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Règlement - Page 3

  • Les passagers victimes de retards de vols ont droit à une indemnisation

     

    Un retard de trois heures (ou plus) justifie que le passager aérien qui en est victime puisse obtenir une indemnité de la compagnie aérienne (saut si le retard est du à des circonstances exceptionnelles). Telle est la décision rendue par la Cour de Justice des Communautés européennes le 19/11/2009 dans deux affaires impliquant la compagnie Air-France. La Cour fait ainsi une interprétation extensive des dispositions du règlement 261/2004 sur l’indemnisation et l’assistance due aux passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol. Ce texte prévoit qu’en cas d’annulation d’un vol, les passagers peuvent recevoir une indemnisation forfaitaire d’un montant compris entre 250 et 600 euros, mais, s’il contient des dispositions pour l’assistance aux passagers victimes de retards, il ne leur reconnaît pas expressément un droit à être indemnisés.

    La Cour avait été saisie par les Cours suprêmes allemande et autrichienne, à la suite de recours portés devant ces juridictions par des passagers qui réclamaient, respectivement à Condor et à Air France, le versement de l'indemnité prévue par le règlement pour le cas d'annulation d'un vol, au motif qu’ils étaient arrivés à destination avec des retards de 25 et 22 heures par rapport à l'heure d'arrivée prévue.

    La Cour précise d’abord qu’un retard même important se distingue d’une annulation de vol. Car, dit le juge communautaire : « … un vol retardé, indépendamment de la durée du retard, fût-elle importante, ne peut être considéré comme annulé lorsqu’il donne lieu à un départ conformément à la programmation initialement prévue » (considérant 34), c’est à dire lorsque, mis à part l'heure de départ, tous les autres éléments du vol tels qu'initialement programmés, et en particulier l'itinéraire, restent inchangés. Et le juge communautaire n’hésite pas à entrer dans les détails en soulignant que « ne constitue pas, en principe, un élément décisif » le fait que les passagers récupèrent leurs bagages ou obtiennent de nouvelles cartes d’embarquement, pas plus que  les indications sur le tableau d'affichage de l'aéroport, les informations données par le personnel, ou encore une modification de la composition du groupe de passagers.

    En revanche, si la compagnie aérienne assure, postérieurement à l'heure de départ prévue, le transport des passagers sur un autre vol, le retard est alors assimilable à une annulation.

    Doit-on en conclure que les passagers victimes de retards, même importants, du vol initialement prévu ne peuvent prétendre à aucune indemnisation ?

    Non, répond la Cour, car ils subissent un préjudice (la perte de temps) comparable à celui des passagers dont le vol est annulé. Or, ceux-ci bénéficient aux termes du règlement, d’un droit à indemnisation même lorsqu'ils sont réacheminés par la compagnie aérienne sur un autre vol, à condition qu’ils aient perdu au moins trois heures par rapport à la durée prévue initialement. Si on refuse le droit à indemnisation aux passagers de vols retardés « ceux-ci seraient traités d’une manière moins favorable » (considérant 58). Et, conclut le juge communautaire, « aucune considération objective ne paraît susceptible de justifier une telle différence de traitement ». (considérant 59).

    Seules des « circonstances exceptionnelles » peuvent libérer la compagnie aérienne de son obligation d’indemnisation. Les compagnies aériennes Air France et Condor invoquaient donc des défaillances techniques pour expliquer les retards intervenus ces défaillances constituant, selon elles , des «circonstances extraordinaires». Mais la Cour rappelle qu’ « un problème technique survenu à un aéronef qui entraîne l’annulation d’un vol ne relève pas de la notion de «circonstances extraordinaires» au sens de cette disposition, sauf si ce problème "découle d’événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à sa maîtrise effective »  (considérant 70).

    Cette décision est intéressante par deux aspects, principalement :

    Parce qu’elle étend la protection des droits des consommateurs (en l’espèce  celui des passagers aériens) dans l'Union européenne

    Parce qu’elle est un exemple de la méthode de l’interprétation de la règle de droit par le juge communautaire.

    Celui-ci rappelle que l’interprétation doit se fonder non seulement sur les  termes du texte interprété, mais également sur le contexte qui a présidé à son élaboration et à son adoption et les objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie, ce qui implique de se référer non seulement au dispositif de l’acte mais aussi à la motivation comprise (considérants 41 et 42).

    L’interprétation doit veiller à préserver l’effet utile de l’acte en privilégiant, lorsque plusieurs interprétations sont possibles, celle qui est la plus favorable dans ce sens (considérant 47).

