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Régulation/ Gouvernance économique - Page 3

  • Sus aux banquiers!

     

    Il suffit que je m'absente et voila qu'il se passe des choses passionantes du côté de la Commission européenne, qui, au train où vont les choses, va virer au rouge vermillon.

    Dans un article antérieur, je racontais comment cet aéropage de mages libéraux redécouvrait les vertus de la régulation . Car l'autorégulation et les codes de bonne conduite si longtemps prônés, cela ne marche pas, figurez-vous, surtout quand des intérêts financiers puissants sont en jeu. Et la Commission n'en finit pas de faire d'émouvantes découvertes. A la suite du scandale du Libor (des banques ont manipulé des taux d’intérêt interbancaires à leurs propres fins), celle du jour est que décidément, on ne peut faire confiance à personne et pas aux banquiers.

    Dans un discours au Parlement européen, le 09/07, Michel Barnier, commissaire au marché intérieur s'est emporté contre des "comportements scandaleux" (il a été plus virulent en conférence de presse en qualifiant les manipulations d’indice comme le Libor et l’Euribor de "trahison" ) et annoncé un durcissement des textes européens (par exemple, la directive sur les manipulations de marché ) pour sanctionner pénalement les abus.

    Le site d'organisation de campagnes en ligne avaaz vient de lancer une pétition pour appuyer les réformes de la Commission européenne, dont le titre est tout un programme: Mettez les banquiers derrière les barreaux!

    La torpeur estivale n'est plus ce qu'elle était.

    Domaguil

  • Décisions du Conseil de la zone euro

     

    Annoncé ou plutôt, trompetté, comme étant le énième Conseil de la dernière chance, le Conseil européen a commencé ses travaux hier avec un sommet des états de la zone euro. Après une nuit de négociations, une déclaration rendue publique ce matin nous donne les premiers résultats de réflexions que l'on suppose intenses et de discussions que l'on sait avoir été âpres.

    Qu'annonce le communiqué de la zone euro?

    Tout d'abord, l'union bancaire européenne est officiellement mise sur les rails pour "briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les États" (des états endettés viennent au secours des banques aggravant ainsi leur endettement et ensuite doivent emprunter auprès d'elles). Pour aller plus loin dans l'union, la Commission devra faire rapidement des propositions créant un mécanisme de surveillance à l'échelle européenne, notamment, pour faire échec à la partialité dont sont soupçonnés les superviseurs nationaux quand il s'agit de contrôler "leurs" banques. Le Conseil devra examiner ces propositions "d'urgence d'ici la fin de 2012". La banque centrale européenne jouera un rôle dans ce mécanisme de surveillance unique, qui reste à préciser. Lorsque ce mécanisme aura été créé, les banques de la zone euro pourront se recapitaler, sous conditions, directement auprès du Mécanisme européen de stabilité (il y aura donc une mutualisation de l'aide à la recapitalisation des banques entre les différents états qui contribuent au capital du MES et ainsi, la dette nationale sera moins alourdie).

    Ensuite, les états de la zone euro s'engagent à utiliser rapidement et efficacement les fonds de secours (FESF puis MES lorsque celui-ci entrera en vigueur) pour acheter la dette d'état des pays subissant des taux d'intérêt élevés bien qu'ils se montrent "vertueux" en respectant les recommandations et les autres engagements pris dans le cadre des différentes procédures communautaires de gouvernance économique et budgétaire (semestre européen, pacte de stabilité et de croissance et procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques).

    Apparemment, les négociations ont été "musclées" car l'Italie et l'Espagne ont fait de ces décisions une condition préalable à leur accord aux mesures pour la croissance prévues pour contrebalancer les plans de rigueur, et ont menacé de bloquer les négociations. Les deux pays sont en effet très pénalisés car ils doivent emprunter à des taux prohibitifs, les marchés ne tenant pas compte des réformes drastiques qu'ils ont engagées pour, précisément, remettre en ordre leurs finances. Estimant qu'elles remplissent les conditions posées par leurs partenaires européens pour assainir leurs finances, l'Italie et l'Espagne leur ont donc demandé d'être solidaires et de les soutenir, et l'ont obtenu.

