Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • Si un juge viole le droit communautaire, la responsabilité de l'Etat peut être engagée

    Dans une série de notes antérieures consacrées au juge français et au droit communautaire (rubrique "comment ça marche" de ce blog) j'expliquais comment une décision de justice rendue en dernier ressort ne pouvait pas être remise en cause même si elle était contraire à une règle de droit communautaire. Ceci en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée.

     

     

    Mais alors, quid du particulier qui voulait faire valoir les droits qui lui conférait la règle communautaire? Ne lui reste-il plus qu'à repartir son dossier sous le bras, délesté de quelques milliers d'euros d'honoraires d'avocats et frais de procédures divers?

     

     

    Non. Il lui reste encore, s'il n'est pas fatigué de ce marathon judiciaire, un recours contre l'Etat lui-même. Car celui-ci est responsable du préjudice causé à un particulier par une violation du doit communautaire par un juge.

     

     

    C’est ce que vient de rappeler la Cour de justice des Communautés européennes dans un arrêt du 13/06/2006 (affaire C-173/03 , Traghetti del Mediterraneo SpA / Repubblica italiana) . Une entreprise de transport maritime italiennne avait assigné un de ses concurrentes en réparation du préjudice que cette dernière lui aurait causé du fait de sa politique de bas prix sur le marché du cabotage maritime entre l’Italie continentale et les îles de Sardaigne et de Sicile, grâce à l’obtention de subventions publiques. L’entreprise requérante soutenait qu’il s’agissait d’un acte de concurrence déloyale et d’un abus de position dominante, interdit par le traité instituant la Communauté européenne. Or, la Cour suprême de cassation italienne devant laquelle elle avait formé un pourvoi avait rejeté celui-ci, confirmant les jugements des  juridictions de première instance et d’appel. L’entreprise avait alors mis en cause la responsabilité de l’état italien pour interprétation inexacte des règles communautaires par la Cour suprême de cassation et violation par celle-ci de l’obligation de renvoi préjudiciel à la Cour de justice des Communautés européennes.

     

     

    Le tribunal saisi de ce nouveau recours avait préféré surseoir à statuer pour poser deux questions préalables à la Cour de justice des Communautés européennes :

    1. Un état engage-t-il sa responsabilité à l’égard des particuliers en raison des erreurs de ses juges dans l’application ou le défaut d’application du droit communautaire et, notamment, du manquement d’une juridiction de dernier ressort à son obligation de renvoi préjudiciel à la Cour des Communautés prévue par l’article 234 du traité?
    2. En cas de réponse positive à la première question, la responsabilité de l’état peut-elle être écartée s’il existe une réglementation nationale excluant ou limitant cette responsabilité?

     A la première question la Cour répond affirmativement en rappelant un précédent arrêt dans lequel elle a jugé que les états doivent réparer les dommages causés aux particuliers par les violations du droit communautaire lorsque la violation en cause découle d'une décision d'une juridiction statuant en dernier ressort. Ceci à condition que : la règle de droit communautaire violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers, la violation soit manifeste et il qu'existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par les personnes lésées (arrêt Köbler du 30 septembre 2003, aff. C-224/01). Toute législation nationale excluant de manière générale cette responsabilité doit être écartée car elle est contraire au droit communautaire.

    A la seconde question, la Cour répond que le droit national peut bien sûr préciser les critères permettant de définir quel degré ou type de violation du droit est  susceptible d’engager la responsabilité de l’état. Mais elle ajoute que ces critères ne  peuvent conduire à exiger une faute plus grave que celle résultant d’une méconnaissance manifeste du droit (il y a « méconnaissance manifeste », par exemple, lorsqu’il ne fait pas de doute que le juge se trompe sur la portée d’une règle de droit communautaire, notamment au regard de la jurisprudence existante de la Cour européenne en la matière). Si une réglementation conduit en pratique à poser des conditions allant au dela de cette exigence, ceci afin de limiter la responsabilité de l'Etat,  elle ne doit pas être appliquée car elle est contraire au droit communautaire.