    Enfin, l’interprétation d’un acte de droit dérivé doit être réalisée au regard du droit primaire et notamment des principes consacrés par les traités (en l’occurrence, « le principe d’égalité de traitement qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié ») (considérant 48).

    Arrêt:

    (CJCE, 19/11/2009,aff.jointes C-402/07 et C-432/07, Sturgeon / Condor Flugdienst GmbH et Böck e.a. / Air France SA)

     

    Domaguil

  • Non opposabilité d'un règlement communautaire non publié au Journal Officiel

    La chose allait sans dire, mais elle va mieux en le disant : un règlement communautaire qui n'a pas été publié au Journal Officiel de l'Union européenne ne peut imposer des obligations aux particuliers. Il s'agit là d'un principe inhérent à l'état de droit mais sur lequel il a fallu néanmoins que la Cour des justice de Communautés européennes se prononce pour rappeler à l'ordre la Commission.

    Celle-ci avait en effet adopté un règlement en application des règles communautaires votées par le Conseil afin de garantir la sécurité dans les aéroports Ce règlement précisait dans une annexe quels étaient les objets que les passagers aériens ne pouvaient embarquer mais cette annexe était secrète , « dans le but de prévenir les actes illicites » précisait le  règlement. Ce caractère secret avait très contesté, car il viole le principe de la publicité des règles applicables, et avait donné lieu à un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes à l'initiative d'un passager qui s'était vu interdire l'embarquement.

    Dans son arrêt du 10/03/2009 (aff C-345/06, Gottfried Heinrich), la Cour confirme sans surprise que l'annexe du règlement incriminé « n'a pas de force obligatoire pour autant qu'elle vise à imposer des obligations aux particuliers ». Il est à noter que la Cour n'a pas poussé la rigueur jusqu'à prononcer l'inexistence du règlement .peut-être pour tenir compte du fait que la Commission avait accepté de publier l'annexe au JOUE sans attendre l'arrêt , dès août 2008 .

    Domaguil

  • Critiques des nouvelles règles communautaires sur les résidus de pesticides

    Le 01/09/2008 est entré en vigueur le règlement communautaire 149/2008 du 29/01/2008 dont l’objet est de modifier les règles jusque là en vigueur sur les résidus de pesticides en harmonisant les valeurs des limites maximales de résidus (LMR) de pesticides autorisés dans l’alimentation, c'est-à-dire en remplaçant les différentes LMR nationales par des LMR applicables dans toute l'Union européenne. Le nouveau règlement couvre approximativement 1 100 pesticides qui ont été ou sont toujours, utilisés dans l’agriculture, dans l’Union européenne ou le reste du monde et répertorie les LMR de 315 produits agricoles.

     

    Il s’agit du règlement pris pour l’application du règlement 396/2005 du 23/02/2005 relatif aux limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d'origine végétale et animale.

     

    Concrètement, c’est à la Commission européenne, assistée du Comité permanent de la chaîne alimentaire (où siègent les représentants des états membres) qu'il revient d’établir les LMR après avoir recueilli l’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (article 14 du règlement). Selon la Commission européenne, cette nouvelle réglementation garantira plus de sécurité alimentaire. Mais, ainsi que le font remarquer certains, cela dépend pour qui ! Car le risque qui résulte du remplacement des 27 LMR nationales par des LMR communautaires est de niveler par le bas en alignant les règles harmonisées sur les législations les moins exigeantes.

     

    Et c’est bien ce qui est reproché à la Commission.

     Diverses ONG ou réseaux d’ONG (PAN Europe : Pesticide Action Network) dénoncent une réglementation qui amplifie la contamination des aliments par les pesticides dans la mesure où les limites harmonisées se traduisent dans de nombreux pays par une hausse des seuils autorisés. Greenpeace et l’organisation autrichienne Global 2000 ont élaboré un rapport sur la question.

     

    Selon ces ONG, la Commission européenne a identifié, pour chaque pesticide, le pays ayant la plus mauvaise limite de sécurité et a purement et simplement adopté ce niveau pour les normes européennes, bradant ainsi la santé. Le rapport de Greenpeace et Global 2000 insiste par exemple sur les dangers de la consommation de pommes, poires, raisins, tomates et poivrons pour la santé des enfants du fait des nouvelles LMR. Selon Global 2000, en Autriche, les LMR augmentent pour 65% des pesticides dans des proportions alarmantes, et elles baissent pour seulement 4% d’entre eux. de plus, toujours selon les ONG la Commission n’a pas respecté les prescriptions du règlement de 396/2005 qui imposait de fixer des limites les plus basses possibles, en tenant compte par exemple, des «  effets cumulatifs et synergiques » des pesticides sur la santé ou encore de « la nécessité de garantir un niveau élevé de protection des consommateurs ».