    Non repris dans le communiqué, le pacte pour la croissance demandé par la France a été adopté. Il prévoit de mobiliser les fonds structurels et la banque européenne d'investissement. Pour les premiers, il s'agit de crédits déja votés mais qui n'ont pas été utilisés (donc, pas de ressources nouvelles). En revanche, la nouveauté est l'augmentation de la capacité de prêt de la BEI. Enfin, des emprunts communautaires seront lancés pour financer de grands projets d'intérêt communautaire. Au total 120 à 130 milliards d'euros environ seraient ainsi mobilisés, ce qui représente 1% du PIB de l'Union, ce que d'aucuns estiment déja très insuffisant. Un économiste comme Jacques Sapir explique par exemple sur RMC ce matin que le Conseil a simplement colmaté une brèche (comme il le fait depuis le début de la crise), et que le cercle vicieux demeure: la zone euro va se trouver dans une situation de récession, du fait de l'absence de croissance, voire du recul de l'activié, entrainant une baisse des recettes fiscales et donc une aggravation de la dette publique. Et ce n'est pas la politique d'austérité résultant des mécanismes décidés au niveau européen qui rompra ce cercle vicieux, car elle ne fera qu'ajouter de la crise à la crise, conclut-il.

    C'est pourquoi, le débat aujourd'hui porte plus largement sur le futur de la construction communautaire et remet à l'ordre du jour la question, paraît-il taboue, du fédéralisme. Encore faut-il savoir quel est le contenu et la portée que l'on veut donner à ce terme.

    Domaguil

     

  • Union économique et monétaire: le chantier continue

     

    Les pays du G20 réuni à Los Cabos (Mexique) les 18 et 19 juin 2012 ont accouché d'un communiqué fleuve pétri de bonnes intentions pour relancer la croissance et l'emploi et abordant des sujets variés comme l'accès des plus défavorisés à un compte en banque, la transparence sur les marchés financiers de produits dérivés, l'agriculture face au changement climatique, l'emploi des femmes.. .

    Sur la sellette, la zone euro se voit consacrer une série de paragraphes destinés à convaincre de la volonté des dirigeants européens de résoudre la crise de la dette souveraine et de prendre les mesures qui s'imposent pour cela en "complétant l'union économique et monétaire". Parmi les mesures prévues: une réforme du système bancaire qui brisera la "boucle de retroaction" entre les états souverains et les banques, qui conduit les premiers à aller à la rescousse des secondes pour les recapitaliser à grands frais, avec pour conséquence, une aggravation des déficits publics ("romper la retroalimentación entre los soberanos y los bancos" dit le communiqué, en espagnol, qui insiste en réitérant cet engagement à deux reprises (point 6 et 11).

    Comment? Par une intégration du secteur bancaire à l'échelle européenne aussi appelé union bancaire européenne. Cela "tombe bien": la Commission européenne vient justement de prendre l'heureuse initiative d'en lancer les bases dans une proposition de directive du 06/06/2012!

    Dans la course de la zone euro à la recherche d'une partition permettant de mettre fin à la cacophonie et de parachever cette union économique et monétaire abandonnée imprudemment en chantier, il semblerait que d'autres pas vont être franchis et seront annoncés lors du prochain conseil européen des 27 et 28 juin prochains.

    On sait que la France a présenté ses propositions dans un document intitulé "Pacte pour la croissance de l'Europe", remis le 14 à ses partenaires européens. Il s'agit des propositions qu'avait défendues François Hollande avant son élection et exposées, après celle-ci, celle ci lors d'une conférence de presse à la suite du Conseil européen.

    Mais on sait aussi que certaines de ses propositions sont refusées par d'autres pays et en particulier l'Allemagne (la mutualisation de la dette par exemple). Plus fondamentalement, la question de l'évolution fédérale de l'Union européenne reste un sujet de désaccord, même si les positions semblent se rapprocher sous les coups de boutoir de la crise.

    Donc, à quoi peut-on s'attendre?

