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Droit communautaire - Page 5

  • Les malheurs de SWIFT

     

    Deuxième épisode de « Big brother is watching you » : après avoir épluché  les informations personnelles des passagers aériens, voici comment l’administration  américaine met le nez dans nos opérations bancaires.

     

    Imaginez une société basée en Belgique,  prospérant avec discrétion dans le monde feutré des banques à qui elle fournit des services de messagerie sécurisés grâce auxquels elles peuvent échanger ordres de paiement et informations par delà les frontières. 7800 banques dont un grand nombre de banques centrales de plus de 200 pays recourent à ses services et lui font confiance. Pour justifier cette confiance, cette société, SWIFT, sauvegarde consciencieusement les messages sur un site miroir dont le serveur est situé aux Etats-Unis.

     

     

    Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes financier…jusqu’au jour où, l’administration Bush qui s’est engagée dans une lutte sans merci contre les terroristes réels et supposés, s’avise du trésor inexploité que constitue la mine d’informations détenue par SWIFT. Qui sait si derrière certaines des millions de transactions financières transitant par les tuyaux de SWIFT ne se cachent pas des émules de Ben Laden ? Un beau matin, les services du Trésor américain mettent le marché sur la table de SWIFT : « ou tu  nous laisses jeter un œil sur tes données ou tu écopes d’amendes record et en prime tu fais connaissance avec nos prisons » (le tutoiement est une licence destinée à suggérer que nous sommes dans un monde où la diplomatie n’est pas de mise).

     

     

    SWIFT ne sait que faire. Elle n’est pas vraiment tentée par la perspective de voir amputer sa cagnotte. Encore moins par celle d’aller faire un tour par la case prison. Mais, d’autre part, ce qui lui est demandé est-il bien régulier ? Si elle obéit aux injonctions américaines ne viole-t-elle pas les droit belge et communautaire ? Pas sûr que les règles de protection de la vie privée en Europe s’accommodent des méthodes expéditives adoptées outre Atlantique depuis le 11 septembre. Bref, SWIFT ne sait plus à quel droit se vouer.

     

     

    Dans son désarroi, elle se tourne vers le comité de supervision qui contrôle ses activités selon ses statuts. Les éminences qui en sont membres, présidents de banques centrales, comme la Banque nationale de Belgique ou la Banque centrale européenne, sauront sans doute ce qu’il convient de faire. Hélas ! Le comité veut bien superviser le bon fonctionnement des tuyaux mais pas s’occuper de l’imbroglio juridique dans lequel est plongée SWIFT. Pas de mon ressort, dit la BCE, par exemple. Et SWIFT se voit priée de se débrouiller tandis que BCE et Banque nationale belge regardent ailleurs, appliquant les trois préceptes de la sagesse : ne rien dire, ne rien entendre, ne rien voir.

     

     

    Il reste un recours à SWIFT : les juristes. Elle prend conseil : si elle obéit aux américains viole-t-elle la loi belge et le droit communautaire ? Mais non, lui répond-on benoîtement.

     

     

    Ainsi rassurée, SWIFT peut se lancer dans une loyale coopération avec les services américains et laisser les hérauts du monde libre fouiner dans des  renseignements concernant des centaines de milliers d'européens.

    Sans trop d’états d’âme…du moins tant que l’affaire n’apparaît pas au grand jour. Mais c’est compter sans le 4ème pouvoir qui quelquefois joue son rôle. En juin 2006, le pot aux roses est révélé par des journaux américains, SWIFT sommée de s’expliquer, la BCE et la Banque nationale de Belgique tirées de leur torpeur, et le Parlement européen monte aux créneaux en organisant une audition publique le 4 octobre pour tenter d’y voir plus clair.

     

     

    Devant les députés, SWIFT n’en mène pas large : la voilà soupçonnée, alors qu’elle pensait être tranquille, d’avoir violé les règles communautaires sur la protection des données personnelles.  Le Président de la BCE est lui-même quelque peu malmené (sacrilège) par des députés lourdement insistants.

     

     

    La Commission européenne fait la tête aussi. Il faut dire qu’elle a apparemment tout appris par la presse : ça fait négligé.

     

     

    Mais le plus remonté, c’est le Contrôleur européen pour la protection des données, un petit nouveau dans la nébuleuse des divers organismes européens et qui ne perd pas une occasion de se faire remarquer, avec la fougue des débutants. Le voilà qui s’en prend à l’auguste BCE à qui il reproche de n’avoir prévenu ni les états, ni les institutions européennes, au mépris de son devoir « moral » (oui, oui, il parle de morale le Contrôleur, c’est rafraîchissant). Il faut dire que la BCE n’a pas arrangé son cas en continuant à utiliser SWIFT après qu’elle ait appris que l’administration américaine surveillaient les transactions, qui est tout de même le comble de la distraction.

