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Quoi de neuf en Europe - Page 92

  • Elargissement de l'Union européenne...la pause à 27

    L’élargissement de l’Union européenne qualifié de « chef-d’œuvre politique » par Romano Prodi en des temps qui paraissent déjà lointains, n’a plus le vent en poupe. Et les mêmes critiques suscitées par l’arrivée de nouveaux membres d’Europe centrale et orientale se répètent alors que d’autres pays s’apprêtent à entrer dans  l’Union européenne. Mais le contexte est différent...

     

     

    Hier, la Commission européenne a rendu public un rapport sur l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Union dans lequel elle juge les deux pays en mesure d’intégrer l’Union européenne dès le 1er janvier 2007. Pourtant, bien des progrès restent à faire pour intégrer l’acquis communautaire (c’est-à-dire l’ensemble de la législation européenne) ce qui aurait du conduire à repousser au 1er janvier 2008 la date de leur entrée dans l’Union comme le permet le traité d’adhésion en cas d’impréparation des futurs membres (article 39 du protocole du traité d’adhésion).

     

     

    La corruption et le crime organisé, la sécurité alimentaire, les fraudes  dans l’utilisation des subventions communautaires sont autant de problèmes non réglés. Cependant, plutôt que de repousser l’échéance, la Commission européenne a préféré préconiser des clauses de sauvegarde qui permettraient de retarder le plein effet de l’adhésion dans les domaines litigieux en imposant des restrictions tant que les réformes nécessaires n’ont pas été accomplies. Par exemple, en matière de sécurité alimentaire, les exportations de la Roumanie et de la Bulgarie vers l’Union seraient interdites si les abattoirs de ces pays ne respectent pas les conditions d'hygiène imposées par le droit communautaire. Autre exemple : le versement des subventions communautaires serait subordonné à l’existence de procédures de gestion et de contrôle des fonds communautaires permettant de lutter efficacement contre les fraudes.

     

     

    En 2004 déjà, des problèmes analogues avaient été évoqués pour certains des dix nouveaux arrivants. Cela n’avait pas empêché leur adhésion le 1er mai 2004, moyennant des clauses de sauvegarde.

     

     

    Somme toute, il n’y aurait donc rien de nouveau sous le soleil bruxellois… hormis le fait que le contexte ambiant est  aujourd’hui à la méfiance : méfiance de l’opinion à l’égard de l’expansion continue de l’Union européenne qui a été une des raisons du rejet du traité constitutionnel par les français et les néerlandais, méfiance du Parlement européen qui a mis en garde contre tout nouvel élargissement que l’Union n’aurait pas la capacité d’absorber.

     

     

    Et c’est pourquoi le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, déclare à qui veut l’entendre, qu’il faut une pause dans l'élargissement de l'Union  en attendant une réforme institutionnelle. Il l’a dit le 22 septembre lors d’un forum sur l’avenir de l’Union à Berlin, il  l’a répété trois jours plus tard lors d’une rencontre avec le premier ministre français Dominique de Villepin : « Après le prochain élargissement à la Bulgarie et la Roumanie qui constitue la dernière phase de la réunification de l’Europe, nous ne sommes pas en condition pour accueillir de nouveaux Etats membres.  Il faut que les pays candidats respectent les conditions et les critères pour devenir membres de l’Union européenne mais il faut que l’Europe soit préparée à les recevoir ».

     

     

    Le message s’adresse aux pays de Balkans et à l’Ukraine, comme l’a clairement exprimé la chancelière allemande Angela Merkel elle aussi favorable à une pause.

     

     

    Quant à la Turquie, la perspective de son adhésion est encore assez lointaine pour que l’on puisse espérer que l’Union européenne aura trouvé entretemps une sortie de crise, d'autant plus que le traité de Nice n'est prévu que pour une Union européenne à 27 et que tout nouvel élargissement présuppose une réforme institutionnelle.

     

     