    En conclusion, un particulier ayant subi un préjudice par suite d’une décision d’une juridiction qui a manifestement méconnu une disposition  de droit communautaire pourra en demander réparation à l’état, même si une loi nationale prévoit le contraire. A condition bien sur de démonter le dommage résultant de la violation de la règle de droit.

     

  • Entre Traité de Nice et traité constitutionnel, le Conseil européen temporise

    On savait que le Conseil européen des 15 et 16 juin 2006 déciderait de reporter la période d’examen des ratifications du  traité constitutionnel, prolongeant ainsi sa mise en « stand by » et repoussant la décision sur son sort définitif.

     

     

    Le communiqué final du Conseil européen comporte des pistes pour rétablir la confiance des citoyens dans l’Union grâce à des « résultats concrets », mais peu de décisions si ce n’est sur le calendrier du traité constitutionnel.

     

     

    Traité constitutionnel : rendez-vous en 2008

     

    Selon la présidence autrichienne, il existe un consensus entre les états pour estimer qu’on ne pourrait plus davantage travailler avec le traité de Nice. De même les états sont d’accord pour juger que la substance du traité constitutionnel est bonne et devrait être conservée telle quelle. Oui, mais comment faire : là est la question, dirait un illustre auteur. Et quand on ne sait pas, ou que les désaccords sont trop marqués, on s’abstient….car il faut l’unanimité des états pour prendre une décision. Le Conseil a donc décidé, sans surprise, de remettre au lendemain ce que de toute façon il ne pourrait pas faire aujourd’hui et de repousser au deuxième semestre 2008, c’est-à-dire au moment où la France assurera la présidence de l’Union,  la date limite à laquelle il fera le point sur le traité constitutionnel. Dans l’intervalle, la Présidence (allemande) devra présenter, durant le premier semestre 2007, un rapport qui fera une synthèse des discussions menées jusque là et analysera les points de convergence.

     

     

    En définitive, ce sera à la France pays qui a voté non de faire en sorte que les négociations puissent enfin aboutir. Mais que va-t-on renégocier au juste ? Et quel texte obtiendra le vote unanime des 27 membres (Bulgarie et Roumanie incluses)? Sur cette question fondamentale (quel « plan B » ) toujours pas de réponse, si ce n’est celle, très claire du Parlement européen qui, très majoritairement, a refusé l’idée que l’on modifie le traité constitutionnel et fait pression sur le Conseil pour qu’il n’y ait pas d’amputation de celui-ci et que le processus soit terminé en 2009. 

     

     

    Elargissement : l’Union européenne doit pouvoir « absorber » les nouveaux membres

     

     

    Le Conseil fait écho à une revendication du Parlement européen qui avait demandé dans une résolution récente qu’avant tout élargissement on s’assure que l’Union puisse fonctionner et que sa cohésion et son efficacité ne soient pas mises à mal.

     

     

    Tout en rappelant que les engagements déjà pris ne peuvent être remis en cause (formule destinée à rassurer les pays pour lesquels des négociations d’adhésion sont en cours), le Conseil européen décide de débattre en décembre  2006 « sur tous les aspects d'élargissements ultérieurs, y compris la capacité de l'Union d'absorber de nouveaux membres », en tenant compte également de l’opinion des citoyens. Il reste à savoir si la « capacité d’absorption » de l’Union pourrait devenir un critère d'adhésion pour les  élargissements futurs. La France notamment le demande, mais pour le moment, elle n’est pas suivie.