    On croit savoir qu'il existe un large accord entre les états sur certaines questions: augmentation de la capacité d'emrunt de la Banque européene d'investissement, mobilisation des crédits des fonds structurels non utilisés, et emprunts obligataires européens pour financer des projets d'intérêt communautaire. Une taxe sur les transactions financières pourrait voir le jour en recourrant à une coopération renforcée qui permettrait de contourner l'oposition de certains pays et en en particulier du Royaume-Uni. Le mécanisme européen de stabilité pourrait être utilisé pour prêter aux banques et, on l'a vu, l'union bancaire semble sur les rails.

    Pour tenter de rallier l'Allemagne à la proposition de mutualiser la dette l'option d'une mutualisation partielle (une des options examinées depuis des mois au niveau européen) est à nouveau mise en avant.

    Rendez-vous, donc, au prochain Conseil européen.

    Domaguil

  • Remue méninges à la Commission européenne



    Je l'ai déja évoqué sur ce blog: un des effets collatéraux  de la crise que traversent les pays de la zone euro est d'amener la Commission européenne à se livrer à de douloureuses (?) remises en cause. On la sait majoritairement acquise aux idées libérales (voire ultralibérales) et voila qu'elle défend depuis quelques temps déja, des positions étonnantes et prend des initiatives inhabituelles.

    La crise lui ferait-elle manger son chapeau?

    Quelques exemples de cette évolution:

    Service aux clients des banques: l'autorégulation ne marche pas, constate-t-elle. Tiens tiens...

    Une étude publiée le 24/02/2012 par la Commission européenne révèle que changer de compte bancaire est toujours difficile pour un client car il se heurte à des obstacles multiples. De sorte que les clients découragés restent "captifs" de leur banque. Et ceci malgré les engagements pris par les banques qui avaient juré "croix de bois de fer" qu'elles allaient s'autoréguler afin d'informer les clients sur leurs droits et de leur faciliter les démarches. Mais d'autorégulation, point (ce qui était assez prévisible). La Commission, du coup, n'exclut plus de prendre des mesures plus contraignantes, et remet en cause le dogme qui veut que l'autorégulation soit, de toute façons, préférable à la réglementation. 

    Commerce international: il faut que les pays tiers respectent l’équité et la réciprocité des échanges mondiaux. Tiens tiens...

    Dans un communiqué du 21-03-12, la Commission européenne propose d'en finir avec les obstacles que rencontrent les entreprises de l'UE  pour obtenir des marchés publics internationaux.  Alors que  l'UE ouvre largement l'accès à ses marchés publics aux entreprises des pays tiers, la réciproque n'est pas vraie et des restrictions sont appliquée par les pays tiers dans des secteurs dans lesquels précisément l’UE est très compétitive (construction, les transports publics, les appareils médicaux, la production d’électricité et les produits pharmaceutiques). Bref, l'heure n'est plus à la faiblesse (à la "naïveté", dit le commissaire au marché intérieur dans le communiqué) et la Commission propose de rétablir l'égalité avec les sociétés étrangères au sein du marché intérieur. Les mesures proposées par la Commission doivent permettre à l'Union européenne d'exercer, dans les négociations internationales et avec les autres pays, une plus grande pression afin que ceux-ci ouvrent leurs marchés publics aux entreprises européennes, y compris, si besoin, en restreignant l'accès des entreprises de pays tiers à la commande publique européenne. 

    Taxe sur les transactions financières: la Commission européenne s'est ralliée à l'idée de créer une taxe européenne sur les transactions financières dans une proposition de directive présentée le 28/09/2011. Tiens tiens...

    Elle explique qu'il faut «garantir que le secteur financier, qui a joué un rôle à l'origine de la crise financière, apporte une contribution équitable alors même que les États membres procèdent à l'assainissement des finances publiques. Ce sont les gouvernements et les Européens dans leur ensemble qui ont pris en charge les coûts élevés des renflouements du secteur financier sur fonds publics. Ce secteur est par ailleurs actuellement moins lourdement taxé que d'autres. La taxe proposée génèrerait de nouvelles recettes fiscales considérables prélevées sur le secteur financier pour contribuer aux finances publiques». On croirait lire un communiqué d'attac.

    Communication sur la reprise génératrice d'emplois: il faut un salaire minimum  européen. Tiens tiens... 

