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union européenne - Page 11

  • La reglementation européenne du droit de grève fait "pschitt"

     

    Elle aura duré quelques petits mois pour finalement être retirée presque en catamini par la Commission européenne: la proposition qu'elle avait présentée en mars dernier pour reglementer les droits des travailleurs détachés par leur entreprise dans un autre pays de l'Union européenne pour y effectuer une prestation de servicesn'est plus.

    On ne peut pas dire qu'elle sera regrettée.

    Ce projet de règlement sur "l’exercice du droit de mener des actions collectives dans le contexte de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services", également appelé "règlement Monti II", avait pour but de préciser comment s'articulent le droit fondamental qu'est le droit de grève et les libertés économiques reconnues par les traités européens, dont la liberté de prestation de services. L'aricle 2 posait les principes généraux applicables aux relations entre ces droits fondamentaux et ces libertés économiques. Il les plaçait sur un pied d'égalité, écartant que les uns ou les unes puisse primer sur les autres. Mais dans la mesure où il y avait égalité, cette égalité impliquait que les uns et les autres devaient être respectés...ce qui pouvait justifier des restrictions à leur exercice. Et c'est bien ainsi que l'ont compris les syndicats qui, par la voix de la Confédération Européenne des Syndicats, ont dénoncé cette égalité qui conduirait à admettre des limites au droit de grève et ont exigé qu'en en cas de conflit, les droits sociaux fondamentaux prévalent.

    Comme les medias sont accaparés par la crise dans la zone euro et le débat sur l'avenir de l'Union européenne alimenté avec brio par Daniel Cohn-Bendit et Guy Verhofstadt, le retrait du règlement Monti II n'a pas eu droit aux premières pages. C'est pourtant une nouvelle importante qui illustre la façon dont se répartissent les compétences entre l'Union européenne et les états membres et comment, contrairement à ce que l'on dit, la première est très loin de pouvoir faire ce qu'elle veut.

    Le 13/09/2012, le blog de l'eurodéputée Malika Benarab-Attou nous apprend qu'à l'occasion d'une rencontre entre le Commissaire chargé de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion, Laszlo Andor, et les députés membres de la commission emploi et affaires sociales du Parlement européen, le Commissaire européen a annoncé le retrait de la proposition Monti II.

    Pourquoi?

    Ce retrait suit la réaction de plusieurs parlements nationaux qui ont utilisé le pouvoir qui est le leur de s'opposer à une proposition de législation européenne s'ils estiment qu'elle excède les compétences de l'Union européenne et viole le principe de subsidiarité. Ce contrôle et cette opposition sont un contrepoids majeur aux pouvoirs des institutions européennes, et ils sont rendus possibles, pour la première fois, par le Traité de Lisbonne. Il parait dès lors évident que la Commission a du, bon gré mal gré, tenir compte du refus des parlements nationaux.

    C'est dans le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité que se trouve détaillée la procédure que l'on appelle aussi couramment procédure du "carton jaune". Elle s'applique à tout "projet d'acte législatif " (par exemple, propositions de la Commission, mais aussi initiatives d'un groupe d'États membres, initiatives du Parlement européen, recommandations de la Banque centrale européenne avant l'adoption d'un acte législatif...). Dans un délai de huit semaines à compter de la transmission d’un projet d’acte législatif, toute chambre d’un parlement national peut adresser aux institutions de l’Union un « avis motivé » qui expose les raisons pour lesquelles elle estime que ce texte ne respecte pas le principe de subsidiarité. Lorsqu’un tiers des parlements nationaux a adressé un avis motivé, le projet doit être réexaminé. A l'issue de ce réexamen la Commission peut décider de maintenir le texte, de le modifier ou de le retirer. Sa décision doit être motivée. Si une majorité simple des parlements nationaux s'est prononcé contre le texte proposé, et si la Commission décide de le maintenir, c'est au légisteur européen, c'est à dire au Conseil et au Parlement européen, de se prononcer sur la compatibilité de la proposition avec le principe de subsidiarité.

    En l'occurrence, plusieurs chambres parlementaires avaient critiqué la proposition de règlement, estimant qu'elle empiétait sur les compétences des états. C'est le cas des parlements belge, danois, finlandais, français, letton, maltais, polonais, portugais, suédois néerlandais, britannique et luxembourgeois. Ensemble, ils ont réuni 19 voix sur 54 en termes de votes pondérés, donc plus d’un tiers des voix.

