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quoi de neuf en europe - Page 81

  • Incertitudes sur l'avenir du service postal en Europe

    Le 10 novembre 2005, la Commission  a lancé une consultation publique sur les services postaux dans l’Union européenne. Plus précisément la consultation devait lui permettre de savoir si la date de 2009 prévue pour la libéralisation totale devait être maintenue. Pour cela, les particuliers et les entreprises étaient invités à faire connaître leur opinion et leurs attentes.

     

     

    L’ouverture à la concurrence du secteur postal a débuté en 1997, avec la directive 97/67 (caractéristiques du service universel minimum, celui que les états doivent garantir à tous et qui correspond aux obligations de service public) et s’est poursuivie avec la directive 2002/39 (étapes de l’ouverture à la concurrence).

     

     

    Sans grande surprise, la Commission vient de proposer une directive qui ouvre totalement à la concurrence les marchés des services postaux dans l’Europe communautaire d’ici 2009.  A partir de cette date le monopole public constitué par le « domaine réservé », c’est-à-dire hors concurrence, sera supprimé et tout opérateur postal pourra proposer les services qui en font partie, en d’autres termes, les envois de moins de 50 grammes.

    Encore faut-il savoir ce que va devenir la mission de service public. La directive 97/67 « service universel » dispose qu’une levée et une distribution de courrier au domicile doit être assurée au moins 5 jours par semaine à des prix abordables sur tout le territoire de l’Union européenne y compris dans les zones reculées,  là où c’est le moins rentable. La question posée est celle du financement du service universel, qui est aujourd’hui assuré grâce au monopole.

     

     

    La Commission européenne assure que les états sont parfaitement libres de choisir les modalités de financement des activités de service public, qui peuvent prendre la forme d’aides publiques, d’un fonds de compensation en faveur de l’opérateur chargé du service universel (alimenté par les opérateurs concurrents présents sur  les secteurs plus rentables), d’appels d’offres pour délégation. Dans un entretien avec le journal le Monde, le Président de la Poste, M. Bailly explique pour sa part sa préférence pour un dispositif « de "pay or play", dans lequel "les nouveaux entrants sur un marché prennent en charge une partie des  missions de service public proportionnée à leur capacité de financement et leur taille, sinon contribuent à un fonds ».

     

     

    L’union faisant la force, dix opérateurs postaux (belge, chypriote, français, grec, italien, hongrois, luxembourgeois, maltais, polonais et espagnol) ont publié un communiqué dans lequel ils expriment leur « inquiétude » sur « l'absence de réponses concrètes de la part de la Commission européenne sur le futur financement du service universel postal » et demandent le rejet de la proposition de la Commission.

     

     

    Selon eux, les mesures envisagées pour le financement n’ont fait l'objet d'aucun test économique ou opérationnel démontrant leur efficacité et n'apportent pas la  « sécurité juridique suffisante ». De ce fait, la suppression du secteur réservé, « le seul mode de financement qui, à ce jour, a montré son efficacité » est prématurée tant qu’aucune solution de substitution convaincante pour assurer le service public n’est pas démontrée.

     

     

    Mais comme souvent dans la si diverse Europe communautaire, d’autres pays ont un point de vue différent et la Commission peut compter sur le soutien des postes britannique, néerlandaise, suédoise, finlandaise et allemande qui appuient la libéralisation totale.

     

     

    C’est à présent au Conseil et au Parlement européen de trancher, l’adoption de la proposition de directive se faisant selon la procédure de codécision et sachant qu’il n’y pas d’obligation d’ouverture à la concurrence en 2009 puisque l’article 1-3 de la directive 2002/39 dispose « La Commission procède à une étude prospective destinée à évaluer, pour chaque État membre, l'impact sur le service universel de l'achèvement du marché intérieur des services postaux en 2009. Sur la base des conclusions de cette étude, la Commission présente, avant le 31 décembre 2006, un rapport au Parlement européen et au Conseil, assorti d'une proposition confirmant, le cas échéant, la date de 2009 pour l'achèvement du marché intérieur des services postaux ou définissant toute autre étape à la lumière des conclusions de l'étude."

