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Quoi de neuf en Europe - Page 63

  • Etre ou ne pas être une Constitution européenne…dans un certain discours noniste

    Qui martelait en 2005 que le traité constitutionnel était bien une Constitution, gravée dans le marbre, et que tous ceux qui prétendaient le contraire mentaient ? Notamment, trois commentateurs nommés Jean-Pierre Gaillet, Robert Joumard, Rémi Thouly qui avaient rédigé un des « argumentaires » de campagne d’Attac intitulé « Dix mensonges et cinq boniments » et sous titré (tremblez bonnes gens) : « Les partisans du oui à la constitution européenne mentent délibérément ou travestissent la vérité. Ils trahissent l’Europe et les Européens ».

     

     

    Ces redresseurs de torts intrépides dénonçaient la félonie des partisans du oui accusés de mentir  sans vergogne lorsqu’ils affirmaient  que le traité n’était pas une Constitution  et qu’il n’était  juridiquement qu’un traité international signé entre les Etats souverains (mensonge n°1 dans leur « argumentaire »).

     

     

    Comme telle était la thèse que je m‘évertuais à défendre- bien vainement je dois dire, face à certains obstinés -, je me sentais fort déconfite d’être ainsi mise au ban de la bonne société démocrate et progressiste.

     

     

    Me voilà rassurée, j’y serai en compagnie de l’auguste Bernard Cassen, Directeur du monde diplomatique, Président d’honneur d’Attac-France, pourfendeur de l’Europe ultra libérale et opposant farouche et talentueux au traité constitutionnel européen contre lequel il mena campagne. Dans une interview récente, il nous confirme que : « le précédent traité n’était pas une constitution. C’était un traité exactement comme les autres, avec le même statut. On l’avait baptisé « constitution » au dernier moment, mais ceux qui l’ont élaboré, la Convention, n’ont jamais considéré que c’était une constitution. ..Il n’y a aucune modification de statut » (extrait d’une interview du 25/10/207, « Bernard Cassen : il faut un referendum »).

     

     

    Voilà donc Bernard Cassen qui rejoint le club des Pinocchio fustigés par Attac. Bienvenue à lui :-)

     

     

    Mais pourquoi Bernard Cassen met-il tant d’insistance à prendre le contrepied de ce qui a été un des arguments majeurs de la campagne du non et dont il essaie à présent de minorer l’importance ? La réponse ne manque pas de saveur. C’est que M.Cassen s’est avisé de l’habileté avec laquelle Nicolas Sarkozy a retourné à son avantage l’argument de la nature du texte en nous expliquant que, puisque le nouveau traité n’est pas une constitution mais un traité comme les précédents, il n’a rien à voir avec le texte rejeté par les français, et il est inutile de le faire ratifier par referendum. C’est pourquoi M.Cassen dénonce «un argument rhétorique utilisé par Sarkozy pour justifier le non-recours au référendum», ce qui est tout de même « culotté » quand on se souvient que les nonistes de tous bords (alter comme souverainistes)  n’ont pas manifesté tant de réticences à utiliser et instrumentaliser un tel « argument réthorique » lorsque cela leur a convenu . C’est la fable de l’arroseur arrosé : les  nonistes voient se refermer sur eux le piège qu’ils avaient tendu à leurs contradicteurs . Leur argument mensonger s’est retourné contre eux et leur revient comme un boomerang…

     

     

  • Le traité de Lisbonne est-il une constitution déguisée?

    Non.

     

    Sur le plan de la forme 

     

     

    Il y a eu une « épuration sémantique » ! Le mot "constitution" disparaît donc. De manière générale, la terminologie utilisée dans le traité de Lisbonne est plus neutre afin d’éviter d’évoquer des caractères étatiques. Ainsi, le « ministre des Affaires étrangères » du traité constitutionnel devient-il « haut représentant », les « loi » et « loi-cadre » disparaissent et les termes actuels de « règlement » et « directive » sont maintenus.