    Bien que critique également envers le règlement de la Commission, l’organisation UFC Que choisir juge exagérées les critiques des ONG dans un article du 03/09/2008, les accusant de « tordre quelque peu le cou à la réalité » lorsqu’elles affirment que la Commission a privilégié les plus mauvaises limites de sécurité. A l’appui de ses dires l’UFC cite d’exemple de la pomme de terre pour laquelle douze LMR nouvellement fixées sont plus élevées que les anciennes limites françaises, neuf plus basses et neuf sont identiques. De même que choisir conteste les chiffres de toxicité des ONG, affirmant n’être pas parvenu aux mêmes résultats alarmants alors qu’elle a repris leurs propres calculs.

     

    Face aux critiques, la Commission européenne proteste de sa bonne foi et rappelle que tout citoyen a librement accès sur son site web à une base de données permettant d'effectuer une recherche sur la LMR applicable à chaque produit et à chaque pesticide, afin de garantir une « information transparente et actualisée ».

     

    PAN Europe a de son côté annoncé qu’elle avait formé un recours devant le Tribunal de Première Instance des Communautés européennes pour faire annuler la décision de la Commission refusant sa demande de réexamen du règlement 149/2008.

    Domaguil

     

  • Contestation de la légalité du règlement d’application des règles de sûreté aérienne

    En vertu d’un règlement communautaire du 16/12/2002 , les états de l’Union  européenne ont adopté des règles communes de sécurité dans les aéroports (règlement  n° 2320/2002 relatif à l'instauration de règles  communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile). Ces règles  prévoient notamment différents types de contrôles (voir l'article du 03/09/2007 sur le blog ).

    Des règlements d’application précisent les mesures à prendre. C’est le cas du  règlement de la Commission n° 68/2004 du 15 janvier 2004 et plus précisément de son annexe qui présente la caractéristique  d’être…secrète , « dans le but de prévenir les actes illicites » précise le  règlement. Ce caractère secret est très contesté,  car il viole le principe de la publicité des règles applicables.

    Le légalité du règlement d’application a été mise en cause par un passager qui avait été retenu en septembre 2005 au contrôle de sûreté de l’aéroport de Vienne-Schwechat au motif que son bagage de cabine contenait des raquettes de tennis et qu'il s'agissait prétendument d'articles prohibés. M. Gottfried Heinrich a résisté et est monté à bord de l'appareil avec les raquettes de tennis dans son bagage. Les agents de sécurité lui ont alors ordonné de quitter l'avion. M. Heinrich a engagé une action devant les tribunaux autrichiens et la Chambre administrative indépendante pour le Land de Basse-Autriche qu’il avait saisie a interrogé la Cour de justice des Communautés européennes sur le point de savoir si des règlements ou parties de règlements qui n'ont pas été publiés au Journal officiel peuvent avoir force obligatoire.

    La Cour de Justice ne s’est pas encore prononcée, mais une première indication de ce que pourrait être sa décision nous est donnée par les conclusions de l’Avocat général qui préconise que le règlement soit déclaré inexistant. Au motif que « la non-publication persistante et délibérée de l'annexe de ce règlement, qui comportait notamment la liste des articles prohibés pour les bagages de cabine, constitue une irrégularité d'une telle gravité qu'elle ne saurait être tolérée par l'ordre juridique communautaire ». Retenir la possibilité de contourner l’obligation de publication au prétexte qu’il s’agit d’une annexe, permettrait au législateur de contourner les exigences de publication en plaçant simplement les dispositions de fond dans une annexe non publiée. C'est précisément ce qui s'est passé en l'espèce, remarque l’Avocat Général qui poursuit : « Le lecteur ne peut s'assurer des effets du règlement sans consulter l'annexe, puisque c'est celle-ci qui en renferme toute la substance ». L’explication donnée par la Commission pour justifier l’absence de publication est rejetée. Bien plus, l’Avocat Général "enfonce le clou" en précisant qu'une « une motivation plus approfondie n'aurait pas suffi à dispenser le règlement d'une publication complète au Journal officiel » et tance vertement  la Commission européenne dont la position est qualifiée d’« absurde ».

    Cette démonstration implacable devrait logiquement conduire la Cour à suivre les conclusions de son Avocat général et à aller au delà d’une constatation de d’invalidité pour prononcer purement et simplement l’inexistence de l’acte. A suivre donc...
    (10/04/2008, Conclusions de l’Avocat général dans l’affaire C-345/06, Gottfried Heinrich)

    Domaguil

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