     

     

    Pour le moment, on est là. Une fois de plus, les américains ont réussi à mettre une belle pagaïe entre les européens qui ne savent pas trop quelle conduite tenir, faute d’avoir les moyens de riposter efficacement aux mauvaises manières de l’administration Bush.

     

     

    Mais après tout, est-ce si important diront certains. Nous sommes « en guerre contre le terrorisme », on nous le répète bien assez, cela justifie bien quelques petits sacrifices. Et de bonnes âmes d’ajouter que ceux qui n’ont rien à cacher n’ont rien à craindre.

     

     

    A cela je répondrai tout d’abord que ce n’est pas sûr : certains individus et corps de métiers, appliquent une présomption de culpabilité et non d’innocence (par exemple, allez expliquer à un CRS en pleine action que : non, vous ne manifestiez pas mais faisiez votre shopping).

     

     

    Et en deuxième lieu, je dirai que le problème n’est pas là, mais dans le fait que des autorités étrangères s’arrogent le droit de consulter des informations privées en vertu de lois mettant en œuvre des options politiques sur lesquelles je n’ai pas eu mon mot à dire n’étant pas de leurs ressortissants, quelquefois à mon insu, sans que je sache quelle utilisation exacte va en être faite, et combien de temps elles vont être conservées.

     Cela se passe tous les jours et dans bien des domaines ? Ce n’est pas une raison pour s’accommoder de ce grignotage continu de nos droits de citoyens.

     

    Domaguil

     

    NB: Pour plus de détails sur l'affaire SWIFT, voir l'article sur le site eurogersinfo

     

     

     

  • La Poste confrontée au droit communautaire de la concurrence

    Après avoir donné, en décembre dernier,  son aval à la création de la Banque postale, filiale financière de la Poste, la Commission européenne s’était empressée de préciser que cette approbation ne couvrait pas  le droit spécial détenu par la Poste de distribuer le livret A (compte d’épargne dont les intérêts sont exonérés d’impôt),  ni la garantie illimitée de l'Etat dont elle bénéficie ni, enfin, les régimes sociaux des personnels de La Poste mis à disposition de la Banque Postale. Tous ces points devaient faire l’objet d’un examen approfondi afin de vérifier s’ils sont compatibles avec les règles du droit communautaire de la concurrence. Il faut dire que la Commission européenne est assaillie de plaintes des banques françaises qui dénoncent les avantages dont bénéficie la Banque Postale au motif qu’ils faussent  la concurrence entre établissements bancaires en Europe. Et, comme par ailleurs, la Commission n’est pas précisément une adepte de l’interventionnisme étatique, lui préférant la libéralisation la plus large possible des activités économiques, elle a commencé des enquêtes qui promettent quelques soucis à la Banque postale et à La Poste.

    Premier dans le collimateur :  le livret A qui fait depuis le 7 juin 2006 l’objet d’une enquête.  

    Deuxième sur la liste: la garantie illimitée, dont la Commission européenne recommande la disparition avant la fin 2008 dans un communiqué du 4 octobre 2006.

    Ce qui signifie qu’une procédure d’enquête, et d’infraction, pourrait être ensuite lancée si aucun accord n’était trouvé avec le gouvernement français.

    Le problème, récurrent, est celui de la compatibilité des établissements publics français avec les règles communautaires du droit de la concurrence. Les établissements publics sont présents dans différents secteurs d’activité. Ce sont des structures chargées de remplir une mission d’intérêt général, dotées d’une certaine autonomie financière et administrative et soumises à la tutelle de l’Etat. Certains, les Etablissement publics industriels et commerciaux (EPIC) se trouvent du fait de leur domaine d’activité en concurrence avec des entreprises privées, mais, et c’est là que le bât blesse aux yeux de la Commission, avec des privilèges associés à leur statut de droit public. Ils ne sont pas tenus aux règles applicables aux entreprises privées en cas de faillite ou d'insolvabilité et l’Etat est le garant en dernier ressort de leurs dettes (la fameuse garantie illimitée qui chagrine tant la Commission). 

    Or l’article 87 du Traité instituant les Communautés européennes dispose que « sauf dérogation prévue au présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». Les aides d'Etat doivent donc passer sous les fourches caudines de la Commission qui s’assure qu’elles ne constituent pas un avantage compétitif et qu’elle respectent les règles posées par la directive 80/723 du 25 juin 1980 sur la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques, et par la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes.