    La communication présentée le 18/04/2012 par la Commission affirme que la reprise économique passe, par exemple, par une réforme des marchés du travail et, dans ce cadre, il faut "garantir des rémunérations décentes et viables et éviter les pièges des bas salaires" (p.10). Et la Commission poursuit: " La fixation de salaires minimaux adaptés peut aider à prévenir une augmentation du nombre de travailleurs pauvres  et est importante pour garantir la qualité d’emplois décents". C'est clairement une pierre dans le jardin de l'Allemagne dont les salaires minima sont jugés trop bas.
    La Commission ne va pas cependant jusqu'à défendre un SMIC transectoriel  comme celui qui est appliqué en France mais estime que "les minimums salariaux doivent pouvoir être ajustés suffisamment, en concertation avec les partenaires sociaux, pour refléter l’évolution de la conjoncture économique générale". Des "salaires différenciés" (en fonction des secteurs, peut-on penser, quoique la Commission ne le précise pas) "peuvent" être un moyen. 

    La communication de la Commission n'a aucune valeur contraignante. Elle y expose seulement un point de vue et annonce d'éventuelles propositions législatives ou autres. Mais en ce qui concerne le salaire minimum, elle s'abstient d'annoncer de telles mesures, car l'Union européenne n'a pas de compétence en la matière.

    A supposer que les états, seuls compétents, se mettent d'accord (il faudrait un vote à l'unanimité) pour décider la création d'un salaire minimum européen, cela ne se ferait que par la voie du rapprochement des législations et non de l'harmonisation. En d'autres termes, les pays se mettraient d'accord sur des règles communes minimales que tous devraient appliquer. Ce qui n'empêcherait pas chaque état ensuite, d'appliquer des règles plus protectrices des salariés s'il le souhaitait. En aucun cas, donc, la France ne peut être contrainte de renoncer au SMIC tel qu'il s'applique chez nous. La Commission ne peut pas l'y obliger, pas plus que les autres états. Seuls le gouvernement et le parlement français sont compétents pour décider de revenir sur cet acquis social et ce n'est pas à l'ordre du jour. L'idée d'un salaire minimum européen exposée par la Commission ne menace donc pas le SMIC français. En revanche, et c'est pourquoi c'est un progrès, elle alimente un débat nécessaire pour combattre le dumping social intra communautaire.

    Mais...comme en France la campagne électorale bat son plein et que certains n'hésitent pas à instrumentaliser l'Union européenne pour gagner des voix en mentant au besoin, l'idée de créer un salaire minimum dans tous les pays membres est devenue, grâce à un étrange tour de passe-passe, une ruse machiavélique de la diabolique Commission acharnée à notre perte.   
    Donc, M Le Pen est montée sur ses grands chevaux en accusant la Commission de vouloir l'explosion du salaire minimum unique français, et a dénoncé des mesures ultralibérales, selon la rengaine à présent bien rodée. Et JL Mélenchon, contrarié de voir que son bouc émissaire de prédilection rend ineptes ses invectives, a accusé la Commission de "prendre un masque d’agneau pour faire le loup"  et surenchéri dans le commentaire lapidaire en dénonçant sa proposition: "Sous prétexte de suggérer des Smic 'pas trop bas', elle imagine de créer des Smic à géométrie variable suivant les branches d'activité. Autant dire +plus de Smic du tout+ et une législation sociale éclatée organisant la concurrence entre eux de tous les travailleurs" (Un SMIC européen par branche d’activité = plus de SMIC du tout ! Communiqué du 16/04/2012). 
    Ben voyons! Dans la course des démagogues, JL Mélenchon et M Le Pen sont décidément partis avec une longueur d'avance.

    Pour sa part, la Confédération européenne des syndicats ne s'y est pas trompée (il est vrai qu'elle n'a pas de raisons de raconter n'importe quoi, contrairement à nos peu scrupuleux prétendants au trône). Si elle dénonce justement d'autres points plus criticables de la communication de la Commission (la flexicurité combinée à des politiques d'austérité), elle juge, par contre, que l'augmentation des salaires minima est une des propositions positives qu'elle contient.  

    Domaguil