     

     

    Il reste à remarquer que les utilisateurs de la poste n’ont pas saisi la possibilité qui leur était donnée de se faire entendre. Dans leur communiqué, les opérateurs postaux demandent « sur quels avis la Commission se fonde pour  proposer une totale libéralisation du marché en 2009 ». « Il est certain », affirment-ils,  « que ni les citoyens, ni les travailleurs, ni la majorité des opérateurs postaux nationaux ne l'appellent de leurs vœux puisque tous souhaitent une réglementation différente ». Ah vraiment ? Mais combien ont participé à la consultation au juste? Selon le rapport final de la Commission à la suite de la consultation publique , 2095 réponses de particuliers lui sont parvenues, et 200 d’entreprises. Sur les 2095 réponses de particuliers,  230 émanent de français. Même désintérêt de la part des associations françaises de défense de consommateurs ou d'usagers. La participation est dérisoire, rapportée au nombre d’internautes français qui ont accès, pour peu qu’il s’en donnent la peine, à toutes les informations sur l’Union européenne. Mais cela n’empêchera certainement pas ceux dont l'anti européanisme est le fonds de commerce de dénoncer une décision arbitraire de la Commission sur l’air du « on ne tient pas compte des attentes du peuple ».

     

    Domaguil

     

  • Les malheurs de SWIFT

     

    Deuxième épisode de « Big brother is watching you » : après avoir épluché  les informations personnelles des passagers aériens, voici comment l’administration  américaine met le nez dans nos opérations bancaires.

     

    Imaginez une société basée en Belgique,  prospérant avec discrétion dans le monde feutré des banques à qui elle fournit des services de messagerie sécurisés grâce auxquels elles peuvent échanger ordres de paiement et informations par delà les frontières. 7800 banques dont un grand nombre de banques centrales de plus de 200 pays recourent à ses services et lui font confiance. Pour justifier cette confiance, cette société, SWIFT, sauvegarde consciencieusement les messages sur un site miroir dont le serveur est situé aux Etats-Unis.

     

     

    Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes financier…jusqu’au jour où, l’administration Bush qui s’est engagée dans une lutte sans merci contre les terroristes réels et supposés, s’avise du trésor inexploité que constitue la mine d’informations détenue par SWIFT. Qui sait si derrière certaines des millions de transactions financières transitant par les tuyaux de SWIFT ne se cachent pas des émules de Ben Laden ? Un beau matin, les services du Trésor américain mettent le marché sur la table de SWIFT : « ou tu  nous laisses jeter un œil sur tes données ou tu écopes d’amendes record et en prime tu fais connaissance avec nos prisons » (le tutoiement est une licence destinée à suggérer que nous sommes dans un monde où la diplomatie n’est pas de mise).

     

     

    SWIFT ne sait que faire. Elle n’est pas vraiment tentée par la perspective de voir amputer sa cagnotte. Encore moins par celle d’aller faire un tour par la case prison. Mais, d’autre part, ce qui lui est demandé est-il bien régulier ? Si elle obéit aux injonctions américaines ne viole-t-elle pas les droit belge et communautaire ? Pas sûr que les règles de protection de la vie privée en Europe s’accommodent des méthodes expéditives adoptées outre Atlantique depuis le 11 septembre. Bref, SWIFT ne sait plus à quel droit se vouer.

     

     

    Dans son désarroi, elle se tourne vers le comité de supervision qui contrôle ses activités selon ses statuts. Les éminences qui en sont membres, présidents de banques centrales, comme la Banque nationale de Belgique ou la Banque centrale européenne, sauront sans doute ce qu’il convient de faire. Hélas ! Le comité veut bien superviser le bon fonctionnement des tuyaux mais pas s’occuper de l’imbroglio juridique dans lequel est plongée SWIFT. Pas de mon ressort, dit la BCE, par exemple. Et SWIFT se voit priée de se débrouiller tandis que BCE et Banque nationale belge regardent ailleurs, appliquant les trois préceptes de la sagesse : ne rien dire, ne rien entendre, ne rien voir.

     

     

    Il reste un recours à SWIFT : les juristes. Elle prend conseil : si elle obéit aux américains viole-t-elle la loi belge et le droit communautaire ? Mais non, lui répond-on benoîtement.