    Cependant, toutes  les aides d’Etat ne sont pas forcément jugées incompatibles avec le droit communautaire. Celles qui sont destinées à des entreprises chargées de la gestion d'un service d'intérêt économique général sont autorisées (article 86 alinéa 2  du traité instituant la Communauté européenne) , si elles permettent l'accomplissement de cette mission particulière et qu'elles sont exclusivement consacrées à compenser les surcoûts qui en résultent. Ce qui a conduit notamment  la Commission à admettre, dans une décision confirmée ensuite  par la Cour de Justice des Communautés Européennes (ordonnance du 25 mars 1998, aff. C-174/97 FFSA c. Commission), que les allègements fiscaux dont bénéficiait La Poste étaient conformes au droit communautaire car ils n'allaient pas au-delà de ce qui était strictement nécessaire pour permettre d'assurer le service d'intérêt général qui lui était confié.

    La question est de savoir si elle appliquerait le même raisonnement à la garantie illimitée. Un rappel de décisions récentes de la Commission peut donner des éléments de réponse. En 2002, elle a demandé et obtenu la suppression de la garantie illimitée dont bénéficiait EDF  (qui était encore un EPIC à l’époque). Un an avant, elle s’était attaquée, également avec succès,  au système de garantie illimitée dont bénéficiaient les banques publiques  allemandes de la part de l’Etat fédéral et des Länder.  Dans les deux cas, l’analyse de la Commission était  identique: une garantie qui n’est limitée ni dans le temps ni quant à son montant est une aide d’Etat illégale au sens de l’article 87 , car  elle mobilise des ressources publiques, elle favorise certains groupes d'entreprises en leur permettant d’obtenir des crédits dans des conditions plus favorables (en empruntant à des taux préférentiels), elle fausse donc la concurrence et affecte les échanges communautaires.

    Par exemple, s’agissant de la garantie illimitée dont bénéficiait EDF, la Commission avait estimé qu’elle était disproportionnée car trop générale (elle couvrait toutes les activités d’EDF, c’est-à-dire également celles exercées sur des marchés ouverts à la concurrence, alors qu’elle aurait du être limitée aux activités relevant de la mission de service public) et d’être illimitée dans le temps (voir par exemple le Bulletin de l’Union européenne, 10-2002, point 1.3.52).

    Il faut donc conclure de cette explication qu’une garantie d’Etat n’ayant pas ces caractères serait jugée conforme au droit communautaire de la concurrence.

     Domaguil                

     

  • Le droit communautaire de la concurrence fait tanguer la SNCM

    La Société Nationale Corse-Méditerranée (SNCM) est dans le collimateur de la Commission européenne depuis le 19/08/2002 date à laquelle l’exécutif européen a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les subventions publiques qui lui ont été versées.

     

     

    La SNCM est une compagnie maritime dont le capital a été public (détenu par l’état par l’intermédiaire de la Compagnie générale maritime et financière et par la SNCF) jusqu’à sa privatisation partielle devenue effective fin mai 2006. Elle assure la liaison entre la Corse et le continent dans le cadre d’obligations de service public destinées à assurer la continuité territoriale.  Depuis l’entrée en vigueur du  règlement européen 2577/92 qui étend au cabotage la libre prestation de services de transport maritime, elle est confrontée à la concurrence d’autres compagnies, alors qu’elle était auparavant en situation de monopole.

     

     

    En décembre 2001, le gouvernement français a notifié à la Commission européenne une aide au sauvetage de la SNCM, celle-ci étant confrontée à d’importants problèmes financiers mettant en danger sa survie, selon les autorités françaises, en raison de ses sujétions de service public. Les aides publiques sont en principe interdites par le droit communautaire car elles faussent la concurrence. Mais certaines d’entre elles peuvent être autorisées et il en est ainsi des aides à la restructuration des entreprises en difficulté connaissant des difficultés sociales graves. La Commission a édicté des lignes directrices précisant les conditions auxquelles ces aides doivent se conformer pour être compatibles avec le droit communautaire. Il lui fallait donc déterminer si ces conditions étaient remplies par l’aide attribuée à la SNCM.

     

     

    Finalement, l’enquête d’était achevée, le 9 juillet 2003, par une décision de la Commission européenne favorable à la SNCM, puisque la Commission avait estimé que l’aide de 66 millions d’euros octroyée pour la restructuration de la SNCM était compatible avec le droit communautaire et donc autorisée. Bien plus, une tranche complémentaire de 3,3 millions d’euros était approuvée le 16/03/2005.

