaire, j’apprécie beaucoup le blog de Jean Quatremer. Mais là, j’ai le sentiment de me balader dans Gala ou Voici, ce qui me donne l’impression de m’être égarée.
Car finalement de quoi parle-t-on au juste ? DSK était-il un gros dragueur, insistant à la limite du supportable, ou a-t-il contraint des femmes à des faveurs sexuelles, a-t-il abusé de sa position pour se livrer à du harcèlement, a-t-il agressé, a-t-il tenté d’agresser ? On croit rêver, mais le fait est là : tous les litres d’encre virtuelle déversées depuis dimanche (pour ne prendre que cette date de départ) conduisent à une seule réponse : on n’en sait rien. Tout est rumeurs, bruits de couloir, confidences susurrées entre gens du sérail et rapportées avec un savant mélange de précision et d’allusion (pour échapper à des poursuites). Et c’est sur cette base pour le moins instable que l’on voudrait nous faire croire qu’il aurait fallu que toute la presse ait le « courage » de Jean Quatremer (je rapporte l’appréciation de certains de ses fans énamourés). Je ne suis pas du tout d’accord. Car :
-ou DSK a eu une conduite criminelle et c’était un devoir des medias de nous en informer. Prenons l’exemple de l’écrivaine qui dit avoir subi une tentative de viol de la part de DSK en 2002 et qui aurait renoncé à porter plainte sous la pression de sa mère ( !). Elle en a parlé publiquement. Pourquoi les medias n’ont-ils pas enquêté à l’époque?
-ou tout ceci n’est que cancans sur un homme porté sur le sexe, ce qui en soi n’a rien de répréhensible et est strictement son problème et celui de ses proches et partenaires. Dans cette dernière hypothèse, les medias font bien de ne pas céder aux pratiques anglo-saxones et de respecter la vie privée des personnes publiques dans la mesure où celles-ci ne l’instrumentalisent pas.
Autre remarque : chaque jour, chaque heure, nous avons droit à de nouvelles révélations dont on ne sait pas toujours très bien d’où elles proviennent. Faut-il rappeler que pour le moment, seul le procureur et la police s’expriment ? Du fait des particularités des procédures judiciaires aux Etats-Unis, la défense (DSK et ses avocats) n’a pas encore accès aux charges qui pèsent contre elle. Elle ne les connaîtra que si le grand jury décide que DSK doit être jugé. Difficile dans ces conditions de présenter une défense. D’autant qu’à l’heure actuelle on peut supposer que les avocats sont occupés à enquêter pour réunir les preuves qui pourraient disculper leur client, si elles existent. Par conséquent, la seule chose dont nous puissions être - à peu près - sûrs à cette heure est que toutes les informations distillées s’insèrent dans une stratégie de communication et que dans celle-ci par la force des choses, l’accusation a une longueur d’avance.
Dernière remarque : on s’est beaucoup ému de voir un DSK menotté et pas vraiment à son avantage livré en pâture aux medias. Mais non, ce n’était pas un traitement spécial qui lui a été réservé parce que le proc n’aime pas sa tête, parce qu’il est français, parce qu’il est directeur du FMI et que les américains ne l’ont jamais accepté…et que sais-je encore. Non, il a eu droit à un tel traitement parce que c’est ainsi que cela se passe aux Etats-Unis. Que ceux qui ne l’ont pas lu se plongent dans le roman de Tom Wolfe, « le bûcher des vanités », et ils verront que la façon dont on procède avec DSK rappelle beaucoup les déboires du trader WASP qui en est le héros. Et ce n’est pas de bon augure pour DSK…
Enfin, vous l’aurez peut-être compris : je n’aime pas la chasse et encore moins la chasse à l’homme. Sur ce, à bientôt pour un retour aux questions européennes.
Domaguil