     

     

    « L’Europe à l’œuvre » : pour des « résultats concrets »

     

     

    Le Conseil donne une  liste de domaines d’action à développer. Pour l’essentiel, l’accent est mis sur la politique d’immigration (contrôle des frontières et coopération, visas, accords de réadmission avec les pays tiers, mise en place d'un régime d'asile européen commun) et la lutte contre le terrorisme. Dans un autre domaine, celui de l’énergie, le Conseil demande l’élaboration d’une politique extérieure de l’énergie qui passerait  par un renforcement des partenariats stratégiques avec les principaux pays producteurs, consommateurs et de transit. Des priorités sont définies dans ce cadre dont la conclusion dans les plus brefs délais possibles d’un accord sur l'énergie avec la Russie, premier fournisseur en gaz de l’Union, et l’extension du marché intérieur de l'énergie de l'Union  aux pays voisins.

     

     

    L’anticipation de certaines réformes

     

    Une idée avancée pour sortir de l’impasse actuelle est d’appliquer d’ores et déjà certaines dispositions figurant dans le traité constitutionnel. Ainsi le Parlement européen (soutenu par la Commission)  a-t-il suggéré d’améliorer la transparence au sein du Conseil de ministres, d’étendre la procédure de  codécision au domaine de la justice et des affaires intérieures, d’améliorer le contrôle  parlementaire national et d’introduire une forme d'initiative des citoyens.

     

     

    Le communiqué final ne retient de ces idées que la transparence des travaux législatifs du Conseil. Elle  fait l’objet  d’un certain nombre d’engagements détaillés dans l’annexe 1 du communiqué final du Conseil européen.  

     

  • La Commission propose de renforcer la politique extérieure de l’Union européenne

    Comment renforcer l’action extérieure de l’Union européenne dans le cadre des traités existants ? C’est la question à laquelle tente de répondre la Commission européenne dans un document rendu public le 08/06/2006 («l’Europe dans le monde: propositions pratiques pour améliorer la cohérence, l’efficacité et la visibilité»).

     

    Le document propose :
    • une meilleure planification stratégique: au niveau interne, la Commission renforcera le rôle du groupe des commissaires «Relations extérieures» et le Haut représentant de l'Union européenne  pour la politique extérieure sera associé à son travail. Tous les six mois, le nouveau président du Conseil européen en exercice et le ministre des affaires étrangères, le président de la Commission, le commissaire chargé des relations extérieures et le Haut représentant devraient se réunir de manière informelle et débattre des intérêts de la planification stratégique ;
    • un renforcement de la coopération entre la Commission et le secrétariat du Conseil ;
    • le développement des échanges de personnel avec les services diplomatiques des États membres et le personnel du secrétariat du Conseil . la Commission propose que les états  ouvrent  l’accès à des programmes de formation diplomatique nationaux au personnel des institutions de l'Union européenne et que celle-ci fassent de même pour les personnels nationaux. 

       

    Ces propositions ont pour conséquence de conforter le rôle de la Commission dans le domaine diplomatique au détriment du Haut  représentant de l’Union européenne pour la politique extérieure (dont le traité constitutionnel faisait le ministre des affaires étrangères de l’Union). De façon significative, elles doivent être présentées aux états lors du Sommet européen qui devra décider de l’avenir du traité constitutionnel. A l’évidence la « panne » de celui-ci n’a pas coupé les ailes à la Commission. Bien au contraire, elle semble décidée à profiter de l’absence de projet alternatif pour, sous prétexte de donner un élan à l’Union enlisée, se tailler une nouvelle place au sein des institutions européennes. C’est là une des suites, plutôt paradoxale, des non français et néerlandais.  

     

  • La Commission européenne enquête sur le livret A et le livret bleu

    Diverses banques françaises ont saisi la Commission européenne d'une plainte pour atteinte à la concurrence du fait du droit spécial détenu par la Poste de distribuer le livret A, compte d’épargne dont les intérêts sont exonérés d’impôt. Sont également mis en cause les compensations et droits spéciaux octroyés par l’état français à différents organismes  (Crédit Mutuel , La Poste, Caisses d’Epargne) qui distribuent le livret bleu , produit bénéficiant également d’une fiscalité avantageuse, afin d’attirer l’épargne qui permettra de financer notamment le logement social. La Poste, les Caisses d’Epargne et le Crédit Mutuel transfèrent les sommes collectées à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) qui leur verse une commission en contrepartie.