    En France, le Sénat avait voté le 22-05-2012 une résolution dans laquelle il estimait que "L'article 2 et le paragraphe 4 de l'article 3 de la proposition de règlement excèdent les compétences de l'Union en encadrant l'exercice du droit de grève " et proposait une autre rédaction : "l'article 2 devrait être rédigé de la façon suivante : « L'exercice de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services énoncées par le traité respecte le droit fondamental de mener des actions collectives, y compris le droit ou la liberté de faire grève».

    La Confédération européenne des syndicats ne dit pas autre chose. Elle s'est d'ailleurs réjoui de la décision de la Commission européenne de retirer sa proposition. Mais elle remarque que ce retrait ne résout toutefois pas les problèmes créés par la jurisprudence européenne Viking et Laval et qu' "Il est plus urgent que jamais de trouver une solution à la situation actuelle car celle-ci empêche les travailleurs de pleinement jouir de leurs droits. La Commission devrait garantir que les droits sociaux fondamentaux ne puissent pas être limités par les libertés économiques". Ce qui doit passer par un protocole de progrès social à joindre aux Traités européens qui précisera notamment que que les libertés économiques et les règles de concurrence ne peuvent prévaloir sur les droits sociaux fondamentaux et le progrès social mais, au contraire, que les droits sociaux doivent avoir la priorité en cas de conflit.

    Domaguil

     

  • Le Président du Tribunal de l'UE à la rescousse de la Grèce malmenée

     

    Non, l'univers des institutions européennes n'est pas toujours impitoyable! En témoigne l'ordonnance du Président du Tribunal de l'Union européenne du 20/09/2012.

    Par cette ordonnance, le Président du Tribunal suspend l’exécution de la décision de la Commission qui exigeait la récupération de 425 millions d’euros auprès des agriculteurs grecs, car elle considère que ces aides versées pour compenser des dommages survenus à la suite de mauvaises conditions climatiques sont des aides d'état illégales puisque contraires aux règles du droit communautaire de la concurrence.

    La Grèce a fait un recours en annulation de la décision de la Commission le 08/02/2012 et le 18/05/2012, elle a introduit une demande en référé pour obtenir le sursis à l’exécution de la décision de la Commission jusqu’au prononcé de l’arrêt au fond du Tribunal.

    Par son ordonnance, le président du Tribunal accepte donc la demande de la Grèce. D'une part, les moyens invoqués pour demander l'annulation de la décision de la Commission sont suffisamment pertinents et sérieux pour justifier à première vue en fait et en droit la suspension de cette décision. D'autre part, il existe une urgence "eu égard à la situation financière générale extrêmement difficile que connaît la Grèce". La "collecte forcée en masse" des sommes litigieuses empêcherait, dans une mesure appréciable, l’administration fiscale de se consacrer à une de ses tâches prioritaires consistant à lutter contre l’évasion fiscale et à collecter des sommes soustraites à l’impôt près de cent fois supérieures aux paiements litigieux. De plus, ajoute le Président du tribunal, la perte de confiance des citoyens grecs à l'égard des pouvoirs publics, le mécontentement généralisé et le sentiment d’injustice, qui se traduisent par l'augmentation des manifestations violentes contre les mesures d’austérité draconiennes prises par les pouvoirs publics grecs fait craindre que la récupération immédiate des aides contestées dans le secteur agricole entier puisse déclencher des manifestations susceptibles de dégénérer en violences. Ce risque n'a rien d'hypothétique et la perturbation de l’ordre public qui en résulterait causerait un préjudice grave et irréparable.

    C'est pourquoi le président du Tribunal a estimé que dans la situation économique et sociale exceptionnelle que connait la Grèce, il faut reconnaître que la préservation de la paix sociale et la nécessité de concentrer les efforts de l'administration fiscale sur les missions qu’elle considère comme primordiales pour le pays sont des intérêts qui priment sur toute autre considération, et en l'occurence, sur les intérêts financiers de l'Union.

    Voila comment la justice européenne fait une analyse du chaos grec que ne renieraient certainement pas ceux qui dénoncent les méfaits des politiques d'austérité. Par comparaison la Commission a, une fois de plus, le mauvais rôle.

    TUE, 20/09/2012, Ordonnance du Président du Tribunal dans l'affaire T-52/12 R, Grèce / Commission

    Domaguil

  • Bye Bye ACTA

     

    C'était annoncé, c'est fait: le Parlement européen a rejeté l'accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) qui donc ne sera pas applicable dans l'Union européenne ni dans aucun de ses pays membres. Le texte proposé était jugé trop imprécis et trop dangereux pour les libertés individuelles pour être accepté en l'état.