    Pour l'instant, le climat n’est guère favorable à l'adhésion de la Turquie.  Témoin la résolution que s’apprête à voter aujourd’hui le Parlement européen. Il y rappelle une série de griefs : la Turquie n’a  toujours pas reconnu la République de Chypre (alors que  « l’ouverture de négociations implique la reconnaissance de Chypre par la Turquie" ), elle bafoue les droits de l’homme, les femmes y sont toujours  victimes de violence et de discrimination malgré les lois adoptées qui ne sont guère appliquées, le génocide arménien est toujours nié . Les conclusions de la résolution sont plutôt sévères et ont des allures d’avertissement. Morceaux choisis : le Parlement « attend que, conformément à ses résolutions antérieures et à la position prise par le Conseil et la Commission, les priorités à court terme établies dans le partenariat d'adhésion seront respectées avant la fin de 2007 et les priorités à moyen terme avant la fin de 2009; souligne que la priorité devrait être accordée à la pleine mise en œuvre des critères politiques au cours de la première phase des négociations et que l'obtention de ces objectifs clairs est une condition de la poursuite du processus de négociation ». Plus loin, le projet de résolution ajoute « qu'à la différence des négociations précédentes, il conviendrait, dans le cas de la Turquie, de tenir l'opinion publique européenne informée en permanence et en détail des négociations proprement dites et des progrès accomplis sur cette voie par la Turquie ».

     

     

    Bref, l’Union européenne est priée de respecter les critères et les valeurs dont ses dirigeants se gargarisent et de mettre les actes en conformité avec les paroles, en gérant un dossier aussi important que celui de l'élargissement en toute transparence. Ce qui permettait d'éviter son instrumentalisation par les europhobes et les xénophobes de tout poil.

     

    Domaguil

     

     

  • Le droit communautaire de la concurrence fait tanguer la SNCM

    La Société Nationale Corse-Méditerranée (SNCM) est dans le collimateur de la Commission européenne depuis le 19/08/2002 date à laquelle l’exécutif européen a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les subventions publiques qui lui ont été versées.

     

     

    La SNCM est une compagnie maritime dont le capital a été public (détenu par l’état par l’intermédiaire de la Compagnie générale maritime et financière et par la SNCF) jusqu’à sa privatisation partielle devenue effective fin mai 2006. Elle assure la liaison entre la Corse et le continent dans le cadre d’obligations de service public destinées à assurer la continuité territoriale.  Depuis l’entrée en vigueur du  règlement européen 2577/92 qui étend au cabotage la libre prestation de services de transport maritime, elle est confrontée à la concurrence d’autres compagnies, alors qu’elle était auparavant en situation de monopole.

     

     

    En décembre 2001, le gouvernement français a notifié à la Commission européenne une aide au sauvetage de la SNCM, celle-ci étant confrontée à d’importants problèmes financiers mettant en danger sa survie, selon les autorités françaises, en raison de ses sujétions de service public. Les aides publiques sont en principe interdites par le droit communautaire car elles faussent la concurrence. Mais certaines d’entre elles peuvent être autorisées et il en est ainsi des aides à la restructuration des entreprises en difficulté connaissant des difficultés sociales graves. La Commission a édicté des lignes directrices précisant les conditions auxquelles ces aides doivent se conformer pour être compatibles avec le droit communautaire. Il lui fallait donc déterminer si ces conditions étaient remplies par l’aide attribuée à la SNCM.

     

     

    Finalement, l’enquête d’était achevée, le 9 juillet 2003, par une décision de la Commission européenne favorable à la SNCM, puisque la Commission avait estimé que l’aide de 66 millions d’euros octroyée pour la restructuration de la SNCM était compatible avec le droit communautaire et donc autorisée. Bien plus, une tranche complémentaire de 3,3 millions d’euros était approuvée le 16/03/2005.

     

     

    Mais dans un arrêt du 15/06/2005, le tribunal de première Instance a joué les empêcheurs de subventionner en rond, en annulant la décision de la Commission (15/06/2006, aff.T-349/03, Corsica Ferries France SAS c. Commission des Communautés européennes).

     

     

     Le tribunal avait été saisi par Corsica Ferries, un concurrent de la SNCM qui s’estimait lésé par le traitement privilégié dont avait joui cette dernière et qui  demandait au tribunal l’annulation de la décision de la Commission laquelle dans cette affaire était soutenue, de façon prévisible,  par l’état français et la SNCM.  Examinant la décision de la Commission, le TPI avait estimé qu’il y avait une erreur manifeste d’appréciation dans le calcul des contributions de la SNCM. Autrement dit, selon le tribunal,  la Commission avait été trop généreuse dans l’estimation des aides autorisées compensant les obligations de service public en négligeant les plus values réalisées par la SNCM lors de la vente d’actifs. Selon le tribunal : « En effet, dès lors que la Commission a constaté, s’agissant de la cession des actifs navals, l’existence d’une plus-value, en termes de produit net de cession, par rapport à l’évaluation de 21 millions d’euros retenue par le plan de restructuration et, s’agissant de la cession des actifs immobiliers, l’existence d’un produit net de cession de 12 millions d’euros, elle ne pouvait pas, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, retenir uniquement, pour la détermination du caractère minimal de l’aide au considérant 328 de la décision attaquée, l’évaluation de 21 millions d’euros prévue par le plan de restructuration pour la cession des actifs navals » (point 284).