     

     

    La primauté du droit de l’Union est « évacuée » dans une déclaration (17) qui rappelle la jurisprudence de la CJCE et ne figure donc plus dans le corps du traité

     

    17. Déclaration relative à la primauté

    La Conférence rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'UE, les traités et le droit adopté par l'Union sur la base des traités priment le droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence. En outre, la Conférence a décidé d'annexer au présent Acte final l'avis du Service juridique du Conseil sur la primauté tel qu'il figure au document 11197/07 (JUR 260): "Avis du Service juridique du Conseil du 22 juin 2007

    Il découle de la jurisprudence de la Cour de justice que la primauté du droit communautaire est un principe fondamental dudit droit. Selon la Cour, ce principe est inhérent à la nature particulière de la Communauté européenne. À l'époque du premier arrêt de cette jurisprudence constante (arrêt du 15 juillet 1964 rendu dans l'affaire 6/64, Costa contre ENEL 1), la primauté n'était pas mentionnée dans le traité. Tel est toujours le cas actuellement. Le fait que le principe de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité ne modifiera en rien l'existence de ce principe ni la jurisprudence en vigueur de la Cour de justice."

     

     

    Dans sa décision du 20/12/2007, le Conseil constitutionnel français estime d’ailleurs que le principe de primauté ne figurant plus dans le traité de Lisbonne, il « n’a pas eu à se prononcer, contrairement à ce qui fut le cas en 2004, sur le principe de primauté du droit de l’Union sur le droit national ». (Décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007 - Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne) .

     

     

    La mention des symboles de l’Union dans le traité n’existe plus: drapeau, hymne, devise (ce qui ne signifie pas qu’ils disparaissent ; ils existent toujours).

     

     

    Le traité de Lisbonne est un traité international par son mode d’adoption (signature par les états et ratification nationale selon les procédures constitutionnelles propres à chaque pays), par son mode de révision (unanimité des états), par la possibilité de le dénoncer (définition qui avait déjà conduit le Conseil constitutionnel en 2004 à considérer que le traité constitutionnel était bien un traité et non une constitution) Décision n° 2004-505 DC, Traité établissant une Constitution pour l’Europe.

     

     

    Ce traité amende les textes antérieurs (d’où sa présentation qui le rend illisible puisqu’il s’agit de fragments de textes –les modifications- et de renvois pour le reste –ce qui demeure inchangé -  aux textes en  vigueur). Il y a en effet la numérotation du traité de Lisbonne, la numérotation des articles modifiés ou ajoutés dans les traités et la numérotation de la version consolidée de ces traités (après regroupement de leurs dispositions une fois les modifications intégrées). Un vrai jeu de piste…

     

     

    Le traité de Lisbonne fusionne ce que l’on appelle aujourd’hui les piliers de l’Union Européenne:

    -Premier pilier : le pilier communautaire qui correspond aux trois communautés d’origine : la Communauté européenne (CE) ; la Communauté européenne de l'énergie atomique (EURATOM) ; et 'ancienne Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), qui n’existe plus depuis le 22 juillet 2002 étant arrivé au terme fixé par le traité qui la créait.

    -Deuxième pilier : le pilier consacré à la politique étrangère et de sécurité commune ;

    -Troisième pilier : le pilier consacré à la coopération policière et judiciaire en matière pénale) .

     

    Sur le plan du contenu

     

     

    La Communauté Européenne (le premier piler actuellement) disparaît. Reste l’Union européenne, qui intègre les règles de fonctionnement et les compétences de la Communauté Européenne (ce que l’on retrouve dans le Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne) avec une procédure de décision de droit commun (des domaines tels que les questions de politique étrangère et de défense restent régis par des procédures particulières).

     

     

    Le traité de Lisbonne contient deux articles composés de très nombreux paragraphes.

    • L’article 1 modifie le traité sur l’Union européenne – traité de Maastricht (1992) (TUE)  sur des points comme les institutions, les coopérations renforcées, la politique étrangère et de sécurité ainsi que sur la politique de défense.
    • L’article 2 modifie le traité de Rome (1957) que l’on appelle couramment le traité instituant la Communauté européenne qui devient le « traité sur le fonctionnement de l’UE » (TFUE). Les modifications concernent les compétences et les domaines d’intervention de l’UE.

    En définitive, qu’est ce qui change dans la nature du texte ? Rien. Pas plus que le traité constitutionnel précédent ne changeait rien (malgré sa dénomination ambigüe, ce n’était pas non plus une constitution).

     

     

    Qu’est ce que le traité de Lisbonne change sur le plan politique ? L’ambition s’est faite plus modeste. Le terme d’Etat fédéral est tabou et la construction européenne reste un système hybride qui déçoit les fédéralistes et excite les souverainistes (voir par exemple, les hallucinantes « analyses » d’Etienne Chouard et d’Anne-Marie Le Pourhiet (Haute trahison, Marianne, 09 Octobre 2007).