     

     

    Ainsi rassurée, SWIFT peut se lancer dans une loyale coopération avec les services américains et laisser les hérauts du monde libre fouiner dans des  renseignements concernant des centaines de milliers d'européens.

    Sans trop d’états d’âme…du moins tant que l’affaire n’apparaît pas au grand jour. Mais c’est compter sans le 4ème pouvoir qui quelquefois joue son rôle. En juin 2006, le pot aux roses est révélé par des journaux américains, SWIFT sommée de s’expliquer, la BCE et la Banque nationale de Belgique tirées de leur torpeur, et le Parlement européen monte aux créneaux en organisant une audition publique le 4 octobre pour tenter d’y voir plus clair.

     

     

    Devant les députés, SWIFT n’en mène pas large : la voilà soupçonnée, alors qu’elle pensait être tranquille, d’avoir violé les règles communautaires sur la protection des données personnelles.  Le Président de la BCE est lui-même quelque peu malmené (sacrilège) par des députés lourdement insistants.

     

     

    La Commission européenne fait la tête aussi. Il faut dire qu’elle a apparemment tout appris par la presse : ça fait négligé.

     

     

    Mais le plus remonté, c’est le Contrôleur européen pour la protection des données, un petit nouveau dans la nébuleuse des divers organismes européens et qui ne perd pas une occasion de se faire remarquer, avec la fougue des débutants. Le voilà qui s’en prend à l’auguste BCE à qui il reproche de n’avoir prévenu ni les états, ni les institutions européennes, au mépris de son devoir « moral » (oui, oui, il parle de morale le Contrôleur, c’est rafraîchissant). Il faut dire que la BCE n’a pas arrangé son cas en continuant à utiliser SWIFT après qu’elle ait appris que l’administration américaine surveillaient les transactions, qui est tout de même le comble de la distraction.

     

     

    Pour le moment, on est là. Une fois de plus, les américains ont réussi à mettre une belle pagaïe entre les européens qui ne savent pas trop quelle conduite tenir, faute d’avoir les moyens de riposter efficacement aux mauvaises manières de l’administration Bush.

     

     

    Mais après tout, est-ce si important diront certains. Nous sommes « en guerre contre le terrorisme », on nous le répète bien assez, cela justifie bien quelques petits sacrifices. Et de bonnes âmes d’ajouter que ceux qui n’ont rien à cacher n’ont rien à craindre.

     

     

    A cela je répondrai tout d’abord que ce n’est pas sûr : certains individus et corps de métiers, appliquent une présomption de culpabilité et non d’innocence (par exemple, allez expliquer à un CRS en pleine action que : non, vous ne manifestiez pas mais faisiez votre shopping).

     

     

    Et en deuxième lieu, je dirai que le problème n’est pas là, mais dans le fait que des autorités étrangères s’arrogent le droit de consulter des informations privées en vertu de lois mettant en œuvre des options politiques sur lesquelles je n’ai pas eu mon mot à dire n’étant pas de leurs ressortissants, quelquefois à mon insu, sans que je sache quelle utilisation exacte va en être faite, et combien de temps elles vont être conservées.

     Cela se passe tous les jours et dans bien des domaines ? Ce n’est pas une raison pour s’accommoder de ce grignotage continu de nos droits de citoyens.

     

    Domaguil

     

    NB: Pour plus de détails sur l'affaire SWIFT, voir l'article sur le site eurogersinfo

     

     

     

  • Concessions de l’Union européenne sur le transfert des données PNR (fichiers des passagers aériens) aux Etats-Unis

    Le 30 septembre expirait le délai  fixé dans l’arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes pour la conclusion d’un nouvel accord entre les Etats-Unis et l’Union européenne pour déterminer les conditions dans lesquelles les autorités américaines peuvent avoir accès aux informations personnelles sur les  passagers détenues par les compagnies aériennes assurant des vols vers leur territoire.