     

     

    Donc, la Commission doit revoir sa copie.

     

     

    Mais les soucis de la SNCM ne s’arrêtent pas là. Car voilà que se profile une extension de la procédure d’enquête de la Commission européenne aux conditions de la privatisation de la compagnie. Annoncées le 13/09/2006, les investigations porteront sur la conformité de la recapitalisation de la SCNM aux règles communautaires de concurrence. Les « limiers » de la Commission vont regarder de plus près les subventions publiques qui ont précédé la cession de capital marquant le désengagement de l’Etat français, à savoir le  financement d’une augmentation de capital à hauteur de 142,5 millions d’euros et un financement  de 38,5 destiné au plan social envisagé par les repreneurs privés. C’est à la suite de ces décisions que la cession partielle a pu intervenir, l’Etat conservant 25% du capital, le reste étant détenu par Butler Capital Partners (38%), Veolia Transport (28%) et les salariés (9%).

     

     

    Selon les lignes directrices sur les aides à la restructuration d’entreprises en difficulté , celles-ci doivent prendre la forme d’aides de trésorerie temporaires (garanties de crédits ou prêts) et être limitées à ce qui est strictement nécessaire pour l’exploitation de l’entreprise. Autrement dit, il est permis de donner un coup de pouce, mais pas de mettre l’entreprise sous perfusion.

     

     

    Or, la Commission exprime « des doutes sur le fait que les injections financières soient limitées au minimum nécessaire à la restructuration de la SNCM ». Bref, elle se demande si l’aide de l’Etat n’a pas été amplifiée afin de rendre la SNCM plus attrayante aux yeux des investisseurs et si les ressources propres de l’entreprise  sont suffisantes pour assurer sa viabilité.

     

     

    Et d’autres tracasseries juridiques attendent peut-être la SNCM. Dans un article du 14/09/2006, le Nouvel Observateur en ligne annonce qu’un concurrent de la SNCM dénonce des pratiques illégales à l’occasion de l’appel d’offre lancé par la région de Corse pour renouveler le contrat de concession de service public de desserte maritime de l'île.  

         

     Domaguil

  • Des aides européennes pour le développement rural

    Le 12/09/2006, la Commission européenne a rendues publiques les dotations, par état membre, destinées au financement de mesures pour le développement rural durant la période 2007-2013.

     

     

    Cette politique déja ancienne a été réformée récemment ce qui se traduit par la création d’un instrument de financement et de programmation, le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), par une nouvelle approche du développement rural qui privilégie clairement les priorités de l'Union et non plus celles des états, par des procédures révisées et la recherche d’une plus grande implication des acteurs locaux afin  d'adapter les programmes d’action aux besoins du terrain. Quatre objectifs principaux ont été fixés :

    • amélioration de la compétitivité des secteurs agricole et sylvicole (ex : formation, aides aux infrastructures, soutien des agriculteurs participant à des régimes de qualité alimentaire),
    • environnement et espace naturel (aides compensatoires dans les zones de montagne, aides en faveur de Natura 2000, mesures agroenvironnementales),
    • amélioration de la qualité de vie et diversification de l'économie dans les zones rurales (ex : rénovation des villages, services de base tels que l'offre de structures d'accueil des enfants pour aider les femmes à revenir sur le marché du travail, tourisme),
    • approche Leader (stratégies de développement rural associant des groupes d'action ocale).

    Le budget global est de plus de 77 milliards d’euros dont les principaux bénéficiaires sont la Pologne (plus de 13 milliards), l’Italie et l’Allemagne (plus de 8 milliards chacune), l’Espagne (plus de 7 milliards), et la France (plus de 6 milliards). 

     

    La réforme de la politique de développement rural était une nécessité si l’on en croit le rapport de la Cour des comptes européenne  sur le bilan de la période 2000-2006 rendu public le 13/09. Elle y dénonce un certain nombre de problèmes : objectifs trop  larges et absence de priorités laissant la part belle aux choix nationaux qui se sont avérés trop confus pour  « savoir clairement à la réalisation de quels objectifs les crédits ont contribué », absence de ciblage des projets et procédures de sélection inefficaces. Selon la Cour, une part « considérable »  des  dépenses ont été en fait  réalisées dans des zones qui ne sont pas rurales, avec pour résultat paradoxal que par rapport à la période antérieure, l'aide aux zones rurales a sensiblement baissé. Encore faut-il remarquer qu’il s’agit d’estimations car le système de suivi et d'évaluation ne permet pas d'obtenir des informations suffisantes et fiables sur ce qui a été financé et ce qui a été réalisé !

