Une réglementation européenne récente
L’avis du Conseil économique et social européen portait sur une proposition de réforme de la législation existante au niveau de l’Union européenne, législation tout à fait récente.
En 2009, le Conseil et le Parlement européen ont adopté un règlement qui encadre l’activité des agences de notation. Il s’applique aux notations de crédit émises par des agences de notation enregistrées dans l’Union européenne et communiquées au public ou diffusées sur abonnement. Il instaure une procédure d'enregistrement préalable des agences de notation auprès d'une instance unique. La demande d’enregistrement doit être adressée au Comité européen de régulation des valeurs mobilières (CERVM), en fournissant, entre autres, des informations sur leur siège, leur statut juridique, leurs méthodes d’émission des notifications, et leurs politiques et procédures de gestion des conflits d’intérêts. Le CERVM transmet la demande à l’autorité compétente de l’ État membre d’origine, qui procède à l’enregistrement. Dans le cas d’une demande d’enregistrement soumise par un groupe d’agences, les autorités nationales compétentes conviennent conjointement de l’octroi ou du refus d’enregistrement. Pour les agences de notation établies hors de l’Union européenne, le règlement prévoit un système d’équivalence (entre les dispositifs de surveillance de l’UE et du pays d’origine de l’agence) et d’octroi d’une certification quand l’équivalence est reconnue.
Le règlement contient également des dispositions pour assurer l’indépendance des agences de notation et prévenir les conflits d’intérêt:"Une agence de notation de crédit prend toute mesure nécessaire pour garantir que l’émission d’une notation de crédit n’est affectée par aucun conflit d’intérêts ni aucune relation commerciale, existants ou potentiels, impliquant l’agence de notation de crédit émettant cette notation, ses dirigeants, ses analystes de notation, ses salariés, toute autre personne physique dont les services sont mis à la disposition ou placés sous le contrôle de l’agence de notation de crédit ou toute personne directement ou indirectement liée à elle par une relation de contrôle". Une annexe donne la liste des exigences à satisfaire pour remplir cet objectif. Enfin, le règlement impose des obligations de publicité concernant les concernant les méthodes et les hypothèses utilisées pour la notation Les États membres doivent déterminer des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives » en cas de violation du règlement.
Ces règles sont en application depuis décembre 2010 (le 07/12). De plus, une proposition de règlement adoptée par le parlement européen le 15/12/2010 confie la supervision des agences de notation à la nouvelle Autorité européenne des marchés financiers (ESMA selon le sigle anglais) créée en novembre 2010. L’AEMF controlera les agences de notation dont les notations peuvent être utilisées dans route l’Union européenne. A cette fin, elle aura le pouvoir de demander des informations, de lancer des enquêtes et de procéder à des inspections sur site. Elle pourra imposer des amendes en fonction du type d'infraction, de la taille des agences de notation de crédit et des circonstances aggravantes ou atténuantes qui sont prévues dans le règlement, ces amendes pouvant aller jusqu'à 20 % du chiffre d'affaires de l'année précédente. Ce texte doit être approuvé par le Conseil ce qui est une formalité dans la mesure où il a déjà fait l’objet d’un compromis avec le parlement européen avant le vote du 15/12. L’AEMF est opérationnelle depuis janvier.
Une réglementation en pleine évolution
Les textes évoqués précédemment ne sont pas les derniers. La Commission propose d’aller plus loin et a lancé en novembre 2010 une consultation publique ouverte jusqu’au 07/01/2011 pour « recueillir les points de vue de toutes les parties concernées sur les initiatives envisageables pour renforcer encore le cadre réglementaire applicable aux agences de notation de crédit ». Parmi les points abordés se trouvent par exemple l’amélioration de la notation des dettes souveraines, la confiance accordée aux agences, la concurrence dans le secteur de la notation, la responsabilité des agences. Le 10/03/2011, les commissaires européens Barnier et Rehn ont confirmé dans une déclaration conjointe que d’autres propositions de législation européenne vont suivre la consultation. A la fin de l’été ces propositions devraient être présentées à la fin de l’été. Les deux commissaires ont dit aussi attendre la position du Parlement européen qui délibère sur un rapport présenté de député libéral allemand Wolf Klinz, rapport qui dénonce les conflits d’intérêt au sein des agences et demande comme le CESE, la création d'un organisme européen de notation de crédit qui ferait concurrence aux trois agences actuelles (Moody's, Standard and Poor's et Fitch et les inciterait ainsi à améliorer leurs services et la fiabilité de leurs notations. Comme le CESE, certains groupes parlementaires estiment que "l’évaluation de la dette souveraine relève de l’intérêt public" et souhaitent que la dette souveraine soit évaluée par une agence internationale ou européenne indépendante, préposée à cette fin, en vue d’assurer la défense de l’intérêt public.