     

    Mais le 1er octobre, la Commission se voyait bien obligée de reconnaître que les négociations avec les Etats-Unis devaient se poursuivre afin de parvenir à un accord « le plus tôt possible ». La pierre d’achoppement était les nouvelles exigences présentées par les Etats-Unis qui ne se satisfaisaient plus des termes du précédent accord pourtant déjà très contesté au regard de l’atteinte à la vie privée qu'il comportait. Ils voulaient notamment que les agences américaines chargées de lutter contre le terrorisme, comme le FBI,  aient plus facilement accès aux données PNR, qui actuellement sont seulement accessibles aux  douanes. Ils demandaient également à ce que la liste des données accessibles soit étendue à d’autres informations.

     

    Au final, le compromis trouvé maintient inchangées les données accessibles, selon le communiqué du Conseil, et sur ce point l’Union a eu gain de cause. Le seul changement notable dans le contenu de l’accord est, selon les informations parues dans les medias (et que je n’ai pu vérifier)  que le bureau des douanes américaines pourra confier les données à l’ensemble des agences chargées de la lutte contre le terrorisme, concession faite par l’Union européenne. Cet accord provisoire court jusqu’à juillet 2007, afin de laisser le temps à l’Europe et aux Etats-Unis de négocier un nouvel accord.

     

    Voilà qui va soulager les compagnies aériennes qui se trouvaient entre le marteau du droit américain avec  la perspective d’amendes élevées (ou d'une interdiction d’atterrir) si elles n’obtempéraient pas aux demandes de communication des données PNR, et l’enclume de la législation communautaire sur la protection des données personnelles.

     

    En revanche, le Parlement européen va faire grise mine. Après avoir tenté de faire reconnaître que le précédent accord sur le transfert des données violait les droits fondamentaux, il se trouve mis devant le fait accompli, sans avoir eu son mot à dire sur un accord non seulement reconduit mais donnant plus de droits à l’administration américaine. Or dans une recommandation du 7 septembre 2006, le Parlement européen soulignait que « dans le cas des États-Unis, même après de longues négociations avec la Commission et en dépit de la bonne volonté manifestée dans les "déclarations d'engagement", il n'existe toujours pas de protection juridique des données dans le domaine du transport aérien; par conséquent, il est possible d'avoir accès à toutes les données PNR, à la seule exception des données "sensibles", et les données peuvent être conservées pendant plusieurs années après que le contrôle de sécurité a été effectué; en outre, il n'existe pas de protection judiciaire pour les non ressortissants des Etats-Unis ».

    Domaguil

  • Se faire payer par un débiteur d’un autre pays de l’Union européenne

    Comment permettre à des créanciers de se faire payer lorsque les débiteurs résident dans un autre pays de l’Union européenne, par exemple ? Il ne suffit pas d’avoir obtenu une décision de justice. Encore faut-il la faire exécuter et quand cette exécution doit être opérée dans un autre état membre, mieux vaut s’armer de patience et de ténacité pour affronter la complexité due à l’application de législations nationales différentes en matière de procédures d’exécution. Dans le cadre de l’établissement d’un espace européen de justice, la Commission européenne a présenté, le 24 octobre,  un livre vert qui propose des solutions pour permettre aux créanciers, entreprises et particuliers, de ne pas être confrontés à des impayés qui s’éternisent.

     

     

    La Commission y propose de créer une procédure européenne de saisie des avoirs bancaires qui bloquerait les fonds du débiteur sur le compte bancaire sans entraîner leur transfert immédiat sur le compte d'un créancier. L’ordonnance de saisie serait entourée de garanties pour assurer au débiteur un niveau de protection suffisant. Une fois rendue dans un état membre, l’ordonnance serait reconnue et exécutoire dans toute l’Union européenne sans qu’aucune déclaration lui reconnaissant force exécutoire ne soit requise.Cette nouvelle procédure européenne autonome viendrait compléter les saisies conservatoires déjà existantes dans les droits nationaux. Mais une solution alternative pourrait être trouvée dans une directive qui harmoniserait les législations nationales des états sur la saisie d'avoirs bancaires. Les parties intéressées peuvent présenter leurs observations à la Commission avant le 31 mars 2007.

     

     

    Plus d’information sur la page consacrée au livre vert.

    Domaguil