     

     

    En conclusion : ce nouveau traité se situe dans la ligne des précédents, sans prétendre, comme le faisait le traité constitutionnel, à avoir une valeur plus solennelle (encore une fois, sur le plan symbolique, puisque sur le plan juridique, les deux textes sont des traités internationaux ).

     

    Domaguil

     

  • Préparation de la ratification du traité de Lisbonne en France

    Saisi par le Président de la République en application de l'article 54 de la Constitution française, le Conseil constitutionnel a rendu une décision le 20/12/2007, sur le traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 (décision n° 2007-560 DC). Le Conseil a jugé que la ratification de ce traité nécessite une révision préalable de la Constitution.
    Par conséquent, le Gouvernement a présenté le 03/01/2008, un projet de loi constitutionnelle modifiant la Constitution. Il sera soumis aux députés les 15 et 16 janvier, et aux sénateurs fin janvier, les deux chambres devant voter le texte en termes identiques. Le Parlement réuni en Congrès à Versailles procèdera ensuite à la révision  le 04/02/2008. La révision nécessite que le projet de loi constitutionnelle réunisse les 3/5èmes des suffrages exprimés.
    Le projet de loi constitutionnelle adapte la rédaction du titre XV de la Constitution (Des Communautés européennes et de l'Union européenne, articles 88-1 à 88-5) au contenu du traité. Les nouvelles dispositions deviendront applicables à partir de l’entrée en vigueur du traité.
    L’adaptation concerne des dispositions relatives aux compétences et au fonctionnement de  l’Union européenne. Il en est ainsi des matières « régaliennes » qui réaménagent les modalités d’exercice de compétences déjà transférées (passage de l’unanimité à la majorité qualifiée au sein du Conseil des  ministres européen). C’est également le cas de dispositions relatives à des matières régaliennes tels « l’espace de liberté, de sécurité et de justice » qui transfèrent des compétences à l’Union. Le Conseil a alors jugé que ces dispositions appellent une révision de la Constitution dès lors que sont affectées « les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ».
    D’autres modifications prennent en compte les pouvoirs reconnus au Parlement par le traité de Lisbonne en ajoutant à la Constitution de nouveaux articles 88-6 et 88-7.
    L’article 88-6 définit les conditions dans lesquelles chaque assemblée pourra s’assurer du respect, par les institutions de l’Union européenne, du principe de subsidiarité. Rendus destinataires de certains projets d’actes, l’Assemblée nationale et le Sénat pourront chacun adopter et  adresser aux présidents des institutions européennes un avis motivé indiquant les raisons pour lesquelles le principe de subsidiarité pourrait être méconnu. Chaque assemblée pourra aussi saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours contre un acte adopté qu’elle estimerait contraire au principe de subsidiarité.
    Si la révision de la Constitution est votée, la ratification devrait ensuite être soumise au Parlement très rapidement. La procédure applicable est la procédure législative habituelle.
    En cas de vote positif, la France serait le second pays à ratifier le traité de Lisbonne (la Hongrie ayant déjà ratifié le 17 décembre dernier).

  • Arrêts Viking et Laval (2)

    Quelques jours plus tard, la Cour de Justice reprend les principes développés dans l’affaire Viking dans son arrêt sur le cas Laval ( CJCE, 18/12/2007 , aff. C-341/05 , Laval un Partneri Ltd / Svenska Byggnadsarbetareförbundet e.a.).

     

    Là encore, la solution a, à la fois, de quoi satisfaire et de quoi inquiéter les syndicats. Satisfaire, car la Cour de Justice des Communautés ne se limite pas à confirmer que le droit de mener une action collective est un droit fondamental « faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire »  (considérant 91) mais rappelle, comme elle l’avait fait dans son arrêt du 11, qu’en vertu de l’article 3 du traité sur la Communauté européenne, « l’action de la Communauté comporte non seulement un marché intérieur caractérisé par l’abolition, entre États membres, des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux, mais également une politique dans le domaine social » (considérant 104). Dès lors que la Communauté a « non seulement une finalité économique mais également une finalité sociale », poursuit la Cour , « les droits résultant des dispositions du traité relatives à libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux doivent être mis en balance avec les objectifs poursuivis par la politique sociale, parmi lesquels figurent, ainsi qu’il ressort de l’article 136 CE, notamment, l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate et le dialogue social » (considérant 105). Tout comme elle l’avait fait dans son arrêt du 11, la Cour rappelle donc que « le droit de mener une action collective ayant pour but la protection des travailleurs de l’État d’accueil contre une éventuelle pratique de dumping social peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une restriction à l’une des libertés fondamentales garanties par le traité », en l’occurrence, la liberté de prestation de services (considérant 103). La Cour , enfin, légitime le blocus comme voie d’action collective en reconnaissant qu’il relève bien « de l’objectif de protection des travailleurs » (considérant 107). Ce faisant,  elle va plus loin que la jurisprudence française pour laquelle l’entrave à la liberté de travailler constitue une faute lourde.