    La résolution qui signe le rejet de l'ACTA a été votée à une large majorité le 4 juillet: 478 députés ont voté contre, 39 pour, 165 se sont abstenus (la video du debat: ici).

    Le communiqué de presse du Parlement souligne que "lors des discussions sur l'approbation ou non de l'ACTA, le Parlement a été confronté à un lobbying direct sans précédent de milliers de citoyens européens qui l'ont appelé à rejeter l'accord, par le biais de manifestations dans les rues, d'e-mails aux députés, et d'appels téléphoniques à leurs bureaux. Le Parlement a également reçu une pétition, signée par 2,8 millions de citoyens du monde entier, appelant instamment à rejeter l'accord". Qui a dit que le Parlement européen n'a pas de pouvoirs? Qui a dit que les citoyens ne peuvent rien faire d'autre que subir cette Europe, parait-il, si anti-démocratique? Des gens mal informés sans doute...ou mal intentionnés.

    Domaguil



     

  • Les travailleurs détachés, "cheval de Troie" du dumping social dans l'Union européenne ?

     

    La libre prestation de services est une des composantes de la libre circulation des services, une des quatre libertés attachées au marché intérieur européen (libre circulation des marchandises, libre circulation des travailleurs, des services et des capitaux). Elle est consacrée dans l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

    Elle signifie notamment qu'un prestataire de services établi dans un pays de l'Union européenne a le droit de détacher temporairement des travailleurs dans un autre pays membre pour y prester un service. En raison du caractère temporaire du détachement, la relation de travail entre l'entreprise et ses employés reste alors régie par le droit du pays d'envoi et non par celui du pays où s'effectue la prestation (pays d'accueil).

    L'intérêt de cette liberté de prester des services dans d'autres pays de l' UE est qu'elle offre aux clients un plus grand choix de prestataires et qu'elle peut être une solution aux pénuries de main d' oeuvre que connaissent certains secteurs. Mais elle ouvre aussi la voie au dumping social, en confrontant les entreprises et les travailleurs locaux à la concurrence déloyale de prestataires de pays où les règles de protection des travailleurs comme les règles en matière de cotisations sociales sont moins exigeantes, ce qui permet de casser les prix et de contourner les droits des travailleurs.

    En termes quantitatifs, selon les chiffres donnés par la Commission européenne, on estime à environ un million le nombre de travailleurs qui sont détachés chaque année par leurs employeurs dans un autre pays de l’Union pour des prestations de services (soit 0,4 % de la main-d’oeuvre de l’UE). Les pays d'où sont originaires ces travailleurs sont essentiellement la Pologne, l'Allemagne, la France, le Luxembourg, la Belgique et le Portugal. Les secteurs économiqes les plus concernés sont la construction, l’agriculture ou les transports. Mais le détachement est également utilisé de façon importante dans la prestation de services très spécialisés, comme les technologies de l’information, par exemple.

    L'adoption de la directive 96/71 du 16/12/1996 concernant le détachement de travailleurs avait pour but d'éviter l'écueil de la concurrence déloyale et du « moins disant social » en formulant un socle de règles impératives en vigueur dans le pays d’accueil qui doivent s’appliquer aux travailleurs détachés. Cet ensemble de règles oblige l'employeur des travailleurs détachés à respecter pendant la période de détachement certaines règles protectrices du pays d’accueil résultant soit de la législation soit de conventions collectives déclarées d'applicationgénérale soit de « dispositions d’ordre public » qui englobe des règles jugées fondamentales par le pays.

    L'application de cette directive n'est pas allée sans déceptions et interrogations quant à sa portée et à son efficacité. C'est l'argument de la Commission européenne pour justifier une révision du texte.

    Mais pour les syndicats de travailleurs, fédérés au niveau européen dans la Confédération européenne des Syndicats (CES) ce n'est pas tant la directive qui est en cause que la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne relative à la façon dont les droits sociaux fondamentaux et le principe de libre prestation s'articulent...ou s'opposent. Différentes décisions de la Cour (les arrêts Laval, Viking, Rüffert et Commission/Luxembourg) ont en effet semé le trouble.

    C'est pour dissiper les doutes soulevés notamment par cette jurisprudence que la Commission européenne a présenté le 21/03/2012 une série de propositions sur les droits des travailleurs détachés dans l'Union européenne. Elles ont été accueillies avec scepticisme par les syndicats de travailleurs qui les jugent insuffisantes pour lutter contre le dumping social.

     La suite du dossier consacré aux propositions, à la jurisprudence de la Cour de justice et aux réactions et critiques suscitées se trouve sur le site eurogersinfo

     

    Domaguil