    Domaguil  

     

  • Jeux sans frontières : paris en ligne et libre prestation de services dans l’Union européenne

    Emoi dans le monde clinquant des jeux d’argent : le 15/09/2006, les dirigeants de la société de paris en ligne autrichienne Bwin sont  arrêtés à Nice. Pourquoi ? Parce qu’une plainte a été déposée contre Bwin et une enquête ouverte pour « tenue illicite de jeux de hasard, loterie illicite, publicité de loteries prohibées, prise de paris illicite sur des courses de chevaux". A l’origine de la plainte : la Française des jeux et le Pari mutuel urbain (PMU) qui ont un monopole sur les jeux de hasard en France et n’entendent pas laisser d’autres sociétés empiéter sur leurs platebandes. S’ensuit une certaine agitation médiatique, la société Bwin clamant son indignation devant des « mesures disproportionnées » (précisons  pour les âmes sensibles que les dirigeants incarcérés ont été depuis libérés sous caution) et dénonçant les Etats qui « utilisent la force

    publique pour protéger, contre l'initiative privée et en contradiction avec le droit européen, des monopoles lucratifs illégitimes ».

     

     

     

    Sans préjuger de la validité des diverses incriminations dont fait l’objet Bwin (et notamment la publicité illégale), une question générale se pose en toile de fond de cette affaire : la libre prestation de services dans l’Union européenne interdit-elle que des législations nationales réservent les jeux d’argent à quelques sociétés en situation de monopole au détriment de leurs concurrents européens ? En d’autres termes, la réaction musclée des autorités françaises est-elle le chant du cygne d’un monopole condamné ? Du coté français on affiche une sérénité quasi bouddhique, en faisant valoir que les jeux ont été exclus du champ d’application de la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur en raison de la nature particulière de cette activité.

     

     

     

    Certes. Mais il n’en reste pas moins que  la directive services n’est que le prolongement de l’article 49 du traité sur la Communauté européenne et que celui-ci est l’objet d’une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui pourrait être favorable aux thèses de la société Bwin.

     

    Sans entrer dans le détail de celle-ci (pour plus de détails voir l’article sur le site eurogersinfo), rappelons que la Cour de justice des Communautés européennes :

    1. reconnaît aux états une marge d’appréciation pour réglementer les jeux de hasard (et les paris)
    2. admet que des objectifs d’intérêt général (protection de l’ordre social et lutte contre la fraude) puissent justifier des limitations au principe de libre exercice de ces activités
    3. mais exige que les mesures restrictives prises soient conformes à ces objectifs, proportionnées (n’excédant pas ce qui est nécessaire pour les atteindre)  et non discriminatoires (applicables de la même façon aux entreprises nationales et aux entreprises d’autres états de l’Union).

    Et ces conditions ne sont pas remplies, juge la Cour, lorsque les autorités d’un Etat incitent et encouragent les consommateurs à participer aux loteries, aux jeux de hasard ou aux jeux de paris afin de faire entrer de l’argent dans les caisses du trésor public. Car ces autorités ne peuvent pas alors  invoquer l’ordre public social tenant à la nécessité de réduire les occasions de jeu pour justifier des mesures limitant la liberté d’autres prestataires communautaires de proposer des paris en ligne. De plus, ajoute la Cour, si une sanction pénale est infligée aux contrevenants, il faut examiner si cela ne constitue pas une sanction disproportionnée (CJCE, 06/11/2003, C-243/01, Gambelli e.a).

     

     

     

    Il reste donc à la société Bwin à démontrer que le monopole conféré à la Française des jeux ne poursuit aucun intérêt général tel que la protection de l’ordre social, mais vise tout simplement à préserver et augmenter sa cagnotte. Et donc qu’il s’agit d’une entrave injustifiée à la liberté de prestation des services.

     

     

    Mission impossible ? Les casinos déjà en guerre contre le monopole (une plainte a été introduite devant la Commission européenne par le Syndicat Moderne des Casinos de France (SMCF) au printemps dernier) ne semblent pas le croire. Si l’on ajoute que la Commission européenne elle-même a déjà rappelé à l’ordre sept pays, au nombre desquels  l'Allemagne,  suspectés d'entraver la libre concurrence dans le secteur des paris sportifs, et qu’elle n’entend pas en rester là (d’autres pays seraient dans sa ligne de mire),  les avocats de la Française des jeux vont devoir affûter leurs arguments.

     

    Domaguil