     

     

    Trois français sur quatre possèderaient ce type de placement, ce qui explique l’intérêt des banques pour ces produits qu’elles voudraient bien pouvoir distribuer, d’autant plus qu’ils jouent un rôle de produit d’appel permettant de  distribuer des placements plus sophistiqués comme les SICAV sur lesquels les marges sont plus importantes.

     

     

    La Commission européenne doit élucider deux questions : ces droits spéciaux qui confèrent un monopole aux organismes en question ne constituent-ils pas des obstacles à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services garanties par les articles 43 et 49 du traité instituant la Communauté européenne ?.Les compensations qui procurent aux organismes en cause un avantage concurrentiel par rapport aux banques, ne sont-elles pas des aides interdites par les règles du droit communautaire de la concurrence ?

     

    Pour répondre à ces questions, la Commission européenne a adressé à la France le 7/06/2006, deux décisions concernant les conditions de distribution des  livrets A et bleu.

     

    La première ouvre une enquête pour déterminer si  la compensation par l’état du service rendu par le Crédit Mutuel de 1991 à 2005 pourrait être exagérée (au delà des charges réelles occasionnées par la distribution du livret bleu)  et donc être contraire  à l’article 87 du traité qui interdit les aides faussant la concurrence.

     

     

     Les autorités françaises vont devoir s’expliquer auprès des services de la Commission. En cas d’aide illégale avérée, celle-ci devrait être remboursée par le Crédit Mutuel. Par cette procédure la Commission revient à la charge dans un dossier ancien : en 2002, elle avait ordonné au Crédit mutuel de rembourser 164 millions d’euros d’aides illégales, décision annulée par la suite par le Tribunal de Première Instance  des Communautés européennes pour défaut de motivation (TPI, 18/01/2005, aff.T-93/02, Confédération nationale du Crédit mutuel et république françaises c/ Commission européenne).

     

    La seconde procédure est le départ d’une procédure d’infraction relative aux droits spéciaux accordés pour les livrets A et bleu qui pourraient être contraires aux articles 43 et 49 du traité sur la Communauté européenne. La Commission considère que ces droits spéciaux en créant un monopole au bénéfice de quelques organismes « rendent moins attractifs une implantation en France pour offrir des produits d’épargne liquide aux particuliers et … empêchent des établissements de crédits d’autres Etats membres de proposer ce service à leurs clients et d’être rémunérés en contrepartie par la CDC ».

     

    Des motifs d’intérêt général pourraient justifier ces restrictions aux libertés d’établissement et de prestation de services, mais la Commission doute qu’ils existent en l’occurrence car les droits spéciaux apparaissent bien supérieurs aux frais engendrés par la gestion et la distribution des livrets A et bleu. Dès lors, les droits spéciaux ne se justifient pas, observe la Commission, puisqu’ils « ne paraissent nécessaires ni à la préservation de leurs caractéristiques pour les particuliers, ni à l’objectif de financement du logement social ». Il s’agira certainement d’un des points débattus entre la Commission et les autorités françaises.  Celles-ci ont deux mois pour répondre aux demandes d’explication de la Commission. Les banques plaignantes seront également entendues.

     

     

    La procédure engagée pourrait avoir des conséquences néfastes pour la Banque Postale qui n’a pas les « reins assez solides » pour voir amputée la manne que représentent les commissions sur la collecte des livrets si le monopole était condamné et que d’autres opérateurs venaient lui faire concurrence.

     

    En revanche, les particuliers ne seraient pas affectés par une éventuelle décision d’infraction de la Commission . Ce qui est en cause dans ce dossier c’est la possibilité pour d’autres établissements de distribuer les livrets A et le livret bleu, non de supprimer ceux-ci ni de modifier les avantages que les épargnants peuvent en retirer.