     

     

    Mais dans un arrêt du 15/06/2005, le tribunal de première Instance a joué les empêcheurs de subventionner en rond, en annulant la décision de la Commission (15/06/2006, aff.T-349/03, Corsica Ferries France SAS c. Commission des Communautés européennes).

     

     

     Le tribunal avait été saisi par Corsica Ferries, un concurrent de la SNCM qui s’estimait lésé par le traitement privilégié dont avait joui cette dernière et qui  demandait au tribunal l’annulation de la décision de la Commission laquelle dans cette affaire était soutenue, de façon prévisible,  par l’état français et la SNCM.  Examinant la décision de la Commission, le TPI avait estimé qu’il y avait une erreur manifeste d’appréciation dans le calcul des contributions de la SNCM. Autrement dit, selon le tribunal,  la Commission avait été trop généreuse dans l’estimation des aides autorisées compensant les obligations de service public en négligeant les plus values réalisées par la SNCM lors de la vente d’actifs. Selon le tribunal : « En effet, dès lors que la Commission a constaté, s’agissant de la cession des actifs navals, l’existence d’une plus-value, en termes de produit net de cession, par rapport à l’évaluation de 21 millions d’euros retenue par le plan de restructuration et, s’agissant de la cession des actifs immobiliers, l’existence d’un produit net de cession de 12 millions d’euros, elle ne pouvait pas, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, retenir uniquement, pour la détermination du caractère minimal de l’aide au considérant 328 de la décision attaquée, l’évaluation de 21 millions d’euros prévue par le plan de restructuration pour la cession des actifs navals » (point 284).

     

     

    Donc, la Commission doit revoir sa copie.

     

     

    Mais les soucis de la SNCM ne s’arrêtent pas là. Car voilà que se profile une extension de la procédure d’enquête de la Commission européenne aux conditions de la privatisation de la compagnie. Annoncées le 13/09/2006, les investigations porteront sur la conformité de la recapitalisation de la SCNM aux règles communautaires de concurrence. Les « limiers » de la Commission vont regarder de plus près les subventions publiques qui ont précédé la cession de capital marquant le désengagement de l’Etat français, à savoir le  financement d’une augmentation de capital à hauteur de 142,5 millions d’euros et un financement  de 38,5 destiné au plan social envisagé par les repreneurs privés. C’est à la suite de ces décisions que la cession partielle a pu intervenir, l’Etat conservant 25% du capital, le reste étant détenu par Butler Capital Partners (38%), Veolia Transport (28%) et les salariés (9%).

     

     

    Selon les lignes directrices sur les aides à la restructuration d’entreprises en difficulté , celles-ci doivent prendre la forme d’aides de trésorerie temporaires (garanties de crédits ou prêts) et être limitées à ce qui est strictement nécessaire pour l’exploitation de l’entreprise. Autrement dit, il est permis de donner un coup de pouce, mais pas de mettre l’entreprise sous perfusion.

     

     

    Or, la Commission exprime « des doutes sur le fait que les injections financières soient limitées au minimum nécessaire à la restructuration de la SNCM ». Bref, elle se demande si l’aide de l’Etat n’a pas été amplifiée afin de rendre la SNCM plus attrayante aux yeux des investisseurs et si les ressources propres de l’entreprise  sont suffisantes pour assurer sa viabilité.

     

     

    Et d’autres tracasseries juridiques attendent peut-être la SNCM. Dans un article du 14/09/2006, le Nouvel Observateur en ligne annonce qu’un concurrent de la SNCM dénonce des pratiques illégales à l’occasion de l’appel d’offre lancé par la région de Corse pour renouveler le contrat de concession de service public de desserte maritime de l'île.  

         

     Domaguil

  • Information sur l'Union européenne et les discriminations

    Hasard du calendrier... Au moment où certains medias voulaient nous faire croire que la discrimination à l’embauche à l’encontre de fumeurs serait légale dans l’Union européenne, la Commission européenne annonçait  une tournée européenne « pour favoriser la lutte contre les discriminations dans l'Union  ». Un camion est parti le 10 août afin de porter la « bonne parole » au cours d’un périple qui le conduira dans 22 villes de 13 pays membres. Le but est d’informer le public, et plus particulièrement les jeunes, sur les règles du droit communautaire permettant de  lutter contre les discriminations, notamment en matière d’accès à l’emploi et à la formation. En France, le camion  fera étape à Paris (le 4 novembre) et à Toulouse (le 9 novembre). Plus d’informations sur cette initiative sur le site de la Commission européenne consacré à la lutte contre les discriminations.

     

    Domaguil