On le voit, le cadre réglementaire des agences de notation, la remise en cause de l’oligopole existant et la question de la notation de la dette des états est dans l’actualité de l’Union européenne. Et va le rester dans les mois à venir.
Le ton monte entre l’UE et les agences de notation
Dans leur déclaration conjointe, MM Barnier et Rehn , tout en se défendant de commenter systématiquement les notations des agences, assuraient le gouvernement grec de leur soutien, en le créditant d’avoir mené à bien un « impressionnant » programme de « réajustement » fiscal et d’être en bonne voie pour remplir les objectifs de la réforme ambitieuse arrêtée avec l’UE et le FMI.
Ce signal de confiance n’est pas de trop !
En effet, les trois principales agences de notation ont abaissé à plusieurs reprises plusieurs notes de pays de la zone euro. La Grèce en particulier a subi quelques jours avant la déclaration des commissaires Barnier et Rehn une baisse brutale de la note de sa dette à long terme , ce qui a suscité la colère du premier ministre grec qui a déclaré que cette dégradation de la note en révélait plus sur le manque de responsabilité des agences de notation de crédit que sur le véritable état ou les perspectives de l'économie grecque". Les accusations du Premier Ministre ne sont pas restées sans écho, la Grèce n’étant pas le seul pays membre de l’UE en difficultés. Car malgré les efforts faits par l’Union européenne pour enrayer la crise de la dette (fonds européen de soutien et mécanisme européen de stabilité qui prendra sa suite à partir de 2013) les dégradations de notes se succèdent. Bien plus, la dégradation des notes de la Grèce et du Portugal par l’agence Standard and Poor's n’est pas tant motivée par la lenteur des résultats des réformes que par la crainte d’une restructuration de la dette dans le cadre du mécanisme européen de stabilité : d’après l’agence, la restructuration de la dette pourrait en effet être une condition préalable à l’intervention du MES. Or la restructuration de la dette d’un pays signifie que les créanciers de ce pays, détenteurs des obligations qu’il a émises pour se financer, ne seront pas intégralement remboursés.. Plutôt dissuasif : Les prêteurs potentiels se détournent d’obligations risquées, les pays concernés ne peuvent plus se financer, leur situation s’aggrave, le cercle vicieux est enclenché.
Dans l’épreuve de force entre l’UE et les agences de notation, la première a reçu le renfort du FMI. Une étude que l’on peut trouver sur son site pointe l’influence négative des dégradations de notation des dettes souveraines des pays sur la situation économique des pays et sur les marchés financiers. Selon les auteurs, les changements de notation peuvent encourager l'instabilité financière. Les conséquences ne se cantonnent pas au pays dont la note est dégradée mais touchent les autres Ainsi , les dégradations des notes de grands pays comme la Grèce provoquent des retombées systématiques sur les autres pays de la zone euro, remarquent-ils.
Certains observent que les agences trop laxistes avant la crise se referaient aujourd’hui une réputation aux dépens de la zone euro. La tentation est grande de les rendre responsables de tous les maux et « de les mettre au pas » Mais dans le système financier actuel elle sont des acteurs incontournables puisque leurs notations sont utilisées par tous les opérateurs des marchés. Si elles cessent de noter un pays, il disparaît du champ de vision des investisseurs. C’est pourquoi la tâche des institutions européennes n’est pas simple.
Domaguil