     

     

    Mais l’application de ces principes généraux au cas d’espèce est moins favorable aux thèses des syndicats. En effet, la Cour juge que, dans l’affaire Laval, le blocus exercé n’était pas justifié, non pas parce qu’il ne répondait pas à l’objectif de protection des salariés, mais parce qu’il avait pour but de contraindre un prestataire de services étranger à adhérer à une convention collective sectorielle qui ne remplit pas les conditions prévues par la directive 96/71 sur le détachement de travailleurs  pour être opposable aux entreprises étrangères.

    Cette directive prévoit un ensemble de règles « impératives » de protection minimale que doivent respecter les employeurs qui détachent des salariés dans un Etat, dit pays d’accueil, en vue d’exécuter, à titre temporaire, une prestation dans cet Etat. Au nombre de ces règles figurent notamment, les taux de salaire minimal (article 3-1-c de la directive). L’article 3 de la directive dispose que ces règles sont fixées par « des dispositions législatives, réglementaires ou administratives et/ou par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d’application générale ». Le paragraphe 8 du même article précise ce qu’il faut entendre par conventions collectives d’application générale. Or, la convention collective suédoise à laquelle Laval était sommée de se conformer, ne remplit pas les conditions posées par ce paragraphe, juge la Cour. En Suède, la loi ne fixe pas de salaire minimal, laissant aux partenaires sociaux le soin de le déterminer dans les accords qu’ils passent. Mais les conventions collectives ne sont pas déclarées d’application générale. Cette difficulté aurait pu être levée si la Suède avait fait  usage de la possibilité laissée par la directive aux Etats de prendre pour base les conventions collectives ayant un effet général sur toutes les entreprises similaires appartenant au secteur concerné ou celles conclues par les organisations des partenaires sociaux les plus représentatives sur le plan national et qui sont appliquées sur l’ensemble du territoire. Mais elle ne l’a pas fait. Dès lors, la convention collective invoquée par les syndicats dans l’affaire Laval ne peut être prise en compte, d’autant, relève la Cour , que dans le secteur du bâtiment la négociation se fait au cas par cas, sur le lieu de travail, en tenant compte de la qualification et des fonctions des salariés concernés.

     

     

    Il en résulte pour l’entreprise prestataire une incertitude quant à l’étendue de ses obligations. Parce qu’elle s’inscrit  « dans un contexte national marqué par l’absence de dispositions, de quelque nature que ce soit, qui soient suffisamment précises et accessibles pour ne pas rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile la détermination, par une telle entreprise, des obligations qu’elle devrait respecter en termes de salaire minimal » (considérant 110), l’action du syndicat n’est donc pas de nature à justifier une restriction à la liberté de prestation de services.

     

     

    Il en aurait été autrement si la loi suédoise avait prévu un salaire minimal garanti ou si les conditions d’opposabilité des conventions collectives aux entreprises étrangères avaient été remplies.

    Les syndicats défendeurs ainsi que la CES se sont élevés contre ce qu’ils considèrent une interprétation trop étroite des dispositions de l’article 3 de la directive 96/71. De fait, il n’est pas inutile de rappeler que l’Avocat général avait adopté une position différente de celle  des juges dans ses conclusions. Celui-ci avait considéré que les syndicats peuvent, par des actions collectives contraindre un prestataire de services d’un autre état membre à souscrire à un taux de salaire prévu par une convention collective, même si celle-ci n’a pas été déclarée d’application générale, dans la mesure où elle est applicable de fait aux entreprises nationales du même secteur d’activités se trouvant dans une situation similaire. La Cour a donc choisi une conception plus restrictive, sur la base d’un raisonnement qui peut très bien se comprendre. Il est donc faux de conclure de ce cas d’espèce, comme on a pu le lire que la Cour « légitime le dumping social ».

     

     

    En réalité, les arrêts Viking et Laval  confortent, on l’a vu,  le droit syndical au niveau européen, mais le second met à mal le modèle suédois de négociation salariale.

    Domaguil